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Chacun de ces salés doit peser 12 livres , figuré comme le moule dela forme d’un chapeau.

Gros salé de la grande saline à 12 pour charge. Même destination que ceux à 8 pour charge, dont ils ne different que de grosseur & de poids ; pese 8 livres chacun.

Sel de Fribourg, se délivre au canton de Fribourg, en exécution d’un traité du roi. Il ressemble au gros sel d’ordinaire ; pese chacun 2 livres 6 onces.

Salines de Bexvieux et d’Aigle appartenantes au canton de Berne, & celle de Moutiers en Tarentaise, pays de Savoie, appartenante a sa majesté le roi de Sardaigne, où il y a des galeres, ou bâtimens de graduation,

La graduation est une opération par laquelle on fait évaporer par le moyen de l’air & sans le secours du feu, plusieurs parties douces de l’eau salée, en l’élevant plusieurs fois au haut d’un bâtiment construit à cet effet, par le moyen de plusieurs corps de pompes qu’une eau courante met en mouvement, & la faisant retomber autant de fois de 20 à 25 piés de haut sur plusieurs étages de fascines ; d’où il résulte une grande diminution dans la consommation du bois, & dans les autres dépenses relatives à la fabrication du sel.

Plus la construction des bâtimens destinés à la graduation est parfaite, plus les différentes économies sont sensibles & utiles. Pour déterminer avec certitude l’étendue des bâtimens nécessaires à graduer l’eau d’une source salée, il en faut connoître avec précision le degré de salure. Un long usage a fait remarquer à MM. de Berne que les bâtimens de graduation à une seule colonne de fascines étoient sujets à perdre des portions de sel, en ce que quand il y a beaucoup d’agitation dans l’air, les particules d’eau salée dérivent de la perpendiculaire, & sont emportées lors de leurs divisions. Pour remédier à cet inconvénient, ils ont fait construire un bâtiment auquel ils ont donné 25 piés de largeur au-lieu de 18 qu’avoient seulement les anciens, & ils ont mis double colonne de fascines, qui n’ont que l’ancienne largeur par le haut, mais qui s’accroissant par le bas, prennent la forme d’une pyramide tronquée.

Le méchanisme de la graduation paroît très-simple, & quand on l’a vu pendant 24 heures, on croit le savoir & le posseder à fond : cependant il y a une infinité de particularités intéressantes qui ne se présentent que successivement ; & sans toutes ces connoissances réunies, on court risque de tomber dans des erreurs qui coûtent cher.

La saiine de Bexvieux & celle d’Aigle sont situées vis-à-vis S. Maurice, à l’entrée de la gorge du Valais, à deux lieues l’une de l’autre.

Il n’y a qu’une source à la saline de Bexvieux ; elle sort d’une montagne appellée le fondement. On l’a découverte en 1664, & l’on pénétra fort avant dans le roc pour en rassembler les filets ; mais on n’est parvenu à la maintenir dans un haut degré de salure qu’en y creusant de tems en tems ; par la raison que les terres qu’elle parcourt ne contenant, selon toute apparence, que des portions & des rameaux de sel, ces rameaux s’épissent par le mouvement continuel des eaux, qui ne reprennent une haute salure qu’en leur frayant un route nouvelle ; en sorte que cette source est actuellement plus basse de 250 piés que le niveau du terrein où on l’a trouvée originairement, ce qui a obligé de faire des galeries à différentes hauteur pour en procurer l’écoulement.

Mais comme en approfondissant la source, le travail des galeries se multiplioit, & que la dépense croissoit à proportion, MM. de Berne prévoyeant que cette entreprise deviendroit à la fin insoutenable, s’ils ne rencontroient quelque moyen plus simple, faisoient consulter par-tout les ingénieurs les plus ha-

biles, mais inutilement, jusqu’à ce que M. le baron

de Boëux, gentilhomme saxon, leur inspira un vaste dessein, pour lequel il eut sept mille louis de récompense, & quinze cens pour son voyage sur les lieux.

Ce dessein consiste à introduire un gros ruisseau dans l’intérieur de la montagne, par la cime du rocher, pour faire mouvoir plusieurs corps de pompes, au moyen d’une grande roue de 36 piés de diametre, posée à plus de 800 piés de hauteur perpendiculaire de l’entrée du ruisseau dans le rocher ; & ce rocher est en partie de marbre, en partie d’albâtre, & de pierre dure ; un mineur n’en emportoit guere plus d’un pié cube en huit jours ; cependant cette montagne est traversée à jour dans plusieurs endroits, & il y a cinq autres galeries, de 3 piés de large, & de 6 piés de haut, qui font en tout plus de 3000 toises de longueur, & de 7 millions 28000 piés cubes. La nature de ce travail, le tems, la dépense, & la grandeur de l’entreprise, sont autant de sujets d’étonnement pour le voyageur, & autant de preuves du cas que l’état de Berne fait de son trésor, & du desir qu’il a de se passer de l’étranger.

Le degré de la source est variable : quand elle est à sa plus grande richesse, elle porte jusqu’à 20 ou 22 parties, épreuve du feu, ce qui feroit près de 28 à l’épreuve du tube ; son plus bas a été à 8 degrés ou à 10, elle produit ordinairement 500 livres pesant d’eau par quart-d’heure ; ces eaux sont conduites de la source, par sa pente naturelle, à la saline de Bexvieux, par des tuyaux de bois de sapin, dans une distance de de lieue, où elle est reçue dans des reservoirs, & de-là reprise par un mouvement de pompes que l’eau fait agir, pour la porter dans de grandes galeries appellées bâtimens de graduation, qui peuvent la fortifier jusqu’à 27 degrés ; de-là elle passe par sa pente naturelle dans les bernes ou bâtimens de cuite.

La même montagne fournit encore une autre source, foible, qu’on sépare de la précédente, & qui s’étend par des canaux de sapin, jusqu’à l’Aigle, lieu distant de-là de deux lieues.

Cette source est fort chargée de soufre de bitume ; l’odeur en est forte, & l’on en voit sortir l’exhalaison en tourbillon de fumée, même pendant l’été, à l’issue des galeries qui donnent entrée dans la montagne. Les lampes des mineurs enflamoient quelquefois cette matiere, sur-tout dans les galeries en cul-de-sac, où il n’y a point d’air pasant, alors elle chassoit avec impétuosité tout ce qui lui resistoit, bruloit, pénétroit les corps ; il y avoit des ouvriers blessés & étouffés de la sorte ; pour éviter cet inconvénient, on établit de distance en distance de gros soufflets de forge, que l’on agitoit sans cesse pour chasser cette vapeur. C’est ainsi qu’on en usoit lorsque M. Dupin visita ces travaux ; cependant le sel de cette source est beau, bon, sain, crystallin, & blanc comme la neige ; le soufre contribue à lui donner cette blancheur, sans lui laisser son odeur.

On associe à cette derniere source, celle de la montagne de Panet, & leurs eaux vont mêlées, dans les reservoirs ou bâtimens de graduations, prendre, de foibles qu’elles sont, jusqu’a 25 à 27 degrés de salure ; on pourroit les pousser plus loin, mais l’eau trop chargée de sel devient gluante, pâteuse, & ne coule plus aisément par les petits robinets destinés à la repandre en forme de pluie, sur différens étages de fascines qu’elle doit traverser pour arriver à son bassin ; elle s’y attache, se fige, empêche l’effet de l’air, & par conséquent de l’évaporation, quand le tems est convenable, c’est-à-dire gai & sec ; on pousse la graduation depuis un degré & demi jusqu’à dix, en 24 heures. Avant cette découverte il falloit 6 cordes & demie de bois, pour fournir 25 quintaux ; maintenant 3 cordes & demie en donnent 80. Il est inutile