Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/560

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une machine hydraulique établie à chaque puits. Les eaux salées sont conduites par différens cheneaux dans le grand récipient appellé tripot ; c’est une vaste cuve toute en pierres de taille asphaltée, & garnie en-dehors de terre glaise bien battue ; elle contient 5568 muids, mesure de Paris. De là ces eaux sont encore élevées avec des pompes, & distribuées par plusieurs chéneaux dans les nauds ou réservoirs, établis près des chaudieres où elles sont bouillies ; on les y fait couler par le moyen d’une échenée que l’on retire ensuite lorsque la chaudiere est remplie, les pompes qui élevent les eaux douces ou peu salées, & qui les jettent dans le canal dit de Cicon, jouent par les mêmes rouages qui font mouvoir celles des eaux salées.

Le canal de Cicon qui reçoit toutes les sources douces de la grande saline, ainsi que les eaux qui ont servi aux machines hydrauliques, commence à l’extremité de la voûte du puits d’amont. A cet endroit élevé de 10 piés au-dessus du niveau des sources salées ; on en voit une d’eau douce, abondante, claire, & bonne à boire. De-là le canal continue jusqu’à l’autre extrémité de la voûte dite le puits à gray, où il reçoit encore les eaux qui ont fait mouvoir la machine hydraulique construite pour les pompes de la cuve du tripot ; alors il est fait en voûte, & passe sous la ville de Salins, à 25 piés de profondeur. Il a 332 toises de longueur ; 4 piés de large, sur 6 de hauteur commune, à compter depuis l’extremité de la voûte du puits à gray, jusqu’à l’endroit où il jette ses eaux dans la riviere de Furieuse.

Les eaux douces ou peu salées du puits amuré à la petite saline, ainsi que celles qui font mouvoir les machines hydrauliques pour les pompes qui les élevent, sont aussi reçues dans un canal de 53 toises de longueur, du même nom & de la même construction que celui de la grande saline auquel il se réunit.

Les voutes souterreines qui renferment les sources des puits d’amon & agray, regnent sous le pavé de la grande saline, du septentrion au midi ; leur longueur totale est de 502 piés. On en attribue la construction aux seigneurs de la maison de Salins, qui commencerent à régner vers l’an 941, en la personne d’Albéric de Narbonne, comte de Mâcon & de Bourgogne, sire de Salins.

Nous avons dit que toutes les eaux salées de la grande & de la petite saline, se rassembloient dans la cuve du tripot, d’où elles étoient distribuées dans les réservoirs établis près des chaudieres.

Ces chaudieres ou poëles, toutes désignées par un nom particulier[1], sont au nombre de neuf, avec chacune un poëlon qui les joint par-derriere. Il y en a deux à la petite saline, & sept à la grande. Chaque chaudiere avec son poëlon a un emplacement séparé, & un réservoir ou naud fait de madriers de sapin pour y déposer les eaux nécessaires aux cuites. Cet emplacement s’appelle berne[2] ; il a 64 piés de long sur 38 de large.

Toutes les poëles sont de figure ovale, & les poëlons de celle d’un quarré long plus étroit dans le bout opposé à celui qui touche la chaudiere. Les dimensions communes d’une poële sont de 27 piés 2 pouces de longueur, 22 piés 8 pouces de largeur, & 1 pié 5 pouces de profondeur. Elle contient 90 muids d’eau ; celles du poëlon sont de 18 piés de

long, 10 piés 6 pouces de large, & 1 pié 3 pouces de profondeur, il contient 30 muids. L’un & l’autre sont composés de platines[3] de fer cousues ensemble avec de gros clous rivés, & sont suspendus sur un fourneau, la poële par 135 barres de fer de 4 piés de longueur, & le poëlon par 20 autres barres longues de 6 piés. Ces barres appellées chaînes, sont rivées par-dessous la chaudiere, & accrochées dans le dessus à des anneaux de fer tenans à des pieces de bois de sapin[4], qui traversent la largeur de la poële, & sont appuyées sur deux grosses poutres que soutiennent quatre dés de mâçonnerie appellés piles, qui s’élevent de 3 à 4 piés aux quatre angles des mars du fourneau.

Le fourneau est creusé dans le terrein en même longueur & en même largeur que la poële & le poëlon. Le devant fermé par un mur, forme une ouverture ou gorge de 4 piés 6 pouces de hauteur, sur 15 à 16 pouces de largeur. C’est par-là que l’on jette le bois sur une grille de 10 piés de long & de 4 piés de large, placée à 6 piés de distance de la gorge du fourneau, sous le milieu de la poële dont elle est éloignée de 4 piés 6 pouces. Cette grille est composée de gros barreaux de fonte, distans de 3 pouces les uns des autres, pour que la braise puisse tomber dans un fondrier de 3 piés 6 pouces de profondeur & de 4 piés de largeur, creusé depuis l’extrémité de la grille jusqu’à l’ouverture de la gorge à laquelle il vient aboutir pour faciliter le tirage des braises. Depuis les bords du fondrier, le terrein s’éleve en talud jusqu’aux côtés de la poële[5] ; de façon qu’il n’en est plus qu’à 8 pouces de distance. Il s’éleve de même depuis le bout de la grille jusqu’à l’extrémité du poëlon, dont alors il ne se trouve plus éloigné que de 10 à 11 pouces. Le fourneau est fermé tout-au-tour avec de la terre[6], à l’exception de 4 soupiraux de 15 pouces de largeur, que l’on ouvre & ferme, suivant les besoins.

L’activité du feu se trouve dans le centre de la poële : l’air fait couler la flamme sous le poëlon[7], & la fumée s’échappe derriere par une ouverture de 6 à 7 piés de largeur, sur 10 à 11 pouces de hauteur.

La formation du sel se fait dans 3, 4, & quelquefois 5 bernes à-la-fois. Il faut 17 à 18 heures pour une cuite[8] : en sorte que les 16 cuites consécutives, qu’on appelle une remandure, emportent 11 ou 12 jours & autant de nuits d’un travail non interrompu à la même poële. On fait dans le même tems 16 cuites au poëlon, & le sel s’y trouve ordinairement formé 3 ou 4 heures avant celui de la poële[9]. La

    l’entretien des rouages, & des ouvrages qui sont au compte de l’entrepreneur. L’entretien des batimens, & toutes les grosses réparations, sont au compte du roi.

  1. Les chaudieres de la grande saline sont beauregard, chatetain, comtesse, glapin, grand-bief, martinet, & petit bief. Celles qui sont à la petite saline s’appellent l’une chaudiere du creux, & l’autre chaudiere de soupat.
  2. Chaque berne est distinguée par le nom de la chaudiere qu’elle renferme.
  3. Les platines du fond s’appellent tables ; celles des bords versats, dont le haut est terminé par des cercles de fer nommés bandes de toises.

    Les poëles sont composées de 350 tables ; de 100 versats, de 1, 5 chaines, & de 7500 clous.

  4. Le nom de ces pieces de bois est traversiers. Elles sont au nombre de 22, distantes de 10 pouces l’une de l’autre, & ayant chacune 9 à 10 pouces d’équarrissage. Les deux poutres sur lesquelles elles sont appuyées, s’appellent pannes ou pesnes.
  5. Les murs des côtés de la poële se nomment macelles.
  6. Cette partie qui touche les bords de la poële s’appelle rond.
  7. Les poëlons ne sont pas anciens. Il n’y a pas trente ans qu’ils sont en usage dans la saline de Salins. C’est M. Dupin, fermier général, qui les y a introduits. Il en résulte une épargne en bois considérable, & relative à la quantité d’eau que l’on bouillit au poëlon, sans augmenter sensiblement le feu de la poële.
  8. Autrefois la cuite ne duroit que douze heures ; mais le sel en étoit moins pur & moins beau, l’eau n’ayant pas le tems de scheloter assez, ni le sel celui de se former. Aussi étoit-il sans consistence, & comme de la poussiere.
  9. Les fevres ou maréchaux chargés de l’entrecien des poëles, car on n’en fait jamais de neuves à Salins, étoient autrefois pourvûs de leur office par le roi ; ce qui les metroit à l’abri de la révocation, & étoit contre le bien du service. On a supprimé ces charges, & les maréchaux sont à présent aux gages de l’entrepreneur, qui avec des appointemens fixes,