Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/703

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il est certain que du tems d’Euripide, c’étoit un mélange du haut & du bas, du sérieux & du bouffon. Les Romains ayant connu le théâtre grec, introduisirent chez eux cette sorte de spectacle pour réjouir non-seulement le peuple & les acheteurs de noix, mais quelquefois même les philosophes, à qui le contraste quoiqu’outré, peut fournir matiere à réflexion.

Horace a prescrit dans son Art poétique, le goût qui doit régner dans ce genre de poëme ; & ce qu’il en dit revient à ceci. Si l’on veut composer des drames satyriques, il ne faut pas prendre dans la partie que font les satires la couleur ni le ton de la tragédie, il ne faut pas prendre non-plus le ton de la comédie : Davus est trop rusé ; une courtisane qui excroque un talent à un vieil avare, tout fin qu’il est, est trop subtile. Ce caractere de finesse ne peut convenir à un Sylène qui sort des forêts, qui n’a jamais été que le serviteur & le gardien d’un dieu en nourrice. Il doit être naïf, simple, du familier le plus commun. Tout le monde croira pouvoir faire parler de même les satyres, parce que leur élocution semblera entierement négligée ; cependant il y aura un mérite secret, & que peu de gens pourront attraper, ce sera la suite & la liaison même des choses : il est aisé de dire quelques mots avec naïveté ; mais de soutenir long-tems ce ton sans être plat, sans laisser du vuide, sans faire d’écarts, sans liaisons forcées, c’est peut-être le chef-d’œuvre du goût & du génie.

Je crois qu’on retrouve chez nous, à peu de chose près, les satyres dramatiques des anciens dans certaines pieces italiennes ; du-moins on retrouve dans arlequin les caracteres d’un satyre. Qu’on sasse attention à son masque, à sa ceinture, à son habit collant, qui le fait paroître presque comme s’il étoit nud, à ses genoux couverts, & qu’on peut supposer rentrans ; il ne lui manque qu’un soulier fourchu. Ajoutez à cela sa façon mievre & déliée, son style, ses pointes souvent mauvaises, son ton de voix ; tout cela forme assurément une maniere de satyre. Le satyre des anciens approchoit du bouc ; l’arlequin d’aujourd’hui approche du chat ; c’est toujours l’homme déguisé en bête. Comment les satyres jouoient-ils, selon Horace ? avec un dieu, un héros qui parloit du haut ton. Arlequin de même paroît vis-à-vis Samson ; il figure en grotesque vis-à-vis d’un héros : il fait le héros lui-même ; il représente Thésée, &c. Cours de Belles-lettres. (D. J.)

SATYRIASIS, s. m. (Médecine.) maladie qui met les hommes qu’elle attaque dans cet état de salacité, qui, suivant la mythologie, caractérisoit les satyres, voyez ce mot. Ces malades n’ont quelquefois d’autre incommodité, qu’un appétit violent des plaisirs vénériens, qui dégénere presque en fureur : il est déterminé par une érection constante & voluptueuse de la verge ; cet état en faisant naitre les desirs les plus vifs, est dans la plûpart la suite & le signe d’un besoin pressant, & la source & l’avant-coureur de la volupté, en quoi le satyriasis differe, comme nous l’avons observé du priapisme, voyez ce mot ; mais cet appetit est tel dans plusieurs, qu’il subsiste même après qu’on l’a satisfait, & qu’il exige qu’on réitere souvent l’acte qui en est le but & qui le fait ordinairement cesser.

Baldassar Timéus rapporte l’histoire d’un musicien, dont le satyriasis étoit porté au point que le coït répeté plusieurs fois dans l’espace de quelques heures, étoit encore insuffisant pour émousser l’aiguillon qui l’y excitoit. Casuum medicin. lib. III. consult. 52. il semble même qu’alors le satyriasis en est plus irrité ; il cesse pendant quelques instans, & reprend bientôt après avec une nouvelle vigueur ; il en est de ces cas particuliers, comme de la demangeaison des yeux qu’on calme en les frottant, mais qui peu de tems après en est augmentée, & dégénere en cuisson douloureuse.

Les causes du satyriasis consistent dans un vice de la semence & des parties génitales ; la semence péche par sa quantité, lorsqu’une continence exacte l’a laissé ramasser en trop grande abondance, ou que des médicamens actifs, aphrodisiaques, en ont fait augmenter la secrétion ; elle péche en qualité, lorsque par quelque vice du sang ou par l’usage des remedes âcres échauffans, elle devient plus âcre, plus active, plus propre à irriter les reservoirs où elle se ramasse. La disposition vicieuse des parties génitales consiste dans une tension plus grande, une sensibilité excessive qui les rend susceptibles des plus legeres impressions, obéissantes au moindre aiguillon ; cet effet peut être produit par les mêmes causes ; c’est de leur concours que dépend le satyriasis qui survient aux phthisiques, aux personnes qui ont fait usage des cantharides, du satyrion, ou autre remede semblable ; on peut ajouter à ces causes, la débauche, la crapule, la manustupration, les lectures deshonnêtes, les peintures obscenes, les conversations libertines, les attouchemens impudiques, &c. alors l’érection devient un état presque habituel de la verge, l’irritation constante de ces parties y attire une plus grande quantité d’humeurs qui forment une espece de semence, & en rendant la secrétion plus abondante, fournissent aux excès de son excrétion.

Les hommes sont les seuls sujets au satyriasis proprement dit, les femmes ne sont cependant pas exemptes des maladies qui ont pour caractere un desir insatiable des plaisirs vénériens ; le besoin est le même dans l’un & l’autre sexe, & les fautes sont générales ; les femmes en sont même plus punies que les hommes, les maladies de cette espece font chez elles plus de progrès, & sont beaucoup plus violentes ; leur imagination plus échauffée s’altere par la contrainte où les lois de leur éducation les obligent de vivre ; le mal empire par la retenue, bien-tôt il est au point de déranger la raison de ces infortunées malades ; alors soustraites à son empire & n’écoutant plus que la voix de la nature, elles cherchent à lui obéir ; elles ne connoissent plus, ni décence, ni pudeur ; rien ne leur paroît deshonnête pourvû qu’il tende à satisfaire leurs desirs ; elles agacent tous les hommes indifféremment & se précipitent avec fureur entre leurs bras, ou tâchent par des moyens que la nature indique & que l’honnêteté proscrit, de suppléer à leur défaut ; cette maladie est connue sous les différens noms de fureur utérine, d’érotomanie, nimphomanie, &c. Voyez ces articles.

Le satyriasis qu’excite une trop grande quantité de semence retenue, se dissipe d’ordinaire par son excrétion légitime, & n’a point de suite fâcheuse : mais celui qui se prend du trop d’activité de la semence & d’une tension immoderée des parties de la génération, est plus lent & plus difficile à guérir ; s’il persiste trop long-tems, il donne naissance à des symptomes dangereux, tels que la mélancholie ; difficulté de respirer, dysurie, constipation, feu intérieur, soif, dégoût, fievre lente enfin, & phthisie dorsale qui préparent une mort affreuse. Tous ces accidens sont l’effet d’une excrétion immoderée de semence, Voyez ce mot & Manustupration. Themison, un des plus anciens auteurs qui ait écrit sur cette maladie, assure que plusieurs personnes moururent en Crete, attaquées du satyriasis.

On ne peut esperer de guerison plus prompte & plus certaine dans le satyriasis qui est l’effet d’une rigoureuse continence, que par l’évacuation de l’humeur superflue qui l’excite ; il faut conseiller à ces malades de se marier ; c’est le seul moyen autorisé par la religion, les lois & les mœurs, de rendre l’excrétion de semence légitime, mais ce n’est pas le seul qui la rende avantageuse ; le médecin est cependant obligé de s’y tenir & d’y sacrifier souvent la santé de