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Saliere, s. f. (Gram.) ustensile domestique, autre petit vaisseau plat de crystal, de verre, de fayance, d’or & d’argent, qu’on remplit de sel égrugé, & qu’on met sur la table.

Saliere, (Littérat.) salillum, salinum, concha salis ; les anciens mettoient le sel au rang des choses qui devoient être consacrées aux dieux ; c’est dans ce sens qu’Homere & Platon l’appellent divin. Vous croyez sanctifier vos tables en y mettant les salieres & les statues des dieux, dit Arnobe. Aussi n’oublioit-on guere la saliere sur la table ; & si l’on avoit oublié de la servir, on regardoit cet oubli comme d’un mauvais présage, aussi bien que si on la laissoit sur la table, & qu’on s’endormît ensuite. Festus rapporte à ce sujet l’histoire d’un potier, qui à ce que croyoit le vulgaire, avoit été puni par les dieux de cette faute ; s’étant mis à table avec ses amis près de sa fournaise toute allumée, & s’étant endormi pris de vin, & accablé de sommeil, un débauché qui couroit la nuit, vit la porte ouverte, entra, & jetta la saliere au milieu de la fournaise, ce qui causa un tel embrasement, que le potier fut brûlé avec la maison. Cette superstition n’est point encore éteinte dans l’esprit de beaucoup de gens, qui sont affligés, si un laquais a oublié de mettre la saliere sur la table, ou si quelqu’un vient à la renverser. Les Romains avoient pris des Grecs ce scrupule ridicule qui a passé jusqu’à nous.

Festus nous apprend encore sur l’usage des salieres à Rome ; qu’on mettoit toujours la saliere sur la table, avec l’assiette dans laquelle on présentoit aux dieux les prémices ; sa remarque nous procure l’intelligence de ce passage de Tite-Live, lib. XXVI, ch. xxxvj. Ut salinum, patellamque Deorum causâ habere possint. « Qu’ils puissent retenir une saliere & une assiette, à cause des dieux. » C’est encore la même remarque qui sert à éclaircir ces vers de Perse, satyre iij.

Sed ruri paterno
Est tibi far modicum, purum & sine labe salinum
Quid metuas ? Cultrix que foci secura patella.

« Que craignez-vous ? Vous avez un joli revenu de votre patrimoine ; votre table n’est jamais sans une saliere propre, & sans l’assiette qui sert à présenter aux dieux les prémices. »

Souvent les salieres que les anciens mettoient sur leurs tables, avoient la figure de quelque divinité. Sacras facitis mensas salinorum appositu & simulacris Deorum. Horace a dit de même.

Splendet mensa tenui salinum.

L’ancien commentateur a observé sur ce vers, que salinum propriè est patella, in quâ diis primitiæ cum sale offerebantur, Stace confirme cet usage.

Et exiguo placuerunt farre salina.

Tite-Live, l. XXVI, ut salinum patellamque deorum causâ habeant. Valere-Maxime, en parlant de la pauvreté de Fabricius & d’Emilius : uterque, dit-il, patellam Deorum, & salinum habuit.

Ce fait présupposé, il n’est plus surprenant que les Romains se soient imaginés que la divinité qui présidoit à la table, se tînt offensée, lorsque sans respect on renversoit le sel ; mais on doit s’étonner de ce que dans le christianisme, des personnes, d’ailleurs éclairées, soient encore dans ces idées ridicules, de craindre quelque malheur à cause du renversement d’une saliere. (D. J.)

Saliere, en terme de Diamantaire, c’est un ustensile de bois, monté sur une patte, & dont la partie supérieure un peu creusée en forme de saliere, reçoit dans un autre trou fait à son centre & qui descend assez bas, la coquille sur laquelle on monte le diamant en soudure. Voyez Mettre en soudure, &

la fig. Pl. du Diamantaire. R la saliere, S la coquille dans laquelle est monté un diamant.

Salieres, (Maréchall.) Les salieres du cheval sont à un bon pouce au-dessus de ses yeux. Lorsque cet endroit est creux & enfoncé, il dénote un vieux cheval, ou un cheval engendré d’un vieil étalon. Les jeunes chevaux ont cet endroit ordinairement plein de graisse, laquelle s’affaisse en vieillissant, & devient creux à-peu-près comme celui d’une saliere où l’on met du sel.

SALIÉS, (Géog. mod.) bourgade de Gascogne, dans le Béarn ; elle est remarquable par ses deux sources d’eau salée qui sont très-abondantes. (D. J.)

SALIGNAC, (Géog. mod.) autrefois petite ville, aujourd’hui petit bourg de France dans le haut Périgord, célebre pour avoir donné son nom à la maison dont étoit issu l’illustre Fénélon, archevêque de Cambrai. Son Telemaque immortalise sa mémoire. Long. 18. 56. lat. 45. 38. (D. J.)

SALIGNI, marbre, (Lithol.) Le marbre nommé saligni, est un certain marbre d’Italie, qui ressemble à une congellation. Il a le grain fort rude & sort gros, est un peu transparent, & jette un brillant semblable à celui qui paroît dans le sel, d’où lui vient son nom. (D. J.)

SALIGNON, s. m. (Salines.) pain de sel blanc qui se fait avec l’eau des fontaines salées, qu’on fait évaporer sur le feu. Ces sortes de pains se dressent dans des éclisses comme des fromages, avant qu’ils aient pris entierement leur consistance ; on en fait aussi dans des sebilles de bois. Le sel de Franche-Comté & de Lorraine se fait en salignon. Savary. (D. J.)

SALIN, adj. (Gram.) où l’on remarque le goût du sel, ou qui est de la nature du sel. Cette substance est saline. On trouve au sang un goût salin.

Salin, s. m. (terme de regratier de sel.) Dans le commerce de sel à petite mesure, on appelle le salin une espece de bacquet de figure ovale, dans lequel les vendeuses renferment le sel qu’elles débitent aux coins des rues de la ville de Paris. Quelques-unes l’appellent saniere. Trévoux. (D. J.)

SALINAS de Mengravilla, (las) (Géog. mod.) salines d’Espagne dans le village de Mengravilla, près d’Avila. Ce sont des mines de sel fort singulieres. On y descend, dit-on, plus de cent degrés sous terre, & l’on entre dans une vaste caverne, soutenue par un pilier de sel crystallin, d’une grosseur étonnante. (D. J.)

SALINELLO, le, (Géog. mod.) riviere d’Italie, au royaume de Naples, dans l’Abruzze ultérieure. Elle a sa source aux montagnes près d’Ascoli, & se jette dans le golfe de Venise, entre les embouchures de Vibrato & du Tordino. (D. J.)

SALINES, usines où l’on fabrique le sel. Il y a les marais salans où tout le travail tend à tirer le sel des eaux de la mer ; & les fontaines salantes, où tout le travail tend à tirer le sel marin des fontaines qui le tiennent en dissolution. Nous allons exposer ce qui concerne ces différens travaux, & commencer par les marais salans.

Des marais salans. Pour la construction de ces sortes d’édifices, il faut une terre argilleuse ou terre glaise qui ne soit nullement pierreuse ; si le fonds de cette terre tire sur le blanc, elle fera le sel blanc : ce sel est propre à la saliere : les Espagnols & les basques l’enlevent.

Si le fond se trouve rougeâtre, le sel tirera sur la même couleur ; mais le fonds du terrein sera plus ferme : il est propre pour le commerce de la mer Baltique.

Si le sel est verd, il vient d’un terrein verdâtre, il est propre à la salaison de la morue, du hareng & de toutes sortes de viandes ; le sel gris que l’on