Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/823

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

produisit je ne sai combien de pieces de vers.

Naucydes, d’Argos, fils de Mathon, & frere de Péryclete florissoit, selon Pline, dans la 95e. olympiade, avec Canachus, Aristoclès, Diomede & Patrocle. Son chef-d’œuvre étoit la statue d’une jeune Hébé d’or & d’ivoire, qu’on avoit mise près de la statue de Junon.

Onatas, de l’île d’Égine, sorti de l’école athénienne fondée par l’ancien Dédale, vivoit en même tems qu’Agélades d’Argos. On voyoit de lui à Pergame un Apollon en bronze qui étoit admirable, tant pour sa grandeur que pour la beauté de l’ouvrage. Mais rien ne lui acquit plus d’honneur que la Cérès que les Phigaliens lui demanderent, en lui promettant telle récompense qu’il voudroit. « Je vins exprès à Phigale, dit Pausanias, pour voir sa Cérès ; je n’immolai aucune victime à la déesse, je lui présentai seulement quelques fruits, à la maniere des gens du pays, sur-tout du raisin avec des rayons de miel, & des laines sans apprêt, telles que la toison les donne. On met ces offrandes sur un autel qui est devant la grotte, & on verse de l’huile dessus. Cette espece de sacrifice se fait tous les jours par les particuliers, & une fois l’an par la ville en corps : c’est une prêtresse qui y preside, accompagnée du ministre le plus jeune de la déesse. La grotte est environnée d’un bois sacré, où coule une source d’eau très-froide ». Voilà un joli sujet de Gravure ou de Peinture que fournit Pausanias : la statue de Cérès, les sacrifices non-sanglans qu’on offre en procession sur son autel, une belle prêtresse, avec un jeune ministre qui les reçoit, la grotte, le bois sacré, la source d’eau vive, &c.

Le même Onatas avoit fait plusieurs statues équestres pour les Tarentins, & ces statues furent mises dans le temple de Delphes. Il avoit encore été employé par Dynoménès, fils de Hiéron, tvran de Syracuse, pour le monument dont il gratifia la ville d’Olympie, en mémoire des victoires remportées par son pere aux jeux olympiques. Enfin, ce qui augmente la gloire de cet artiste, est d’avoir été le maître de Polyclète.

Pasitèle est un artiste dont Varron donne une grande idée, ainsi que Pline. Pasitèle, dit ce dernier, cùm essit in omnibus summus, a écrit cinq volumes sur les plus excellens ouvrages de Sculpture qui ayent paru dans le monde. Il étoit de cette partie de l’Italie qu’on nomme la grande Grece, & acquit conjointement avec elle le droit de citoyen romain. Il fit un Jupiter d’ivoire, & cette statue est placée dans la maison de Métellus, située sur le chemin du champ de Mars. Cet artiste, très-exact imitateur de la nature, diligentissimus artifex, travailloit un jour dans cet endroit de Rome où l’on gardoit les animaux d’Afrique : pendant qu’il étudioit un lion à-travers les barreaux, une panthere s’échappa d’une cage voisine, non sans lui faire courir un très-grand danger. On dit qu’il a fait beaucoup d’ouvrages, mais on ne les connoît pas précisément. Pline, liv. XXXIV.

Pautias, de Chio, étoit fils de Sostrate ; l’art & l’habileté d’Aristocle de Sicyone avoit passé à lui, comme de main en main, car il étoit le septieme maître sorti de cette école. Il se signala par de belles statues d’athletes proclamés vainqueurs dans les jeux de la Grece.

Peryllus est bien connu de tout le monde par l’histoire du taureau de bronze qu’il avoit exécuté, & dont il éprouva lui-même toute l’horreur : in hoc à simulachris deûm hominumque, devoraverat humanissimam artem, dit Pline, liv. XXXIV. ch. viij. Cette peinture des arts, comme M. de Caylus le remarque, est très-belle & très-convenable. Ils ne sont faits que

pour le culte des dieux, pour conserver le souvenir des héros, pour corriger les passions, & pour inspirer la vertu. Peryllus fut plus cruel que Phalaris ; c’est pourquoi Pline poursuit, en disant : Itaque de unâ causâ servantur opera ejus, ut quisquis illa videat, oderit manus (Perylli).

Phidias, le sculpteur des dieux, étoit natif d’Athenes ; il fleurissoit vers l’an du monde 3556, dans la 83e olympiade, tems heureux où après les victoires remportées contre les Perses, l’abondance fille de la paix, & mere des beaux arts, faisoit éclore les talens par la protection de Périclès, l’un des plus grands hommes qui ait paru dans l’ancienne Grece, & peut-être dans le monde.

Phidias avoit fait une étude singuliere de tout ce qui avoit rapport à son talent, & en particulier l’étude de l’optique. On sait combien cette connoissance lui fut utile dans la statue de Minerve, qu’il fut chargé de faire, concurremment avec Alcamène : la statue par Alcamène vue de près, avoit un beau fini qui gagna tous les suffrages, tandis que celle de Phidias ne paroissoit en quelque sorte qu’ébauchée ; mais le travail recherché d’Alcamène disparut, lorsque sa statue fut élevée au lieu de sa destination ; celle de Phidias, au contraire frappa les spectateurs par un air de grandeur & de majesté, qu’on ne pouvoit se lasser d’admirer.

Ce fut lui qui après la bataille de Marathon, travailla sur un bloc de marbre, que les Perses dans l’espérance de la victoire avoient apporté, pour en ériger un trophée ; il en fit une Némésis, déesse qui avoit pour fonction d’humilier les hommes superbes. La haine d’un grec contre les Perses, jointe au plaisir de vanger sa patrie, anima son génie d’un nouveau feu, & prêta à son ciseau & à ses mains une nouvelle adresse.

Périclès chargea encore Phidias de faire une Minerve différente de celle dont j’ai parlé, & qu’on plaça dans le temple de cette déesse, appellé le Parthénon. Cette statue de Phidias avoit la hauteur de vingt-six coudées (39 piés,) & elle étoit d’or & d’ivoire. Il y entra 44 talens d’or, c’est-à-dire, 132 mille livres sterlings, sur le pié de 3000 livres sterlings pour chaque talent d’or ; & comme un nommé Ménon accusa Phidias d’avoir détourné une partie de cette somme, l’or fut détaché de la statue, exactement pesé, & à la honte de l’accusateur, on y retrouva les 44 talens ; mais quelque riche que fût cette statue, l’art y surpassoit infiniment la matiere ; Ciceron, Pline, Plutarque, & autres grands écrivains de l’antiquité, tous connoisseurs, tous témoins oculaires, en ont parlé comme d’un des plus beaux ouvrages de main d’homme.

L’on auroit peut-être douté qu’il fût possible de rien faire de plus parfait en ce genre, si ce Phidias lui-même n’en eût donné la preuve dans son Jupiter olympien, qu’on peut appeller le chef-d’œuvre du plus célebre maître, le plus grand effort de l’art, un prodige, & si bien un prodige, que pour l’estimer sa juste valeur, on crut le devoir mettre au nombre des sept merveilles du monde. Phidias fut inspiré dans la construction de son Jupiter par un esprit de vengeance contre les Athéniens, desquels il avoit lieu de se plaindre, & par le desir d’ôter à son ingrate patrie, la gloire davoir son plus bel ouvrage, dont les Eléens furent possesseurs avec reconnoissance. Pour honorer la mémoire de l’artiste, ils créerent en faveur de ses descendans une nouvelle charge, dont toute la fonction consistoit à avoir soin de cette statue.

Cette statue d’or & d’ivoire haute de 60 piés, & d’une grosseur proportionnée, fit le désespoir de tous les grands statuaires qui vinrent après. Aucun d’eux n’eut la présomption de penser seulement à l’imiter. Selon Quintilien, la majesté de l’ouvrage éga-