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cizeau, trépan, &c. il doit toujours avoir grand soin de ménager la matiere, car les fautes sont irréparables ; il ne doit donc ôter qu’avec beaucoup de discrétion pour arriver au but qu’il se propose, car il n’y a pas moyen d’y ajouter, & s’il se casse malheureusement une partie ou qu’il y ait quelque endroit altéré, il n’y a ni secret, ni mastic suffisant pour y remédier & la rétablir avec stabilité, sans qu’il y paroisse. Lorsque le sujet est totalement fini, & que le sculpteur se détermine à faire polir quelques draperies, ou autres ornemens, il se sert de gens destinés à ce travail que l’on nomme des polisseurs ; voyez Polisseur de marbre ; & il doit avoir attention à la conduite de ces sortes d’ouvriers, qui n’étant que des gens de métier & de peine, sont peu susceptibles des conséquences d’user & ôter les touches & les finesses que le sculpteur a ingénieusement semées dans tout son ouvrage. Ce poli est arbitraire & au choix de l’artiste, n’y ayant pour cela aucune regle établie qui puisse le diriger ou le contraindre. Le sculpteur en taillant son ouvrage prévient d’avance une partie des accidens qui pourroient arriver en le transportant. Il laisse des tenons de marbre aux parties saillantes, comme supports de bras, entre-deux de doigts, & autant qu’il est nécessaire, se reservant d’ôter ces tenons sur la place, lorsque la figure est posée sur son piédestal, où elle doit rester. C’est à cet instant que l’artiste intimidé ne voit son ouvrage qu’avec crainte, & que comme un nouveau spectacle qui lui fournit de nouvelles observations, & qui trop souvent lui reprochent des négligences auxquelles il ne peut refuser de nouveaux soins, puisqu’enfin c’est le fatal ou heureux moment où il abandonne à la postérité toute l’étendue de son savoir & de ses talens.

Pour transporter l’ouvrage le sculpteur a recours au charpentier qui l’ôte de dessus la selle, & le guinde sur un chassis de charpente appellé poulin, où il met des tasseaux de soutien avec chevilles, clous, & autres suretés, afin que rien ne se casse, soit en roulant ou en traînant dans les voies publiques jusqu’au lieu de sa destination.

On peut voir les outils en grand nombre dont se servent les sculpteurs, chacun à son article, où l’on a décrit son méchanisme & ses usages.

Sculpture en pierre et en bois ; outre ce qui a été dit à l’article Sculpture en marbre, par rapport aux statues & autres ouvrages qui s’exécutent sur cette matiere, la sculpture s’étend encore sur tout ce qui est pratiquable à l’outil, & qui peut être taillé, rogné, coupé, & réparé, comme pierre dure, pierre tendre, plâtre, ivoire, bois de diverses qualités, &c. Quant à la pierre dure, elle se travaille à-peu-près comme le marbre, c’est-à-dire avec la masse, les pointes, doubles pointes, cizeaux, & autres outils à précautions qu’on peut voir à leur article.

La pierre tendre, & les bois de chêne, buis, tilleul, noyer, & autres de ces qualités, se travaillent avec le maillet de bois, les fermoirs, les trépans, les gouges creuses & plates, à breter & à nez rond ; ces outils sont de toutes sortes de pas ou largeur. Il y en a qui n’ont pas deux lignes de face, & par degrés il y en a d’autres qui en ont jusqu’à deux pouces & plus ; on ne les distingue que par le pas. Les ouvriers nomment cet assortiment d’outils un affutage. Ces outils sont de fer, & par la tranche ils sont acerés de l’acier le plus fin. Il leur faut une trempe très fine. Ils sont faits de maniere qu’ils ont chacun une pointe forgée en quarré qui entre dans le manche, pour l’assurer & l’empêcher de tourner. Le manche de bois qui est de quatre à cinq pouces de longueur, est coupé à pans pour être tenu plus ferme, & ne point varier dans la main de l’ouvrier. L’on affute ces outils sur un grais de bonne qualité, pour leur don-

ner le tranchant, & l’on se sert ensuite d’une affiloire

pour leur couper le morfil, & les rendre propres à couper le bois, &c. avec netteté & propreté. Voyez Affiloire. L’on se sert pour finir ces ouvrages de rapes de différentes forces, tailles & courbures, comme aussi de peau de chien de mer dont on prend les plus convenables, qui sont certaines parties du ventre, les nageoires, & les oreilles.

La sculpture en pierre & en bois comprend plusieurs sortes d’ouvrages, comme figures, vases, ornemens, chapiteaux, fleurs, fleurons, &c. tant pour les décorations intérieures qu’extérieures des temples, des palais, & autres bâtimens, pour les vaisseaux de roi, de guerre, & marchands ; les voitures des ambassadeurs, & toutes sortes de monumens, comme cirques, carrousels, arcs de triomphe, obélisques, pyramides, &c.

Les anciens se sont servis de presque toutes sortes de bois pour faire des statues. Il y avoit à Sycione une statue d’Apollon qui étoit de buis ; à Ephèse celle de Diane étoit de cedre.

Dans le temple bâti à l’honneur de Mercure sur le mont Cillene, il y avoit une image de ce dieu faite de citronnier, de huit piés de haut ; ce bois étoit fort estimé.

On faisoit encore des statues avec le bois de palmier, d’olivier, & d’ébene, dont il y avoit une figure à Ephese, & ainsi de plusieurs autres sortes de bois, comme celui de vigne, dont il y avoit des images de Jupiter, de Junon, & de Diane.

On appelle bien couper le bois, quand une figure ou un ornement est bien travaillé, & la beauté d’un ouvrage consiste en ce qu’il soit coupé tendrement, & qu’il n’y paroisse ni sécheresse ni dureté.

Quand on veut faire de grands ouvrages, comme seroit même une seule figure, il vaut mieux qu’elle soit de plusieurs pieces que d’un seul morceau de bois, qui dans des figures de même que dans des ornemens, se peut tourmenter & jerser ; car une piece entiere de gros bois peut n’être pas seche dans le cœur, quoiqu’elle paroisse seche par-dehors, il faut que le bois ait été coupé plus de dix ans avant que d’être propre à être employé dans ces sortes d’ouvrages.

Sculpture en platre, tant en relief qu’en bas-relief. La sculpture en relief se fait d’une façon qu’on appelle travailler le plâtre à la main. On se sert de la truelle & du plâtre délayé ; on forme un ensemble ou masse de plâtre du volume de ce qu’on veut faire, & l’on travaille sur cette masse avec le maillet & les mêmes outils dont on se sert avec les pierres tendres. L’on se sert aussi de ripes & de rondelles ; ces ripes qui ont forme de spatule sont de différente grandeur, & ont des dents plus ou moins fortes. Elles sont sur la pierre & le plâtre ce que la double pointe & la gradine font sur le marbre.

Ces sortes de travaux en plâtre ne se font guere que dans les cas où l’on veut faire des modeles sur place, pour mieux juger des formes & des proportions du tout ensemble, & rendre les parties relatives les unes aux autres ; souvent on les finit entierement sur place, & l’on en fait des moules qui servent à jetter en plomb, ce que l’on voit quelquefois exécuter dans les parcs & jardins pour faire des fontaines, cascades, &c. Si au contraire on veut les exécuter en marbre, on les moule de façon à en pouvoir tirer des moules en plâtre que l’on apporte à l’attelier du sculpteur, pour lui servir à la conduite de son ouvrage en marbre.

La sculpture en bas-relief n’est pour ainsi-dire autre chose que l’art de mouler. Elle s’emploie le plus communément dans l’intérieur des appartemens pour former des bas-reliefs, cariatides, corniches, frises, metopes, consoles, agraphes, vases, & ornemens ;