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les jeunes gens à cette espece de jeu, leur facilitât la peine d’une étude épineuse. Il réussit si bien, qu’on le soupçonna de magie, par les progrès extraordinaires que faisoient ses écoliers ; & pour justifier sa conduite, il produisit son invention aux docteurs de l’université, qui non-seulement l’approuverent, mais l’administrerent comme quelque chose de divin.

Ce jeu de cartes de Mürner, dit le P. Menestrier, contient cinquante deux cartes, dont les signes qui les distiguent, sont des grelots, des écrevisses, des poissons, des scorpions, des chats, des serpens, des pigeons, des cœurs, des bonnets fourrés, des soleils, des étoiles, des croissans de lune, des couronnes, des écussons, &c.

Un pareil assemblage de figures si bisarres & si diverses, tenoit en quelque façon du grimoire, & devoit dans un tems d’ignorance, contribuer autant à faire accuser leur compilateur de magie, que les prétendus progrès de ses disciples ; je dis prétendus, car s’ils ont eû quelque chose de réel, on ne peut guere mieux les expliquer que, parce que Charles II, roi d’Angleterre, disoit d’un de ses aumôniers, bonhomme, mais grosse bête, qui n’avoit pas laissé que de convertir en peu de tems une partie de son troupeau, « c’est que la bêtise du curé étoit faite pour ses paroissiens ».

Quoi qu’il en soit, c’est à l’imitation du P. Mürner que l’on a inventé depuis tous les autres livres & jeux qui ont été faits en Europe, pour apprendre les sciences aux jeunes gens. Le lecteur sera peut-être bien aise de trouver ici les titres de quelques-uns de ces livres, qui ne sont pas aujourd’hui communs, & qui ont été fort recherchés par les curieux.

Jeux de cartes pour la grammaire & les belles-lettres. 1°. Le jeu des lettres, ou de l’alphabet, inventé il y a près de deux mille ans, & renouvellé en faveur de la naissance de Mgr. le duc de Bretagne, par Alexandre Fleuriau, prêtre ; c’est une grande feuille ouverte, sur laquelle est empreinte une gravure représentant un cercle presque entier, où sont écrites de suite les 24 lettres de l’alphabet, & sur laquelle on jette 4 dés, sur les 24 faces desquelles sont aussi gravées les mêmes 23 lettres, ce que, dit l’auteur, accoutume les enfans à se les imprimer dans la mémoire, tant par la figure, que pour le nom.

2°. Le jeu royal de la langue latine, avec la facilité & l’élégance des langues latine & françoise, par Gabriel de Froigny. Lyon, chez la veuve Coral 1676, in-8°. Ce Gabriel de Froigny, étoit un cordelier défroqué, établi à Geneve, où il embrassa le calvinisme, sans mener cependant une vie fort réguliere. Il se donna pour être l’auteur du voyage de la terre australe, imprimé sous le nom de Jacques Sadeur ; mais il mentoit selon toute apparence, car il y a dans cette relation certaines choses ménagées trop finement, pour que ce cordelier ait été capable de la délicatesse qui s’y trouve.

3°. Chartæ lusoriæ, cum quatuor illustrium poëtarum, nempè Plauti, Horatii, Ovidii, & Senecæ, sententiis. Parisiis, apud Wechel.

Pour la logique. 4°. Ars raciocinandi lepida, multarum imaginum festivitate contexta, totius logices fundamenta complectens, in chartiludium redacta, à patre Guischet, ordinis minorum. Salmurii, Harnault 1650, in-4°. Ce pourroit bien être ici le livre de Mürner, imprimé d’abord à Strasbourg en 1509 in-4°. & reproduit ici sous un nouveau titre.

Pour les mathématiques & la médecine. 5°. Ludus mathematicus, per E. W. ubi scachi, tabulæ cuidam mathematicæ aptati, quasvis propositiones arithmeticas & geometricas resolvunt. Anglicè. Londini 1654, in-12.

6°. Claudii Buxerii Rythmomachia : seu pythagoricus numerorum ludus, qui & philosophorum ludus dicitur. Parisiis, apud Guill. Cavallat 1556, in-8°.

7°. Le très-excellent & ancien jeu pythagorique, dit Rythmomachie, fort propre & très-utile à récréation des esprits vertueux, pour obtenir vraie & prompte habitude en tout nombre & proportion, par Claude de Boissiere. Paris 1556, in-8°. Ce dernier livre n’est vraissemblablement que la traduction du précédent.

8°. Guidonis Falconis melpomaxia, sive ludus geometricus. Lugduni, in-40.

9°. Liber Ouranomachia, seu astrologorum ludus, in abaco rotundo, cùm calculis, ubi duo ordines planetarum pro mundi imperio certant, in-4°.

10°. Francisci Monantholii ludus jatro-mathematicus, musis factus, ad averruncandos tres hostes, πόλεμον, λιμὸν & λοιμόν. Parisiis 1597, in-8°.

Pour la Géographie, l’Histoire & le Blason. 11. Matth. Kirchofferi orbis lusus, id est, lusus geographicus, pars I. Grascii 1659, in-4°.

12. Joannis Prætorii, J. H. Sinfriden, und Franc. Nigrini, Europæisch geographische spiel-carte, Nuremberg 1678, in-12.

13. Le jeu du monde, ou l’intelligence de ce qu’il y a de plus curieux dans le monde, par le sieur Jeaugeon, Paris, Amable-Auroy, in-12.

« On joue ce jeu sur une table de 18 piés de long, où est représentée une mappemonde avec les lieux les plus remarquables, tant par leur situation, que par les faits notables qui s’y sont passés ; ce qui peut être de quelque utilité pour se donner une légere teinture de la géographie & de l’histoire ».

14. Jeu de cartes du blason, contenant les armes des princes des principales parties de l’Europe, par le P. Claude-François Menestrier. Lyon, Amaulry 1592, in-8°.

Pour la Politique & la Morale. 15. Jacobi de Cessolis, seu Cessulis, ordinis prædicatorum, liber de moribus hominum, officiisque principum, ac populorum, argumento sumpto ex ludo schaccorum. Medio ani 1479, in-fol. Il y a des traductions de cet ouvrage dans presque toutes les langues. La premiere qu’on vit en françois, fut imprimée à Paris en 1504, in-4°. L’angloise parut à Londres en 1480, in-fol. La version hollandoise à Gonda, en 1479, in-fol.

Pour la Théologie. 16. Le livre du roi Modus, qui, sous les termes de la chasse des bêtes de toute espece, moralise sur lesdites bêtes, les dix commandemens de la loi, les sept péchés mortels, &c. & parle de Dieu le pere, qui envoya à son fils la cause de ratio & de sathan ; & de Dieu le fils, qui jugea contre sathan ; du S. Esprit, qui détermina les ames au monde, & la chair à satan ; de la bataille des vices & des vertus ; du roi d’orgueil, qui fit défier le roi Modus ; du songe de pestilence, &c. C’est un manuscrit qui se trouve dans quelques bibliotheques, car l’ouvrage imprimé ne concerne que la chasse.

17. Une espece de jeu d’oie, imaginé par un jésuite, pour apprendre aux enfans les élémens du Christianisme, & dont on peut voir la description dans le voyage d’un missionnaire de la compagnie de Jésus en Turquie, &c. pag. 204. & dans le journal littéraire, tom. XV. pag. 463. Les Apôtres ne se sont jamais avisés d’un si merveilleux expédient ; mais les Jansénistes ont fait un pareil livre sur la constitution Unigenitus, intitulé, Essai d’un nouveau conte de ma mere l’oie, avec les enluminures. Paris 1722, in 8°.

18. Le combat de Maladvise avec sa dame, par Amours, sur les jeux de paume, cartes, dez & tablier ; montrant comme tels jeux, joint celui des femmes, font aller l’homme à l’hôpital, avec plusieurs rondeaux & dixains, présentés au puits de risée. Lyon 1547, in-16.

Autres jeux d’amusement. 1°. Le plaisant jeu du dodécaëdron de fortune, non moins recréatif que subtil & ingénieux, composé par maître Jean de Me-