Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/713

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on peut couper le plus souvent. On dit communément en Angleterre, qu’on achete le cheval avec le marceau avant qu’on puisse acheter la selle avec le chêne. On peut multiplier le marceau de semence, & même c’est un excellent moyen pour favoriser les semis de chêne, & d’autres arbres du premier ordre, parce qu’il abrite les jeunes plants pendant l’hiver, & qu’il entretient la fraicheur du terrein pendant l’été. Il faut faire cueillir les graines du marceau au mois de Juin, qui est à-peu-près le tems de leur maturité, & les faire répandre tout simplement sur le terrein qu’on veut mettre en bois sans aucune culture préalable, ni même sans rien ôter des herbes ni des buissons qui peuvent s’y trouver. Il est vrai que pour semer de cette façon avec quelque succès, il ne faut pas ménager la graine. Une autre maniere de le multiplier, c’est de prendre des boutures de cet arbre, d’environ un pié & demi de longueur, que l’on pique diagonalement en terre, & si profondement, que le dessus de la bouture se trouve s’il est possible, au niveau du sol. Le bois de trois ou quatre ans est le meilleur pour remplir cet objet ; le bois de deux ans est encore passable ; mais celui d’un an est de la moindre qualité. Cette opération se peut faire pendant tout l’hiver, quand il ne gele pas & que la terre est meuble. On peut couper le marceau tous les quatre ou cinq ans, & sa couche dure ordinairement cinquante ans, pourvû qu’on ait soin de le couper rès-terre, en talus, & fort uniment. Cet arbre est excellent pour garnir un tailli, & il croît à merveille parmi les chênes, les chataigners, les charmes, &c.

Le bois du marceau sert à faire des cercles, des perches & des échalas ; il est aussi très-propre à faire du charbon, qui s’enflamme aisément, & que l’on emploie dans la composition de la poudre à canon.

L’osier. On doit entendre sous ce nom toutes les especes de petits saules qui croissent le long des rivieres, & qui peuvent servir aux ouvrages de Vannerie. On en connoît de plus de douze sortes, mais il n’y en a que quatre dont on fasse cas, qui sont le rouge, le noir, le verd, que quelques gens appellent le blanc, & le jaune, ou doré. Le grand profit qu’on peut retirer de ces arbrisseaux doit engager à les cultiver. On trouve dans le journal économique, mois de Mai 1758, un mémoire intéressant à ce sujet. Il m’a paru que l’auteur a écrit d’après son expérience, & qu’il a vû avec intelligence. Voici en substance ce qu’il dit des différens osiers. Cet arbrisseau se plaît dans presque toutes sortes de terreins, pourvû qu’ils soient un peu argilleux, & que le fond en soit bon. Il se plaît sur-tout le long des rivieres dont les bords sont peu élevés. On peut le multiplier ou de bouture, qui est la façon la plus usitée, ou de semence, qui est la meilleure méthode, parce que les osiers venus de graine, s’enracinent plus profondément, & sont de plus longue durée que ceux élevés de bouture. Voici la maniere de les semer : après avoir mis le terrein en bonne culture, on y fait des sillons à quatre piés de distance les uns des autres, & on y seme au mois de Mars la graine d’osier, que l’on recouvre de deux pouces de terre fort menue, & qui leve bientôt après. Cette premiere année exige des soins qui sont de sarcler souvent, de faire deux labours & de ne laisser qu’un plant, ou deux tout au plus, à la distance d’un pié ; mais rien à leur retrancher pour lors, ce ne sera qu’après la seconde année qu’on pourra les couper rès-terre. Cette premiere recolte sera de très-petite valeur : il en sera de même à-peu-près des deux autres ; ce n’est qu’à la quatrieme que l’oseraie commence à donner un bon produit ; mais elle ne sera dans toute sa force qu’à huit ou neuf ans. Comme il est difficile de ramasser à-propos la graine d’osier, & qu’il vient plus lentement de graine que de bouture, c’est ce qui fait préférer ce dernier

moyen, dont voici le procédé. On coupe les boutures de deux piés de longueur, on les enfonce à moitié dans la terre à la distance d’un pié par rangées, qui en ont trois ou quatre d’intervalle ; & il est même indifférent de planter les boutures par le gros ou par le petit bout ; elles poussent & font racines également bien. Le mois de Janvier est la saison favorable pour couper les osiers ; & la bonne maniere de le faire est de laisser de la longueur du doigt les bouts tenans à la souche, pour les recouper ensuite après les gelées ; avec cette attention pourtant de ne pas les recouper trop courts, par le tort que cela pourroit faire à la souche ; mais il faut sur-tout que cette souche soit toujours en terre, & non pas elevée, comme on le pratique souvent avec desavantage. Lorsqu’on taille l’osier à-fait, on ne doit laisser qu’un demi pouce de hauteur à chaque brin ; & comme il aura fallu détourner la terre pour opérer, il faudra en recouvrir sa souche de l’épaisseur d’un pouce seulement, pour empêcher le desséchement du bois. Un autre soin de culture sera d’élaguer au mois de Juin les menues branches qui viennent au-dessus des rejettons, & qui les rendroient défectueux ; mais l’une des principales attentions sera de garantir les ozeraies des approches du bétail qui en est fort friand, & qui y causeroit en peu de tems de très-grands dommages.

L’osier verd ou blanc, & l’osier jaune ou doré, ne sont proprement qu’une même espece, car le verd devient quelquefois jaune, cela dépend de la nature du terrein où il croît ; si la terre est grasse & humide, il devient verdâtre, en poussant de fortes baguettes qui ne sont propres qu’à de gros ouvrages ; au-lieu que si on le met dans une terre légere, qui soit humide au printems & seche en automne, il y prendra cette couleur jaune qui le fait préférer aux autres osiers ; les terres blanches & argilleuses, & les terres maigres propres à la vigne, peuvent encore lui convenir ; il y devient très-souple & bien doré, mais il y jette peu de bois ; il faut une attention de culture particuliere à cet osier, c’est de ne le labourer qu’à la profondeur de deux ou trois pouces seulement, pour ôter les mauvaises herbes.

Après l’osier jaune, l’osier rouge est le plus estimé, il exige moins de soins, on peut lui donner des labours plus profonds sans qu’il y ait à craindre pour sa couleur ni pour sa qualité ; on peut l’élever sur le bord des fossés, & dans tous les terreins propres à la vigne. Les osiers rouges, les verds & les jaunes sont préferés par les tonneliers à l’osier noir qui est trop fin & qui a moins de corps, & ils font encore plus de cas de l’osier rouge que du jaune, parce qu’il est plus souple & de plus longue durée ; mais comme cet osier rouge est inégal dans sa grosseur, & qu’il ne donne pas tant de relief à l’ouvrage que le jaune, c’est ce qui fait qu’on employe ce dernier de préférence, pour les futailles qui sont à vendre, & sur-tout celles qu’on envoye à l’étranger.

Pour mettre en état de vente les osiers qui sont propres aux ouvrages des tonneliers, on les fend durant l’hiver, pendant qu’ils sont verds & souples ; car s’ils étoient secs, ils fendroient mal, & s’ils étoient en séve, l’écorce se détacheroit, ce qui feroit un inconvénient, attendu que l’écorce fortifie & fait durer la ligature ; la fente de l’osier se fait avec un petit coin de bois qui a trois ou quatre carnes, & qui sert à partager le brin d’osier en autant de parties ; mais il vaut mieux le fendre en trois, que de le partager en deux, ni en quatre, parce que l’ouvrage se fait plus aisément, & qu’il a plus de propreté ; on a soin ensuite de faire plusieurs classes des osiers, selon leur longueur, leur grosseur, & leurs especes différentes ; enfin, on les met par paquets ou poignées de vingt-cinq brins chacune, ou soixante &