Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/549

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2 piés ou 2 piés & demi d’eau, elles ne courent pas ce risque, parce que l’eau étant toujours agitée, ne se gele pas. D’ailleurs la mer est moins sujette à geler que l’eau douce. Les huîtres sont sujettes à une maladie quand elles restent trop long-tems dans une clairée, il s’y attache un limon qui les empoisonne, & qu’il faut ôter en raclant les écailles & en les changeant de clairée. Il faut nettoyer la clairée, & la mettre à sec au mort de l’eau ; il faut de plus empêcher la mer d’y entrer pendant cinq à six jours pour laisser sécher ce limon ; quand il est sec, le saunier le détache, on y laisse entrer l’eau qui le porte au-loin, & la clairée est en état d’en recevoir, quand le saunier en aura de nouvelles ; il n’y en mettra cependant pas de grandes la même année crainte d’accident ; il sera plus sûr d’en mettre des petites qui ne risquent rien, parce que cette maladie ne les prend qu’à deux ou trois ans : les sauniers mettent aussi des huîtres qui viennent de Bretagne, mais elles ne deviennent jamais aussi bonnes ; les connoisseurs s’en apperçoivent bien ; elles sont aisées à connoître par les écailles qui sont épaisses & qui paroissent doubles ; les bonnes au contraire ont les écailles fines & unies ; les sauniers nomment tais ce que nous appellons écailles.

Explication de l’écluse ou vareigne. a Boyart de haut est composé de deux pieces de bois, à deux piés de distance, séparés par quatre morceaux de bois e, qu’on appelle traverses.

b Boyart de bas qui ne differe de l’autre qu’en ce qu’il est plus grand ; celui qui est sur le plan est tiré sur un véritable.

c Ces deux pieces se nomment pieces droites, quoiqu’elles soient courbes.

d Les poteaux, ils sont à coulisse en-dedans, la porte glisse dans une mortaise qui y est pratiquée d’un pouce & demi de profondeur sur autant de largeur.

e Traverses qui sont au tiers de haut en dedans, pour assujettir les pieces nommées droites & pour retenir les terres ; les pieces droites sont garnies de planches à cet effet.

f Soubarbe, c’est une traverse qui est vis-à-vis des deux poteaux, au ras de la chapesolle 9 ou son surre de dessous, elle a aussi une rainure où entre le bas de la porte. La soubarbe est de la même grosseur que les poteaux.

i Bordeneau ou porte à coulisse, il est très-utile pour retenir les eaux qui entrent dans le jas, du moins on est sûr que le saunier ne sauroit le négliger sans beaucoup de malice, au-lieu que le portillon qui bat contre les poteaux à coulisse & contre la soubarbe n’est d’aucune utilité, il rend le saunier paresseux.

Les vareignes sont construites sans fer, toutes de bois, & garnies de gournables ou chevilles, au-lieu de cloux. Le fer ne sauroit durer, à cause du sel contenu dans les eaux qui le rongeroit bientôt.

Description abregée de la maniere dont se font les sels blancs artificiels dans les sauneries de la basse Normandie. Les sauneries doivent être établies sur des bas fonds aux environs des vases & des embouchures des rivieres, pour que le rapport des terres que fait continuellement la marée, en puisse mieux saler les greves, & les rendre plus propres à la fabrique de cette sorte de sel, dont la préparation & la main-d’œuvre se font généralement par-tout de la maniere que nous allons l’expliquer ; quelquefois une partie des greves est mouillée plusieurs fois toutes les grandes mers, plus ou moins, suivant que les sauneries sont placées ; mais il faut que la marée couvre les greves au moins toutes les pleines mers, c’est-à-dire tous les quinze jours.

Lorsque ceux qui veulent établir une saunerie ont

trouvé une place convenable, ils la brisent & la rendent la plus plate & horisontale qu’il est possible ; soit que cette place soit ancienne ou nouvelle, on la laboure avec une charrue ordinaire attelée de chevaux ou de bœufs, en commençant par le bord de la greve & finissant dans le centre, toujours en tournant ; après quoi on la herse comme une autre terre, en l’unissant le plus qu’il est possible avec un instrument qu’ils nomment haveau ; on fait ordinairement cette préparation la veille de la grande mer de Mars, afin que la marée qui doit couvrir la greve, le gravois ou terroir de la saline puisse y mieux opérer en s’imbibant d’autant plus dans le fond qu’elle sale davantage, & qu’elle unit d’autant plus qu’elle y rapporte beaucoup de sable & de sédiment ; ce qu’elle a fait aussi tout l’hiver qu’elle a couvert les greves des salines toutes les grandes mers. Quand la greve est ainsi préparée, & que les chaleurs l’ont desséchée, on voit aux beaux tems clairs & de soleil vif, la superficie du sable ou greve toute blanche de sel, pour lors on releve cette superficie environ quelques lignes d’épaisseur, suivant le degré de blancheur qu’on y remarque ; on releve aussi le sable par ondées ou petits sillons que les sauniers nomment havelées ; éloignés les unes des autres de six à sept piés au plus ; on fait cette manœuvre que l’on appelle haveler, avec les haveaux dont on s’est déja servi pour unir le fond à la premiere préparation, il faut une personne pour conduire la téte du haveau, & une autre pour conduire & lever le haveau en mettant toujours les ramassées au bout des dernieres ondées.

Après les havelées finies, on les coupe par petits monceaux, que l’on appelle mêlées, éloignées les unes des autres de six à sept piés ; après quoi on attele un petit tombereau qu’ils nomment banneau, d’une ou de deux bêtes, le plus souvent d’un ou deux bœufs, que l’on conduit entre les ételées ; pour lors quatre personnes, deux avant & deux arriere, ramassent ou chargent le sable des ételées dans le banneau, qu’un cinquieme conduit au gros monceau, qui est le magasin des sauneries ou des salines.

Près du grand monceau est le quin, le réservoir ou bassin dans lequel les sauniers prennent l’eau dont ils lavent le sable ; cette eau du quin est celle que la marée y rapporte toutes les grandes mers, où elle couvre les greves & remplit le quin.

Lorsque les ételées sont relevées, on repasse de nouveau le haveau sur la greve, comme on l’a fait ci-devant à sa premiere préparation, & on continue la même manœuvre autant de tems que le soleil & la chaleur en font sortir le sel ; les heures les plus propres sont depuis dix heures du matin jusqu’à deux ou trois heures après midi ; on ne peut être trop prompt à haveler ou relever les ételées.

Quand les sauniers veulent faire leur eau de sel, ils prennent au gros monceau le sable que l’on met dans les fosses, qui sont de petits creux ronds d’environ deux piés & demi de diametre, profonds de 12 à 14 pouces au plus ; le fond de ces fosses est cimenté de glaise & de foin haché, pour que l’eau qui coule dessus ne se dévoie point, mais qu’elle tombe directement dans le tuvau qui conduit de chaque fosse au canal du réservoir, qui est la tonée de la saline ; au-tour du fond il y a des petites jentes ou douvelles de hêtre d’un pouce de haut, qui entourent le fond de la fosse, & sur lesquels sont placées des douves à deux chanteaux, éloignés l’un de l’autre au plus d’une ligne ; on place sur les douves du glu de l’épaisseur d’environ un pouce, sur quoi on met le sable que l’on repasse en l’unissant autant qu’il est possible.

Quand la fosse est ainsi préparée & pleine de sable, on prend dans un tonneau enfoui à portée des fosses, de l’eau que l’on a tirée du sable pré-