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sous, la détachent des crocs qui la soutiennent, ôtent les bourbons, à l’exception de trois, la nettoient, & en tirent les crasses : ce travail s’appelle socquement des poëles.

L’écaillage suit le socquement. On commence par échauffer la poële à sec, afin qu’elle résiste, sans se fendre, à la violence des coups qu’il est nécessaire de lui donner pour briser & détacher les écailles qui sont extrèmement adhérentes, & ont quelquefois 2 pouces d’épaisseur. Le tout s’enleve ordinairement en trois quarts d’heure de tems ; mais il ne faut pas moins de trente ouvriers qui frappent tout-à-la-fois en divers endroits, à grands coups de massues de fer. Cependant il y a des écailles si opiniâtres qu’il faut les enlever au ciseau. Les Maréchaux rassurent ensuite les cloux étonnés, en remettent des neufs où il est nécessaire, & des pieces aux endroits défectueux.

Ces réparations faites, le directeur, les contrôleurs des bancs, & ceux des cuites en font la visite, & vérifient le travail des maréchaux.

Voyons maintenant ce qu’une poële en feu peut produire de sel, & à combien le muid revient au fermier.

La poële s’évalue à 240 muids par abattue ; l’abattue est de 18 tours, & le tour de 24 heures : donc la poële fait 20 abattues par an, & son produit annuel est de 4800 muids.

Mais il y a des accidens. Le froid, les vents, la vétusté des poëles & les tours en ont. Les premiers sont toujours moins abondans, & ne donnent ordinairement que 12 à 13 muids : les premiers de tous n’en donnent que quatre au plus, soit parce que la poële n’est pas échauffée, soit parce que les gouttieres ne sont pas encore étanchées ; du 5e. au 14e. il se fait 15 à 16 muids ; les derniers en donnent moins, parce que l’écaille de la poële qui est alors forte & épaisse, affoiblit l’action du feu : ce qui bien combiné réduit l’abattue à 220 muids, & le produit annuel de la poële a 4400 ; sur quoi déduisant le déchet à raison de 7 à 8 pour , on peut assurer que la saline qui travaille à trois poëles bien soutenues, fabriquera par an douze mille trois à quatre cens muids de sel.

Mais les dépenses en bois, en réparations, en poëles, poëlons, &c. se montent à 325369. 2. 7. ce qui divisé par 27654, quantité de muids de sel fabriqués pendant les années 1727 & 8, de même que 325369 2. 7. sont les dépenses de ces deux années, donne le muid de sel à 11 l. 5 s. 3 d. (au reste tout a bien changé de prix depuis le tems que ces calculs ont été faits).

La chevre est une espece d’échaffaudage composé de deux pieces de bois de six piés de longueur, liées par deux barres d’environ cinq piés, posées sur les bourbons qui se trouvent au milieu de la poële. Cet echaffaud a une pente très-droite, & forme un talud glissant sur lequel est posée une claie soutenue à son extrémité par un pivot haut de huit pouces, qui lui donne moins de pente qu’à l’échaffaud.

Lorsqu’il est question de procéder à la brisée, le contrôleur des cuittes, celui qui est de semaine pour ouvrir les bancs, les ouvriers de la brigade se rassemblent ; on ouvre les bancs, & alors une des ouvriers détache la sangle qui soutient la chevre, ôte les rouleaux, & faisant sauter le pivot d’un coup de massue, donne un mouvement à la chevre qui coule par son propre poids, & se renverse sur le seuil du banc. Cette opération se fait en même tems des deux côtés de la poëel qui est chargée de deux chevres égales.

Le sel demeure dans les bancs pendant dix huit jours, au bout desquels on le porte dans les magasins, & ce n’est que lorsqu’il y est, que les contrôleurs s’en chargent en recette.

Ce relevement se fait dans des especes de hottes de sapins appellées tandelins qui sont étalonnées sur la mesure de deux vaxels. Cet étalonnage n’est pas juridique ; il n’est que pour l’intérieur de la saline. Mais le vaxel est étalonné juridiquement en présence des officiers de M. le duc de Lorraine, à Bar où la matrice est déposée. Le vaxel est à-peu-près de la figure d’un muid en largeur, mais il a moitié moins de profondeur. Il contient environ 41 livres de sel : ce qui fait autour de 650 livres par muid, sel de magasin ; car celui des bancs est plus léger, n’ayant point encore acquis sont dépôt.

Droit des quatre francs deux gros. Ce droit se leve sur tous les sels qui sortent de la saline pour le fournissement des magasins, tant du département de Mets, que de celui de la saline, à raison de quatre francs deux gros pour chacun muid de sel. Il n’est point exigible sur les sels destinés pour les greniers de Metz & Verdun pour la gabelle d’Alsace & sur ceux qui se délivrent en vente étrangere.

L’embauchure, c’est le fournissement général des ustensiles nécessaires pour le chargement des sels, l’entretien des poëles, &c. les dépenses de réparation des murs, des fourneaux, des atres, fourniture de bourbons, claies, chevres, vaxels, &c.

Les fonctions principales du directeur receveur sont de régir la saline, de recevoir les soumissions pour les traites à faire, en l’absence des fermiers, ou de renouveller pour les voitures des sels, faire exploiter les bois affectés à la saline, & tenir la main à ce que les employés fassent leurs devoirs, distribuer le sel pour les entrepôts, &c.

Il y a des contrôleurs des bancs, contrôleurs des cuites.

Les veintres sont au nombre de quatre : deux résident à la saline, les autres au-dehors. Ils ont inspection sur les ouvriers boquillons, qu’ils mettent en nombre suffisant dans les coupes, & qu’ils éveillent.

Il y a des portiers.

Sel en pain. Les rois de France & d’Espagne devenus successivement possesseurs de la Franche-Comté, ont conservé l’usage & les différentes formes du sel en pain. Il s’en fabrique de neuf sortes, dont huit pour la province, & un pour le canton de Fribourg.

Gros sel d’ordinaire. Ce pain pese 3 livres 8 onces, ce qui fait pour la charge, composée de 48 pains, 168 livres. Sa forme est ronde & un peu creuse dans le milieu ; il est destiné aux communautés du bailliage d’Amant, à la ville & partie du bailliage de Salins.

Petit sel d’ordinaire. Ce pain pese environ deux livres & demie & la charge de 120 livres. Il est marqué de deux cercles qui regnent au-tour. Il est destiné aux communautés du bailliage d’Aval.

Petit sel de poste d’ordinaire, pese communément 2 livres 10 onces, & par conséquent la charge est de 126 livres. C’est à l’usage des communautés du bailliage de Salins.

Sel roture, ou d’extraordinaire, marchand dans toute la province, & destiné à subvenir aux besoins de ceux qui n’ont pas assez de sel d’ordinaire, doit peser 3 livres, & la charge 144. Sa figure est comme celle du gros sel d’ordinaire, il n’en differe que par le poids.

Sel marque de redevance. La distriburion s’en fait, suivant l’état du roi, aux parties qui y sont employées. Il doit peser 2 livres & , & sa charge 120 livres. Sa forme est celle du sel de poste.

Sel rosiere de redevance. Il se délivre pareillement, en conséquence de l’état du roi ; le pain pese 3 livres , & la charge 144.

Gros salé de la grande saline à 8 pour charge. Ces gros salés sont affectés aux propriétaires d’états de la grande saline, & aux cours supérieures de comté.