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éloigner la languette de la corde, pour que sa plume puisse passer.

SAUTERELLE, s. f. (Hist. nat. Insectolog.) locusta, insecte que M. Linnæus a mis dans la classe des coléopteres, dans le genre des grillons ; cet auteur ne parle que de quatre especes de sauterelles, faun. succ. Swammerdam en a observé vingt-une especes ; il y en a de très-petites & d’autres qui sont très-grandes.

La grande sauterelle verte qui se trouve très-communément dans les prés, est d’un verd clair, à l’exception d’une ligne brune qui se trouve sur le dos, sur la poitrine & sur le sommet de la tête ; & de deux autres lignes d’un brun plus pâle qui sont sur le ventre. La tête est oblongue, & elle a quelque ressemblance avec celle d’un cheval ; les antennes sont longues & placées au sommet de la tête ; elles diminuent de grosseur jusqu’à leur extrémité ; le corcelet est élevé & étroit ; il a une épine en-dessus & une autre en-dessous ; la premiere paire des jambes est plus courte que les autres ; celles de la troisieme paire sont les plus longues & les plus grosses : elles ont toutes deux crochets à l’extrémité. Les ailes sont au nombre de quatre, & presque transparentes, surtout les deux posterieures ; le ventre est très grand, composé de huit anneaux & terminé par deux petites queues couvertes de poils. La semelle differe en ce qu’elle a une double pointe dure & fort longue à l’extrémité de la queue.

Les œufs des grosses sauterelles vertes commencent à éclore à la fin d’Avril ou un peu plus tard ; les vers qui en sortent, ne sont pas plus gros qu’une puce ; ils ont d’abord une couleur blanchâtre ; ils deviennent noirâtres au bout de deux ou trois jours, & ensuite roux ; bientôt après ces vers prennent la forme des sauterelles, & en effet ils commencent à sauter, quoiqu’ils soient très-petits dans l’état de nymphe. Une sauterelle en nymphe ne differe d’une sauterelle entierement formée, qu’en ce qu’elle n’a point d’ailes apparentes. Elles s’accouplent peu de tems après que leurs ailes sont développées, & elles restent unies l’une à l’autre assez long tems ; alors on les sépare difficilement. Le chant ou plutôt le bruit de la sauterelle vient du frottement des ailes les unes contre les autres, dans la plûpart des especes, ou du frottement des ailes avec les pattes dans d’autres ; il n’y a que le mâle qui fasse entendre ces bruits. Suite de la mat. méd. par MM. Salerne & Nobleville, & collection acad. tom. V. de la partie étrangere. Voyez Insecte.

Il faut lire sur les sauterelles, Giuseppi Zinanni, dissertatione sopra variè specie di cavallette 1737 in-4°. Le dessus & le dessous du corcelet des sauterelles sont armés d’une peau si dure, qu’elle leur sert de cuirasse : c’est ce qui a fait dire à Claudien, épigr. 6.

Cognatur dorso, durescit amictus,
Armavit natura cutem.

C’est aussi ce que dit l’auteur de l’apocalypse, ch. ix. v. 9. Ces animaux voraces quittent souvent des pays éloignés, traversent les mers, fondent par milliers sur des champs ensemencés, & enlevent en peu d’heures jusqu’à la moindre verdure. En voici un exemple assez remarquable que l’on trouve dans l’histoire militaire de Charles XII. roi de Suede, tom. IV. p. 160. Son historien rapportant que cet infortuné prince fut très-incommodé dans la Bessarabie par les sauterelles, s’exprime en ces termes :

Une horrible quantité de sauterelles s’élevoit ordinairement tous les jours avant midi du côté de la mer, premierement à petits flots, ensuite comme des nuages qui obscurcissoient l’air, & le rendoient si sombre & si épais, que dans cette vaste plaine le soleil paroissoit s’être éclipsé. Ces insectes ne voloient point proche de terre, mais à-peu-près à la même hauteur que l’on voit voler les hirondelles, jusqu’à

ce qu’ils eussent trouvé un champ sur lequel ils pussent se jetter. Nous en rencontrions souvent sur le chemin, d’où ils se jettoient sur la même plaine où nous étions, & sans craindre d’être foulées aux piés des chevaux, ils s’élevoient de terre, & couvroient le corps & le visage à ne pas voir devant nous, jusqu’à ce que nous eussions passé l’endroit où ils s’arrêtoient. Partout où ces sauterelles se reposoient, elles y faisoient un dégât affreux, en broutant l’herbe jusqu’à la racine ; ensorte qu’au lieu de cette belle verdure dont la campagne étoit auparavant tapissée, on n’y voyoit qu’une terre aride & sablonneuse.

On ne sauroit jamais croire que cet animal pût passer la mer, si l’expérience n’en avoit si souvent convaincu les pauvres peuples ; car après avoir passé un petit bras du Pont-Euxin, en venant des îles ou terres voisines, ces insectes traversent encore de grandes provinces, où ils ravagent tout ce qu’ils rencontrent. On peut lire sur leurs dégâts en Afrique, Léon l’africain. Leurs noms en hébreu qui signifient dévorer, consumer, ne sont pris que des ravages qu’elles exercent.

Les histoires anciennes & modernes parlent d’une espece de sauterelles communes dans les pays orientaux, dont la chair est blanche & d’un goût excellent. Les peuples de ces contrées les préparent différemment : les uns les font bouillir, & les autres les font sécher au soleil, avant que de les manger. Dampier rapporte dans ses voyages, que cela se pratiquoit encore de son tems. Il ajoute que dans quelques îles de la mer des Indes, il y a des sauterelles de la longueur d’un pouce & demi, de la grosseur d’un petit doigt, ayant des ailes larges & minces & des jambes longues & deliées ; les habitans les rôtissent dans une terrine, où les ailes & les jambes se détachent ; mais la tête & le corps deviennent rouges comme les écrévisses cuites.

Au royaume de Tunquin les habitans en amassent autant qu’ils peuvent, les grillent sur des charbons, ou bien les salent, afin de les conserver. Lorsqu’en 1693 il se répandit en Allemagne une armée de sauterelles, quelques personnes essayerent d’en manger. Le célebre Ludolph qui avoit tant voyagé en Orient, ayant trouvé qu’elles étoient de l’espece dont les Orientaux font cas, en fit préparer à leur maniere, & en régala le magistrat de Francfort. (D. J.)

Sauterelle-puce, (Hist. nat. des insectes.) petit insecte qui saute. On voit naître au printems plutôt ou plus tard, selon que la saison est plus ou moins avancée, certaines écumes blanches, qui s’attachent indifféremment à toutes sortes de plantes. Nos Naturalistes jusqu’à Swammerdam & Poupart n’ont point connu la cause de ces écumes. Isidore de Séville, ainsi nommé, parce qu’il étoit archevêque de cette ville en 601, prélat estimable, mais mauvais physicien, s’est imaginé que c’étoit des crachats de coucou. Quelques-uns ont pensé que c’étoit la seve, le suc des plantes qui s’extravasoit. D’autres, comme Mouffet, que c’étoit une rosée écumeuse. D’autres enfin ont prétendu que ce sont des vapeurs qui s’élevent de quelques terres par la chaleur de l’atmosphere, & qui s’attachent aux plantes ; mais toutes ces opinions ne sont que des erreurs.

M. Poupart a le premier découvert la véritable origine de cette écume printaniere dans les Mémoires de l’académie des Sciences, année 1705, ou du-moins il a le premier développé ce que Swammerdam n’avoit fait que conjecturer. Cet homme, né pour l’étude des insectes, patient pour les observer, adroit pour en faire la délicate anatomie quand la chose étoit possible, a prouvé que cette écume étoit l’ouvrage des sauterelles qu’il avoit décrites dans le Journal des savans, en 1693.

Elles sont fort petites & sautent comme des pu-