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ration. L’étain paroit préferable à l’argent, parce qu’il ne se charge pas de verd-de-gris ; & l’on doit toujours avoir soin de laver l’éprouvette avec de l’eau douce après qu’on s’en est servi, autrement elle cesse d’être juste.

Nous observerons ici, qu’il n’y a que les matieres salines qui marquent à l’éprouvette ; parce que le sel seul, pouvant se placer dans les petits interstices qui sont entre les globules de l’eau, la rend plus forte, plus difficile à céder, & s’y insinue même jusqu’à une quantité assez considérable, sans la faire augmenter de volume ; mais l’on auroit beau charger une eau douce de boue, & d’autres parties étrangeres, si on la met à l’éprouvette, le cylindre restera à la marque de l’eau douce, sans indiquer le moindre degré de salure.

Il y avoit autrefois une ancienne éprouvette en usage à Salins, dont le degré étoit d’un tiers plus foible que celui de la nouvelle dont nous venons de parler, c’est-à-dire qu’au lieu d’indiquer une livre de sel renfermée dans 100 liv. d’eau, il n’en indiquoit que les deux tiers d’une livre ; c’est à quoi il faut faire attention, quand on lit quelques mémoires ou procès-verbaux sur cette saline, & les officiers qui font tous les mois la visite des sources pour en constater les degrés, les comptent encore aujourd’hui suivant l’ancien usage.

La grande saline renferme deux puits dans lesquels il se trouve beaucoup de sources, salées & douces. Le premier est appellé puits d’amont ; & le second, puits agray ; & quoique l’un & l’autre soient désignés par le nom de puits, ils n’en ont point la forme. Ce sont de grandes & spacieuses voûtes souterreines bien travaillées, & construites solidement. Elles commencent au puits d’amont ; on y descend par un escalier en forme de rampe, composé de 61 marches. On arrive sur un plancher de 21 piés de long, sur 15 piés de large, sous lequel se trouve un grand nombre de sources de différens produits. Elles sont toutes séparées, non par des peaux de bœufs, comme on le lit dans le Dict. de Commerce, mais avec de la terre glaise préparée & battue, que l’on nomme conroi[1], & couverte par des trapes qu’on l’on leve au besoin.

Il y a sept de ces sources[2] qui par de petites rigoles faites avec le conroi dont on vient de parler, sont amenées dans deux récipiens ménagés dans un même bassin de bois attenant au plancher, & de la contenance de 37 muids, 2 quarts, 58 pintes, mesure de Salins.[3] Elles fournissent par demi-heure

17 quarts, 12 pintes d’une eau à 10 degrés. Les autres, à l’exception de deux nommées les changeantes, n’étant qu’à 1, 2 degrés, ou même la plûpart totalement douces, elles sont rassemblées dans un récipient voisin, de même nature que le premier, & de la contenance de 15 muids, toujours mesure de Salins.

Les deux sources dites premiere & seconde changeantes, parce qu’elles ont souvent varié, ainsi que la troisieme changeante, sont à 2 degrés . & fournissent par demi-heure 1 quart 50 pintes. Un cheneau de bois les amene dans le récipient des eaux salées, d’où elles sont élevées séparément[4] pour des usages dont nous parlerons dans la suite.

La voûte en cet endroit a 39 piés de haut, à compter depuis le fond des récipiens, jusques sous la clé des arcades, & 44 piés de largeur : le tout à une seule arcade & sans piliers. Elle est construite ainsi dans la longueur de 178 piés ; de-là elle n’a plus que 17 piés de haut sous clé, sur 20 de large, & 148 de longueur ; cette partie sert à communiquer aux sources dites le puits à gray. En cet endroit la voûte a 46 piés de large, sur 34 de hauteur, & 176 de longueur. L’on trouve à l’extremité un plancher de 13 piés de large sur la longueur de 25 ; sous lequel sont sept petites sources salées à 13 degrés, couvertes par des trapes, comme au puits d’amont, & conduites par des rigoles de terre glaise dans un petit bassin de réunion où tombe encore un filet d’eau au même degré, dont l’on ignore la source. De ce bassin, où elles prennent le nom de grand coffre, elles sont envoyées par des tuyaux de bois de 18 toises de longueur au récipient des eaux salées, contenant 28 muids. A 18 pouces du fond de ce récipient, il sort encore une source nommée la chevre ; elle est à 10 degrés, & se mêle avec les autres. Leur produit total donne dans 24 heures, 145 muids à 12 degrés .

L’on doit observer que dans le nombre des sept premieres sources, il y en a une, d’un produit peu considérable, qui tarit dans les tems de grande pluie, & ne reparoît que dans les tems de sécheresse. Autour du plancher qui les couvre, il se trouve encore huit ou dix petites sources presque douces, qui réunies par un cheneau, vont tomber ensemble dans leur récipient, contenant 78 muids.

Toutes les sources salées des trois puits fournissent dans 24 heures 527 muids, dont le mêlange dans la cuve du tripot est ordinairement à 14 degrés. Elles sont mesurées le premier de chaque mois en présence des officiers de la jurisdiction des salines, & des préposés des fermiers. Les quantités de muids rapportées ci-dessus ont été calculées, de même que le degré des eaux, sur le produit total de plusieurs années dont on a tiré le commun. Ces sources augmentent ou diminuent proportionnellement au plus ou moins de pluie qui tombe ; & l’on a remarqué que les années qui étoient abondantes en neige étoient celles où les sources produisoient davantage. En général, plus le produit des sources augmente, & plus elles sont salées ; elles paroissent toutes venir du couchant, & passer sous la montagne sur laquelle est bâti le fort Saint-André.

Les eaux salées & douces des deux salines sont élevées[5] avec des pompes aspirantes, au moyen

  1. Les cinq premieres sources formées de différens filets, se réunissent dans le plus grand des deux récipiens, & y coulent sous les dénominations que nous allons rapporter.

    La premiere, dite les trois anciennes, est à onze degrés de salure.

    La seconde s’appelle le corps de plomb ; elle est au même degré que les trois anciennes.

    La troisieme ou la petite roue, est à douze degrés.

    La quatrieme est nommée la nouvelle source ; ses eaux sont à quatre degrés trois quarts.

    La cinquieme dite la troisieme changeante, est à quatre degrés & demi.

  2. Il y a deux préposés pourvûs d’office par le roi pour veiller à l’entretien du conroi qui sépare les sources salées & douces, & conduit leurs eaux dans les bassins qui leur sont destinés. Ils sont aussi chargés d’accompagner les officiers des salines, lorsqu’ils vont faire l’épreuve juridique des sources, d’y suivre le montier de garde dans sa visite hebdomadaire, & d’y conduire les étrangers. On les nomme conducteurs conroyeurs des sources. L’un est pour la grande saline & l’autre pour la petite.
  3. La pinte de Salins contient 64 pouces cubes, & il faut 240 pintes pour le muid.

    La pinte de Paris ne contient que 48 pouces cubes, & il en faut 288 pour le muid.

    La différence du muid de Salins est donc de 1544 pouces cubes, dont il est plus grand que le muid de Paris, ou de 32 pintes mesure de Paris, qui ne valent que 24 pintes mesure de Salins.

  4. Quoique ces eaux soient élevées séparément, on les réunit aussi avec les premieres, lorsque l’on fait la reconnoissance juridique des sources. C’est à-peu-près comme si une femme, toutes les fois qu’elle visiteroit ses diamans, y méloit des cailloux fangeux qui leur ôteroient de leur éclat & de leur prix, & qu’elle ne feroit entrer dans son écrin que les jours où elle en voudroit examiner la richesse. L’exemple d’une grand-mere imbécille seroit-il suffisant pour autoriser une conduite aussi ridicule ?
  5. Quatre charpentiers attachés aux salines sont chargés de