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néral pour choisir des postes avantageux. En allant ainsi au devant de l’ennemi, on peut lui en imposer par cette démarche hardie, le surprendre même quelquefois, & le battre comme le fit M. le maréchal de Tallard au siege de Landau, en 1703.

Il y a encore plusieurs autres considérations qui peuvent servir à déterminer le parti qu’il convient de prendre contre une armée qui vient au secours d’une place. Si, par exemple, l’ennemi est supérieur en cavalerie, il est plus avantageux de l’attendre dans les lignes, que d’aller au-devant, parce que cette cavalerie lui sera peu utile dans l’attaque de la ligne, & qu’elle lui donneroit beaucoup d’avantage en combattant en plaine.

Si l’on a des troupes de nouvelles levées, ou étonnées par quelques défaites, il est certain qu’on pourra les contenir & leur faire faire leur devoir plus aisément derriere le parapet des lignes, qu’en rase campagne.

Si l’on est supérieur en artillerie, on peut encore se borner à la défense des lignes ; l’artillerie étant mieux située derriere des retranchemens qu’en plaine, peut causer une très-grande perte à l’ennemi ; dans une bataille on peut aisément en arrêter l’effet ; le secret n’en est pas grand, dit quelque part M. le chevalier Folard ; il ne s’agit que d’en venir promptement à l’arme blanche.

Il seroit aisé d’appuyer les préceptes précédens par des exemples ; mais comme les circonstances ne sont jamais exactement les mêmes, on ne peut en tirer des regles sûres pour la conduite qu’on doit tenir dans les cas semblables. On a vu d’ailleurs plusieurs fois le hasard & la témérité réussir dans des entreprises que le succès même ne pouvoit justifier aux yeux des maîtres de l’art. C’est pourquoi ce sont moins les exemples qui doivent décider du parti que l’on doit prendre dans les différentes situations où l’on se trouve à la guerre, que la connoissance des moyens que l’ennemi peut employer pour l’exécution de ses desseins, & l’examen des expédiens que la nature du terrein, le tems, & les circonstances particulieres peuvent fournir pour s’y opposer. Après avoir mûrement réfléchi sur ces différens objets, si le plus grand nombre de raisons militent plutôt pour un parti que pour l’autre, c’est celui-là qu’il faut adopter.

Ainsi lorsqu’on trouve qu’il y a plus d’inconvénient à attendre l’ennemi dans les lignes que d’en sortir pour le combattre, on doit aller au-devant de lui, & choisir les postes les plus avantageux pour cet effet. Mais si les lignes sont en bon état, & que nulle raison particuliere n’oblige de commettre l’évenement du siege au hasard d’un combat, on doit dans ce cas se contenter d’empêcher l’ennemi de forcer les lignes, continuer les opérations du siege, même à sa vue, comme on le fit à Philisbourg en 1734, à la vue du prince Eugene, dont l’armée étoit campée à la portée du canon de la circonvallation de cette place.

Tel étoit l’usage des anciens ; on remarque que leurs plus grands généraux ne sortoient de leurs lignes pour combattre dans les siéges, que lorsqu’ils se trouvoient avoir de grands avantages sur l’ennemi, ou lorsqu’il étoit absolument nécessaire de le faire pour se procurer des subsistances ; autrement ils se bornoient à défendre leur camp ou leurs lignes. Virgile qui fait parler son héros relativement aux préceptes des plus grands généraux, lui fait recommander à ses troupes en quittant son armée, de ne point sortir de leurs retranchemens, quoi qu’il pût arriver, pour combattre ; mais de se borner à défendre leur camp.

Ita discedens proeceperat optimus armis
Æneas : si qua interea fortuna fuisset,

Neu struere auderent aciem, neu credere campo :
Castra modo & tutos servarent aggere muros.

Æneid. lib. IX.

SECOUSSE, s. f. (Gramm.) mouvement oscillatoire & prompt qui ébranle un corps en toutes ses parties ; les secousses d’un tremblement de terre.

SECQUES, s. f. (Marine.) terres basses, plates, de peu de cale, où il y a des bancs & des syrtes.

SECRET, s. m. (Morale.) c’est toute chose que nous avons confiée à quelqu’un, ou qu’on nous a confiée dans l’intention de n’être pas révélée, soit directement, soit indirectement.

Les Romains firent une divinité du secret, sous le nom de Tacita ; les Pythagoriciens une vertu, & nous en faisons un devoir, dont l’observation constitue une branche importante de la probité. D’ailleurs, l’acquisition de cette qualité essentielle à un honnête homme, est le fondement d’une bonne conduite, & sans laquelle tous les talens sont inutiles. Si l’on ne doit pas dire imprudemment son secret, moins encore doit-on révéler celui d’autrui ; parce que c’est une perfidie, ou du-moins une faute inexcusable. Il convient même d’étendre cette fidélité, jusque vis-à-vis de celui qui y manque à notre égard.

Ce n’est pas tout ; il faut se méfier de soi-même dans la vie : on peut surprendre nos secrets dans des momens de foiblesse, ou dans la chaleur de la haine, ou dans l’emportement du plaisir. On confie son secret dans l’amitié, mais il s’échappe dans l’amour ; les hommes sont curieux & adroits ; ils vous feront mille questions épineuses dont vous aurez de la peine à échapper autrement que par un détour, ou par un silence obstiné ; & ce silence même leur suffit quelquefois pour deviner votre secret. (D. J.)

Secret, adj. (Phys. chambre de secrets, voyez Cabinets secrets.

Secret, (Médec.) en latin arcanum, en grec ἀπόρρητον, ἀποϰρύφον, μυστήριον, remede dont on tient la préparation secrette pour en relever l’efficacité & le prix.

On croiroit que la plûpart des hommes, très-sensés d’ailleurs pour leurs affaires, doivent avoir peu de confiance pour les prétendus secrets dans ces maladies reconnues incurables par tous les Médecins ; mais telle est la force de l’amour de la vie, qu’on s’abuse à cet égard ; ou peut-être telle est l’impudence de ces gens à secret, que leur trafic va toujours. Cette pratique est aussi ancienne que le monde, & ne finira qu’avec lui. Quoique ces prétendus secrets ne se trouvent communément par l’examen qu’une drogue fort connue, mal préparée, & quelquefois un poison lent, néanmoins on donne la confiance à ceux qui les possedent, & qui n’exigent de vous autre chose, que de n’être pas plus inquiets qu’ils le sont de votre guérison.

Si néanmoins l’on y faisoit quelque attention, on verroit que dans tous les pays, dans tous les siecles, & sans remonter si haut, dans celui où l’on vit, on a oui parler successivement des gens qui prétendoient avoir le même secret infaillible que cet homme auquel on est prêt de donner sa confiance. On se rappelleroit qu’on a toujours oui parler de gens qui faisoient les mêmes promesses, qu’on n’avoit pas de leur habileté des témoignages moins décisifs ; & que par l’évenement ces gens-là sont morts dans la misere, ou se sont trouvés n’être que des fourbes accrédités.

Je n’ignore pas que ceux qui les écoutent, & surtout les grands, plus communément dupes que les autres hommes, prétendent que de telles personnes qui se vantent de secrets, ne s’enrichissent pas par la