Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/691

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faire sentir l’insuffisance des interprétations sociniennes que nous avons rapportées plus haut : 1°. que si Jesus-Christ n’étoit mort que pour confirmer sa doctrine, il n’auroit rien fait de plus que bien d’autres martyrs & saints personnages, dont on n’a jamais dit qu’ils soient morts ou qu’ils aient été crucifiés pour nous, ni qu’ils aient satisfait pour nos péchés : 2°. que s’il n’est mort que pour notre utilité, on ne doit pas plus attribuer notre rédemption à sa mort, qu’à ses miracles & à ses actions, qui avoient pour but l’utilité des chrétiens. Or on n’a jamais dit que les miracles & la vie de Jesus-Christ, fussent la cause efficiente & prochaine de notre rédemption : 3°. que dans les écritures l’expiation de nos péchés & notre reconciliation avec Dieu, sont constamment attribués à la mort de Jesus-Christ, comme cause efficiente, & jamais comme cause exemplaire de la mort que nous-mêmes devions souffrir en punition de ces péchés. Il est clairement marqué dans les livres saints que la mort est la peine & le salaire du péché, stipendium peccati mors ; mais il n’y est nulle part énoncé qu’elle en doive opérer la rémission, ni notre reconciliation avec Dieu.

Il y a sur cette matiere une difficulté assez considérable. C’est de savoir si la satisfaction de Jesus-Christ considérée par rapport à lui-même, a été faite à un tiers, ou comme parlent les Théologiens, si elle a été ad alterum ; c’est-à-dire si Jesus-Christ s’est satisfait à lui-même. Quelques auteurs prétendent qu’il n’a satisfait qu’au Pere éternel & au Saint-Esprit, & que quant à ce qui le concernoit, il a remis gratuitèment aux hommes ce qu’ils lui devoient. Mais comme l’Ecriture dit que Jesus-Christ a satisfait à Dieu, & par conséquent à toute la très-sainte Trinité, & que d’ailleurs elle ne dit rien de ce pardon accordé par Jesus-Christ seul, la plûpart des Théologiens soutiennent que Jesus-Christ s’est satisfait à lui-même de maniere que sa satisfaction a vraiment été ad alterum. Il suffit, disent-ils, pour cela de concevoir en Jesus-Christ différens rapports de la personne ; selon les uns de ces rapports il a satisfait à lui-même considéré sous d’autres rapports, à-peu-près comme si le premier magistrat d’une république tiroit du trésor public une somme d’argent, & la distribuoit à tous les particuliers en prenant lui-même une portion, à condition de la rendre dans un certain tems ; lorsqu’il la rendroit en effet, il satisferoit comme particulier à lui-même, considéré comme chef de la république. Or il y a en Jesus-Christ deux natures, deux volontés, deux sortes d’opérations ; ainsi l’on peut dire que selon les unes, il s’est satisfait à lui-même considéré sous d’autres rapports, non que ce soit en lui Dieu qui a satisfait à l’homme, mais l’homme-Dieu qui a satisfait à Dieu. Voyez Wuistasse, trait. de l’incarnat. part. II. quæst. x. article 1. sect. 1. & article 11. sect. 111.

Satisfaction, (Théolog.) considérée comme partie du sacrement de pénitence, est une réparation qu’on doit à Dieu ou au prochain pour l’injure qu’on leur a faite.

Les Théologiens la définissent un châtiment ou une punition volontaire qu’on exerce contre soi-même pour compenser l’injure qu’on a faite à Dieu, ou réparer le tort qu’on a causé au prochain, & racheter la peine temporelle qui reste à expier, soit en cette vie, soit en l’autre, bien que la coulpe & la peine éternelle aient été réunies par l’absolution.

Le pénitent s’impose à lui même la satisfaction, ou elle lui est imposée par le confesseur, & elle précede ou elle suit l’absolution. Mais il n’est pas essentiel pour la validité du sacrement, qu’elle la précede ; il suffit que le pénitent ait une volonté sincere d’accomplir la satisfaction qui lui est jointe par le confesseur ; telle est au moins la discipline présente de l’Eglise, & elle est fondée sur la pratique de l’antiquité, qui n’atten-

doit pas toujours que les pénitens eussent entierement

subi toutes les peines canoniques qu’elle leur imposoit, avant que de leur donner l’absolution sacramentelle. Elle en usoit ainsi lorsque les pénitens étoient en danger de mort, ou lorsqu’on craignoit que le délai d’absolution ne les jettât dans le schisme ou dans l’hérésie ; lorsque la persécution approchoit, ou qu’on espéroit que l’indulgence de l’Eglise raméneroit dans son sein ceux qui s’en étoient écartés ; lorsque les martyrs donnoient aux pénitens des lettres de recommandation pour demander qu’on les admît à la reconciliation & à la communion ; ou enfin lorsque les pénitens témoignoient une douleur extrèmement vive de leurs péchés. Tous ces cas montrent que la conduite présente de l’Eglise est fondée, & qu’on ne peut excuser ni de témérité, ni d’erreur, ceux qui pensent que sans satisfaction accomplie, l’absolution est nulle. Cette doctrine a été condamnée par Sixte IV. dans Pierre d’Osma, par la faculté de Paris dans sa censure contre un ouvrage de Theophile Brachet de la Milletiere en 1644, & récemment dans le P. Quesnel par le pape Clément XI.

Il est pourtant vrai de dire que quand la pénitence publique étoit en usage, excepté quelques cas particuliers, on ne donnoit ordinairement l’absolution aux pénitens, qu’après qu’ils avoient accompli leur pénitence.

Les Luthériens & les Calvinistes prétendent que les satisfactions imposées aux pécheurs ne sont utiles que pour le bon exemple, la correction & l’amendement des autres fideles ; mais qu’elles ne servent de rien pour fléchir Dieu, ni pour obtenir la relaxation de la peine temporelle, prétendant que leur attribuer cette vertu, c’est déroger à l’efficace & à la satisfaction de Jesus-Christ. Il est visible qu’à ce dernier égard, ils ont imputé aux Catholiques une erreur dont ceux-ci sont bien éloignés ; car ils reconnoissent que toutes nos satisfactions tirent leur mérite & leur vertu de Jesus-Christ, en qui seul nous pouvons mériter & satisfaire.

Les œuvres satisfactoires, sont la priere, le jeûne, l’aumône, la mortification des sens, & les autres actions pieuses que nous accomplissons par les mérites de Jesus-Christ, & en vue de fléchir la justice divine.

SATISFAIRE, v. act. (Gramm.) contenter quelqu’un, en lui accordant ce qui lui est légitimement dû. On dit satisfaire ses créanciers ; satisfaire à la loi ; satisfaire un homme offensé ; satisfaire à une espérance, à une attente, à une objection, à son devoir. Satisfaire ses passions ; satisfaire ses sens. Cette conduite, ce moyen, cette chose me satisfera. Satisfaire aux ordres que vous avez reçus, à la parole que vous avez donnée ; satisfaire son desir ; il a satisfait sa colere. Il faut que je me satisfasse une fois là-dessus.

SATMALES, les, (Géog. anc.) Satmali, peuples des pays septentrionaux : Pomponius Mela, liv. III. c. vij. rapporte qu’ils avoient les oreilles si grandes, qu’ils pouvoient s’en entourer le corps. Je m’étonne, dit plaisamment Isaac Vossius, qu’on ne se soit pas avisé de leur en faire des aîles pour voler. Comme le merveilleux se répand aisément, on a transplanté cette race aux grandes oreilles, de l’Inde dans le septentrion ; car ceux qui en ont parlé les premiers, les plaçoient dans l’Inde, & peut-être cette fable a-t-elle quelque espece de fondement ; du moins les Malabares ont les oreilles fort longues, & croyent qu’il leur manque quelque chose, si elles ne leur descendent presque sur les épaules. Mais Ortelius conjecture, que les anciens faute d’examen, auront pû prendre pour des oreilles, quelque ornement de tête particulier à ces peuples, & dont ils usoient pour se garantir de la neige & des autres injures du tems. (D. J.)