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espece se trouvent sur le mont Olimpe, où ils donnent des cônes d’environ un pié de longueur.

2. Le petit sapin de Virginie ; c’est un arbre de moyenne grandeur, dont les feuilles sont disposées en maniere de peigne, comme celles du vrai sapin. Quoiqu’il en soit extrèmement robuste, il ne réussit bien que dans un terrein humide. On prétend que cet arbre n’a pas autant d’agrément que le vrai sapin, parce qu’il étend ses branches horisontalement & à une grande distance, ce qui, au moyen du peu d’élévation de la maîtresse tige, lui donne la forme d’un cône écrasé : mais la singularité même de cette forme peut avoir son mérite dans l’ordonnance d’un grand jardin.

3. Le sapin odorant ou le baume de gilead ; c’est le plus beau de tous les sapins. Aucun auteur n’a encore parlé de sa stature : ses feuilles quoique de la même forme & de la même nuance de verdure que celles du vrai sapin, sont néanmoins disposées comme celles de l’épicea, & c’est en quoi on fait consister sur-tout la beauté du baume de gilead. Ses cônes sont longs & se terminent insensiblement en pointe : ils viennent au bout des branches, la pointe tournée en-haut comme ceux du vrai sapin. Les graines & les écailles dont ils sont formés, tombent & se dispersent de bonne heure en automne ; ensorte que si l’on veut avoir de ces cônes pour en conserver la graine, il faut les surveiller au tems de la maturité. M. Miller, auteur anglois, assure que dans quelque terrein qu’on ait planté cet arbre en Angleterre, sa beauté ne s’y est pas soutenue pendant plus de dix ou douze ans ; que quand ces arbres ont passé leur jeunesse, on les voit déchoir, que leur dépérissement se manifeste par la grande quantité de chatons & de cônes qu’ils rapportent ; qu’ensuite ils ne poussent que de petites branches crochues ; qu’il transude de leur tronc une grande quantité de térébenthine ; qu’alors leurs feuilles tombent, & qu’enfin les arbres meurent au bout d’un an. Cependant le même auteur ajoute qu’il y a un grand nombre de plants âgés de cette espece de sapin qui sont vigoureux & d’une belle venue dans les jardins du duc de Bedford, dont le sol est un sable profond ; d’où on peut conclure que le baume de gilead ne peut prospérer que dans un terrein de cette qualité. On tire de cet arbre une résine claire & odorante, que l’on fait passer pour le baume de gilead, quoique l’arbre qui donne le vrai baume de ce nom soit une espece de térébinthe.

4. Le grand sapin de la Chine ; ses feuilles sont bleuâtres en-dessous, & disposées sur les branches en maniere de peigne. Ses cônes sont plus gros & plus longs que ceux des sapins d’Europe, ils ont sur l’arbre la pointe tournée en-haut ; leurs écailles ainsi que les feuilles sont terminées par un filet épineux.

5. Le très-grand sapin de la Chine ; c’est une variété qui ne differe de l’arbre précédent, que parce qu’elle prend encore plus d’élévation & que les écailles de ses cônes ne sont pas épineuses. Mais ces deux sortes de sapins de la Chine, n’ayant point encore passé en Europe, on n’en peut parler que fort superficiellement.

6. L’épicea ; c’est l’espece de sapin la plus commune en Europe, celle qui atteint une plus grande hauteur, qui se soutient le mieux dans un terrein médiocre, que l’on cultive le plus pour l’agrément, quoique ce soit l’espece de sapin qui en ait le moins. Il a l’écorce rougeâtre & moins cassante que celle du vrai sapin. Ses feuilles sont plus courtes, plus étroites, d’un verd plus mat & plus brun, & elles sont placées autour des nouvelles branches sans aucun ordre distinct. Ses cônes sont plus lisses & plus longs ; ils tombent de l’arbre tout entiers, & peu-à-peu pendant la seconde année, & le plus grand nombre durant la troisieme ; mais si on veut les cueillir pour

avoir de la graine, il faut s’y prendre avant le hâle du printems de la seconde année ; car alors les cônes s’ouvrent & laissent tomber la graine qui est fort petite, & que les vents répandent au loin. Il transude de cet arbre une substance résineuse qui se durcit à l’air, & dont on fait la poix blanche & la poix noire, qui servent à différens usages. Voyez à ce sujet le Traité des arbres de M. Duhamel.

L’épicea se multiplie plus aisément que le vrai sapin. Les branches de cet arbre que l’on marcotte ont au bout de deux ans des racines suffisantes pour la transplantation, & même les jeunes rameaux qui touchent contre terre dans un lieu frais sont racines d’eux-mêmes. Il réussit assez bien de boutures ; si on les fait au commencement de Juillet, elles seront propres à transplanter en pépiniere au bout de quatorze mois. Par ces deux moyens de multiplication, la croissance s’accelere plus qu’en semant. L’épicea est l’un des derniers arbres que l’on trouve aux extrémités du nord avec le pin, le saule & le bouleau. Il fait le principal fond des forêts de ces climats froids où il s’éleve à une très-grande hauteur dans la terre forte & profonde des vallées ; quoiqu’il y soit entierement couvert de neige pendant six mois de l’année. Les Suédois, dans la disette des fourrages, donnent aux chevaux de jeunes branches d’épicea hachées & mêlées avec l’avoine. Le bois de cet arbre sert aux mêmes usages que celui du vrai sapin : il est vrai que la qualité en est inférieure, mais il est moins noueux & il se travaille plus aisément.

7. L’épicea dont les cônes sont très-longs ; ce n’est pas ici une simple variété, seulement établie sur la plus grande longueur des cônes ; car cet épicea qui est originaire de l’Amérique septentrionale, est très différent de celui d’Europe. Il fait un très-grand arbre, bien supérieur en beauté à notre épicea, par l’élégance de sa forme & l’agrément de ses feuilles, qui sont blanchâtres en-dessous & d’un verd de mer en-dessus.

8. L’épinette de Canada ; c’est une sorte d’épice, que les Botanistes spécifient par de courtes feuilles & de très-petits cônes. Cette épinette a en effet les feuilles plus minces & moins longues que celles de l’épicea commun, & ses cônes ne sont guere plus gros qu’une noisette. On prétend que cet arbre s’éleve dans son pays natal à 20 ou 30 piés ; mais en Angleterre où on le cultive depuis du tems, on ne l’a pas vû passer 8 ou 10 piés de hauteur. On croit que ce qui déprime sa croissance en Europe, c’est la trop grande quantité de cônes dont il se charge de très-bonne heure. En broyant entre les doigts des jeunes branches de cet arbre, elles rendent en tout tems une odeur balsamique assez forte & qui n’est point désagréable. On fait en Canada avec les rameaux de l’épinette une liqueur très-rafraîchissante & fort saine que l’on boit avec plaisir, sur-tout pendant l’été, quand on y est habitué.

9. L’épinette de la nouvelle Angleterre ; c’est encore une sorte d’épicea d’aussi petite stature que la précédente, dont les Botanistes la distinguent par ses feuilles qui sont plus courtes & par ses cônes, dont les écailles sont entr’ouvertes ; du reste cet arbre a les mêmes propriétés & autant d’agrément.

10. L’épicea du levant ; ses feuilles sont courtes & quadrangulaires, ses cônes sont très-petits & ont la pointe tournée en-bas. Cet arbre est du nombre des nouvelles plantes, dont M. Tournefort a fait la découverte dans son voyage au levant ; on le trouve aussi dans l’Istrie & dans la Dalmatie.

11. L’épicea à feuille de pin ; les feuilles de cet arbre sont beaucoup plus longues, que celles d’aucune autre espece de sapin ou d’épicea ; c’est tout ce qu’on en sait, tant il est encore peu connu. M. d’Aubenton le subdélégué.