Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/875

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contribuent à augmenter dans l’organe cette vie qui les rend propres à l’excrétion. Un corps solide appliqué sur la langue, mâché ou roulé dans la bouche, produira sans doute par les mêmes moyens l’écoulement de la salive ; dans la luxation de la mâchoire il en coulera beaucoup encore ; mais dans tout cela on ne voit pas la moindre trace de compression ; c’est toujours à l’activité de l’organe, à sa sensibilité qu’il faut s’en tenir comme à la cause premiere ou dominante ; & on ne voit pas comment le célebre M. de Haller a pu reconnoître dans quelques-uns de ces moyens subsidiaires de quoi infirmer des principes aussi solidement établis.

Ce que nous venons de rapporter de l’excrétion a dû prévenir sur ce que nous avons à dire touchant le méchanisme de la secrétion. Cette fonction est encore l’ouvrage des nerfs, ou, pour mieux dire, de la sensibilité ; on a même sur cette opinion l’assertion de quelques auteurs d’un grand nom. La quantité des nerfs qui se distribuent à tout le corps glanduleux a surpris les Physiologistes & les Anatomistes. L’exclusion qu’on veut donner à la thyroïde & au thymus, formeroit-elle une si sorte présomption contre ce système ? On avoue, & c’est toujours beaucoup, que quelques nerfs se répandent sur la thyroïde ; on peut donc croire, jusqu’à ce qu’on ait démontré le contraire, qu’il s’en échappe quelques filets imperceptibles dans la substance de la glande, qui suffisent pour la vie & l’action de l’organe ; car après tout, cette glande vit comme les autres. Au surplus, a-t-on bien examiné s’il ne rampe pas encore quelques fibrilles nerveuses dans le tissu même des vaisseaux ? Cette derniere raison, nous pourrions l’alléguer à l’égard du thymus ; cette masse glanduleuse, independamment de son artere, reçoit des rameaux de la mammaire interne & de l’intercostale supérieure, elle est appuyée sur les gros vaisseaux de la poitrine ; voilà qui pourroit suffire dans le fœtus ; mais d’ailleurs c’est un organe de la classe des passifs, il se flétrit & s’exténue tous les jours, & la nature semble se refuser à sa nourriture dans l’adulte.

Cette mobilité, cette action de la part de chaque organe se manifestent aisément par l’histoire des maladies qui servent à merveille à découvrir ce que l’état de santé ne fait point appercevoir par l’habitude des différentes façons d’être que les parties prennent entr’elles dans l’état de santé ; les modifications qu’elles impriment au pouls dans tous les tems d’irritation ou de crise les rendent enfin de la derniere évidence. Voyez Pouls.

C’est donc toujours une érection, un apprêt de la part de la glande dans la secrétion comme dans l’excrétion ; les nerfs reveillés, irrités la redressent, & par l’orgasme qu’ils occasionnent à ses vaisseaux, en font comme un centre particulier qui attire à lui une plus grande quantité d’humeurs. Tel est l’effet d’une ventouse. Si cet état d’irritation ou de spasme étoit poussé trop loin, il diminueroit les secrétions en rétrecissant les vaisseaux, comme cela arrive dans plusieurs cas. En argumentant de ce raptus des humeurs vers un organe actuellement en fonction, on voit qu’on ne sauroit concevoir le sejour des humeurs dans la plûpart des glandes, tel que se le représentent les Physiologistes ; & l’on est porté à croire que la secrétion & l’excrétion doivent, dans beaucoup de circonstances, n’être qu’une seule & même fonction. Il n’y a qu’à jetter les yeux sur la parotide qui ne fournit jamais plus de salive que lorsqu’elle est plus agacée ou irritée. On a vu mouiller de cette salive jusqu’à trois serviettes dans un repas. On ne sauroit supposer que ces excrétions excessives ne soient que les résultats de plusieurs secrétions accumulées. Il est tout simple, par ce que nous avons dit, que tout organe irrité sait corps à part, qu’il se satisfait, pour

ainsi parler, aux dépens des autres ; il y aborde une plus grande quantité de sang qu’à l’ordinaire, donc la secrétion en doit être augmentée ; ce sont comme plusieurs secrétions & excrétions ajoutées coup-sur-coup les unes aux autres dans le même organe. C’est encore ici le cas de se servir de la division en actives & en passives ; dans la secrétion active l’organe rejette autant d’humeur qu’il en reçoit ; dans la passive cette humeur s’accumule dans le follicule, & attend pour en sortir des circonstances qui mettent l’organe en jeu.

Nous voici enfin arrivés à la principale difficulté, qui consiste à savoir pourquoi la même glande sépare constamment la même humeur. Cette explication se déduit du même principe, c’est-à-dire de la sensibilité, mais de la sensibilité spécifique dans chaque organe ; cette sensibilité spécifique opere une espece de choix. « Les parties propres à exciter telle sensation passeront, & les autres seront rejettées ; chaque glande, chaque orifice aura, pour ainsi dire, son goût particulier ; tout ce qu’il y aura d’étranger sera rejetté pour l’ordinaire.

La tension que les chatouillemens & les petites irritations proportionnées au ton du nerf procureront sera la secrétion ; le sphincter de chaque orifice dirigé par des nerfs, pour ainsi parler, attentifs & insensibles à tout ce qui ne les regarde point, ne laissera passer que ce qui aura donné de bonnes preuves ; tout sera arrêté, le bon sera pris, & le mauvais sera renvoyé ailleurs ».

Ce goût, cet appétit des organes étoit connu des anciens, comme nous l’avons déja observé ; cette théorie est également adoptée par un illustre écrivain dans son essai physique sur l’économie animale. En effet, chaque partie a son sentiment, son goût qui lui est propre, de même que ses aversions : l’émétique, qui ne se fait presque pas sentir sur les yeux, cause des sensations très-desagréables, des irritations extraordinaires à l’estomac, qui s’efforce sans perte de tems à le rejetter, tandis qu’il retient, il attire, il souhaite, pour ainsi dire, des alimens & même des médicamens analogues à sa sensibilité : l’huile, que les yeux ne peuvent supporter, ne fait rien sur l’estomac ; le chyle est comme sucé par les vaisseaux lactés, de sorte que son passage dans ces vaisseaux est une véritable image de la secrétion, & peut-être est-ce réellement-là une secrétion. Qu’on n’exige pas autrement de nous une analyse de cette sensibilité, de ce goût dans les organes, nous croyons que c’est une chose inexplicable, & nous nous défions avec un ancien (Dioclès), de ceux qui prétendent tout expliquer ; les phénomenes sont vrais, & cela nous suffit.

Les glandes, avons-nous dit, agissent pour faire leur excrétion, mais il est des tems où elles n’agissent point, leur action est comme périodique. Quelques organes attendent encore pour devenir secrétoires, c’est-à-dire pour travailler à la secrétion, des tems marqués par la nature.

Les secrétions & les excrétions peuvent être plus ou moins augmentées ou diminuées par l’effet des passions ; il n’y a qu’à voir ce qui se passe chez les mélancoliques. Elles sont suspendues par le sommeil, par l’action de l’opium, &c. On en suspend certaines en agissant sur les nerfs des parties éloignées de celles dont on veut diminuer l’action ; mais c’est sur-tout par la fievre que ces fonctions sont arrêtées : il est même des maladies terribles produites par ce dérangement : de sorte que rétablir ou renouveller ces fonctions, c’est-là proprement que consiste l’art de guérir. Il arrive encore des anomalies, des bizarreries même dans les secrétions, comme par exemple, le passage de l’urine dans les glandes de l’estomac & de la bouche ; il est vraissemblable que ces états contre na-