Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/548

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nomme planche de charge, elle a d’ordinaire 36 à 40 piés de long, sur 18 à 20 pouces de large, & 3 à 3 pouces d’épaisseur. Une barque à charge est une barque vuide ou qui vient de vuider, qui a monté à la charge que le marchand lui a indiqué.

Il y a plusieurs barques dans un seul chenal ; on est quelquefois obligé de les haler, soit parce que le vent est contraire, soit parce qu’il n’en fait pas du-tout ; pour y suppléer, ces barques ont un petit bateau que le mousse mene pour passer celui qui hale, lorsque la mer est haute & qu’il se rencontre un ruisseau qu’il ne sauroit passer sans ce secours, comme on le voit au plan ; 15 la barque, 16 l’homme, 17 le bateau & le mousse.

Un ruisseau est un petit chenal ou canal à l’usage des marais, le chenal en fournit beaucoup de ses deux côtés.

Quand les barques sont chargées, elles mettent dehors du chenal ; si le vent est bon, elles appareillent, c’est-à-dire qu’elles hissent ou haussent leurs voiles qui ne sont que deux, la grand voile & un faux socq. Dès qu’elles sont dehors du chenal, elles mouillent si le navire n’est pas prêt, & attendent qu’il soit arrivé pour vuider. Quelquefois les barques sont chargées, & le navire est encore en Hollande ; cela arrive lorsque le navire est obligé de relâcher pour quelque raison que ce soit. Le bourgeois ou marchand ayant reçu avis du départ de son navire sitôt qu’il est hors du port, fait charger ses barques ; & comme le navire est retardé dans son cours, il faut qu’elles attendent son arrivée ; les marchands s’entre-aident en ces occasions en se donnant les uns aux autres du sel qu’ils se rendent ensuite.

Explication du marais, jas & conches. A Les bosses sont des terreins qui appartiennent au maître du marais, mais les grains, les potages, & tout ce qui s’y recueille appartient au saunier, le maître n’y prétend rien ; il y en a cependant quelques-uns qui ont une espece de gabelles dessus, par exemple, une ou deux mesures de pois ou de feves ; cette mesure pese environ 37 livres, d’autres ont 2 à d’huîtres ; mais il n’en est pas de même du sel, le propriétaire en a les , & est sujet aux réparations des jas, conches & varaignes ; le saunier a son quitte. Le maître a la liberté de vendre son sel sans consulter le saunier, & le saunier ne peut en vendre sans un ordre de son maître ; mais avec un ordre, il peut vendre & passer police avec les marchands. Plusieurs maîtres de marais laissent leur procuration à des personnes du lieu, qui ont soin de vendre le sel, de veiller sur les sauniers & de prendre leurs intérêts en tout.

B Le jas est le plus grand réservoir, on y met deux piés d’eau, comme je l’ai dit ailleurs.

E Les conches reçoivent l’eau du jas ; on en modere la hauteur par les gourmas, en ne laissant entrer que 4 à 5 pouces d’eau qu’on entretient par les chevilles du gourmas.

S Le mors est un petit canal qui reçoit l’eau, la conduit autour du marais, & retourne dans la table D par un pertuis ; ce pertuis est un morceau qui arrête l’eau du mors, & qui au moyen des petits trous qui y sont & qu’on bouche avec des chevilles, ne laisse entrer dans la table qu’autant d’eau que le saunier juge à propos. Quand il y a deux pouces d’eau dans la table qui élonge le marais d’un bout à l’autre, l’eau entre par les deux bouts dans le muant F ; le muant qui est au milieu du marais, fournit les petits canaux de 6 pousses de large, nommés brassour O, & les brassours par le moyen d’un piquet en fournissent aux aires ; l’aire est de deux pouces plus bas que le muant, & n’a que de pouce de hauteur d’eau.

G La vie du marais est un chemin entre les deux grands rangs d’aires élevé de 5 pouces au plus, & large de 4 à 5 piés ; c’est sur la vie qu’on retire le sel.

H Velles de marais ou de conches sont celles qui entourent les aires, ou qui séparent les eaux de la table en divers endroits, comme aux conches ; elles ont, comme la vie, 5 pouces de haut, font faire aux eaux tous les détours nécessaires, & font qu’elles ne se communiquent que quand le saunier le juge à propos ; au bout de ces velles, les eaux se détournent, c’est ce qu’on nomme les aviraisons, ce qui signifie en terme de saunier détourner l’eau ; elles ont depuis 11 jusqu’à 13 & 14 pouces de large.

K Anternons sont des levées qui sont à la traverse des marais, elles sont aussi hautes que larges, c’est à ces passages qu’on met plusieurs pertuis. Il y a de distance en distance des levées plus larges, qu’on nomme croisures, elles sont aussi larges que les vies ; on s’en sert pour porter le sel sur les bosses.

R Le coi est un morceau de bois percé d’un bout à l’autre, il sert à vuider le marais pour le nettoyer. Quand le marais manque d’eau & que la varaigne ne peut en prendre, on en prend par le coi ; mais cette ressource est mauvaise & desavantageuse pour le maître du marais, parce que cette eau est trop froide.

V b sont des gourmas faits comme celui qui est marqué P, on les appelle faux-gourmas, parce qu’ils ne tirent pas l’eau du jas, mais des conches en droiture. On en met plusieurs qui servent à rafraichir le marais quand il sale trop, & que le sel n’est pas de qualité requise.

ee Les sarretieres.

hh est une loge ou cabane où couche le saunier pendant l’été.

ff Les clairées ou réservoirs sont ordinairement au-bas des sarretieres où le premier occupant les a faites ; elles n’appartiennent pas au marais, à-moins que le maître ne les ait fait faire à ses dépens : le premier qui les a fait construire en est propriétaire, on les fait sans aucune mesure, elles couvrent un chantier élevé qui est entre les deux de chaque côté de 4 à 5 piés de large, sur 2 piés à 2 piés de haut. Tous les terreins paroissent les mêmes, mais ils ne font pas tous les huîtres aussi bonnes, elles sont moins vertes dans une partie des sarretieres que dans l’autre. Du côté de la Sendre, entre le chenal des faux & le chenal de Marennes elles sont très-inférieures ; entre le chenal de Marennes & celui de Lusac un peu meilleures ; entre celui de Lusac & celui de Recoulenne, elles sont les meilleures de la saline : mais au-dessous du chenal des faux elles ne reverdissent pas. Pour élever de bonnes huîtres, il faut avoir au-moins quatre clairées, dont on laisse une toujours vuide. On pêche les bonnes huîtres sur les sables & les rochers de daire, elles sont de la grandeur d’un denier ou d’une piece de 24 sols au plus, il ne faut pas qu’elles soient épaisses : on les porte dans une clairée où on les laisse deux ans ; au bout de ce tems, on sépare celles qui sont en paquet, ce qui est commun, sans blesser les tais ou écailles, & on les met dans une seconde clairée où on les range une-à-une sans se toucher. Une chose fort surprenante est que quand vous les mettriez sens-sus-dessous, vous les trouveriez droites le lendemain, elles se redressent au retour de la marée : à trois ans, elles sont belles, on en porte en cet état à Paris, mais elles ne sont pas aussi bonnes qu’à 4 & à 5 ans ; c’est le tems où elles sont dans toute leur bonté. Celui qui a des clairées doit veiller à toutes les malines ou gros de l’eau, voir si la mer n’a pas gâté les chantiers, & si les cancres ne font point de trous, afin de les raccommoder sur le champ, de peur qu’elles manquent d’eau, sur-tout au mort de l’eau que la mer les couvre ; elles supporteroient deux événemens dangereux, l’un dans le grand chaud, parce qu’étant à sec elles mourroient ou creveroient, comme disent les sauniers ; l’autre dans le grand froid, où elles se geleroient ; mais quand elles ont