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& suspendus dans la liqueur. C’est pour cela que le sédiment ne paroît point dans l’urine tant qu’elle est chaude.

Ce sédiment sert à prognostiquer l’état des reins & des premieres voies ; cependant il ne sert pas beaucoup, tant que l’on considere l’urine seule, il suffit de savoir ici que la meilleure façon d’examiner l’urine & son sédiment, est de la mettre dans le même degré de chaleur que celle où elle est dans la vessie & dans les couloirs qui lui sont propres.

SÉDITIEUX, s. m. SÉDITION, s. f. (Gram. Gouv.) la sédition est un trouble, une division, une émotion, une révolte, bien ou mal fondée dans un gouvernement.

On donne en général le nom de sédition, à toutes les grandes assemblées qui se font sans la permission des magistrats, ou contre l’autorité des magistrats, ou de ceux qui s’attribuent cette autorité. Athalie & Jézabel étoient bien plus près de crier à la trahison que David ; & nous n’en citerons point d’autres exemples.

Il seroit inutile de chercher un gouvernement dont la constitution soit telle, qu’on puisse s’assurer qu’il ne sera point exposé à des séditions, des troubles & des guerres civiles. Quelque grands que soient ces malheurs, la félicité opposée nous est refusée dans cette vie, & nous n’en jouirons que dans l’autre.

Les séditions, les troubles, les guerres civiles, proviennent d’erreur, de malice, de causes justes ou injustes ; elles proviennent d’erreur lorsqu’un peuple croit qu’on lui a fait du mal, ou qu’on a eu dessein de lui en faire, quoiqu’on n’y ait pas seulement pensé, ou lorsqu’il regarde comme un mal ce qu’on lui a fait, quoi qu’effectivement ce ne soit pas un mal. Les états les mieux reglés peuvent quelquefois tomber dans ces sortes d’erreurs.

Les Romains jaloux d’une liberté nouvellement recouvrée, s’imaginerent que Valérius Publicola aspiroit à la royauté, lorsqu’ils virent qu’il faisoit bâtir une maison dans une place qui sembloit trop éminente pour un particulier.

Les Lacédémoniens ne soupçonnerent pas moins la conduite de Lycurgue, & un jeune libertin, dans une sédition, fut assez téméraire pour lui crever un œil ; mais jamais peuple n’a témoigné tant d’amour ni de respect à de bons citoyens, que les Romains & les Lacédémoniens en témoignerent à ces grands hommes, lorsqu’ils connurent que leurs soupçons étoient mal fondés.

Quelquefois les faits sont véritables, mais le peuple les explique d’une maniere opposée à l’intention qu’on a eue. Lorsqu’on eut chassé les Tarquins, les patriciens retinrent pour eux-mêmes les principales charges de la magistrature ; mais ce ne fut jamais leur dessein de rétablir les rois sur le trône, ni une oligarchie entre eux, comme les familles populaires se l’imaginoient ; aussi elles ne se furent pas plutôt apperçues de leur erreur, que toute leur colere s’évanouit : & ces mêmes personnes, qui sembloient ne méditer pas moins que la ruine entiere de toutes les familles patriciennes, se calmerent tout-d’un-coup.

Ménénius Agrippa appaisa une des plus violentes séditions qui se soit élevée dans la république romaine, en proposant au peuple la fable des différens membres du corps humain, qui faisoient des plaintes contre le ventre ; & la plus dangereuse de toutes fut étouffée, aussi-tôt qu’on eut accordé à ce peuple des tribuns pour le protéger.

Quelques jeunes patriciens avoient favorisé les décemvirs, & il y en avoit d’autres du même corps, qui ne vouloient pas se déclarer ouvertement contre eux ; il n’en fallut pas davantage pour faire croire au peuple qu’ils avoient tous conspiré avec ces nouveaux tyrans ; mais Valerius & Horatius s’étant

mis à la tête de ceux qui cherchoient à détruire cette nouvelle tyrannie, il reconnut bientôt son erreur, & regarda les patriciens comme les plus zélés défenseurs de sa liberté ; & inde, dit Tite-Live, auram libertatis captare, undè servitutem timuissent.

Les gouvernemens démocratiques sont sujets à ces sortes d’erreurs ; elles sont rares dans les aristocraties, & nous n’en avons point d’exemples parmi les Lacédémoniens, depuis l’établissement des lois de Lycurgue ; mais il semble que les monarchies absolues en soient tout-à-fait exemptes. On dissimule, & on nie souvent le mal qu’on a dessein de faire, jusqu’à ce qu’il ne soit plus tems d’y remédier autrement que par la force ; ceux que la nécessité oblige à se servir de ce remede, n’ignorent pas qu’il faut infailliblement qu’ils périssent, s’ils ne viennent à bout de ce qu’ils ont entrepris. Celui qui tire l’épée contre son prince, disent les François, en doit jetter le fourreau ; car quelque juste raison qu’il ait de prendre ce parti, il peut s’assurer que sa ruine est inévitable, s’il ne réussit pas. Il arrive rarement qu’un prince fasse la paix avec ceux qu’il regarde comme des rebelles, ou s’il la fait, il ne l’observe jamais, à moins que les sujets ne se réservent assez de forces pour l’obliger à tenir sa parole ; & tôt ou tard, on trouve bien moyen de leur ôter ce qu’on leur avoit accordé.

Les séditions qui proviennent de malice, sont rares dans les gouvernemens populaires ; car elles sont préjudiciables au peuple, & personne ne s’est jamais fait du mal de dessein prémédité. Il y a sans doute souvent de la méchanceté dans ceux qui excitent ces séditions ; mais le peuple n’y est jamais entrainé que par erreur ; dès qu’il s’apperçoit qu’il a été trompé, il ne manque pas de se venger des fourbes qui l’ont surpris ; c’est ce qui arriva à Manlius Capitolinus, à Spurius Mélius, & à Spurius Cassius. Si le peuple reconnoit trop tard son erreur, elle lui coûte ordinairement la perte de sa liberté. C’est ainsi qu’Agathocles, Denis, Pisistrate, & César, s’érigerent en tyrans de leur patrie, par l’art qu’ils eurent de cacher au peuple leurs projets & leurs artifices.

Dans les monarchies absolues, presque tous les troubles qui y arrivent, proviennent de malice ou d’accablement. Quand ils proviennent de la méchanceté de ceux qui gouvernent, il est assez difficile d’y remédier, parce que ceux qui les ont fait naître, se proposent, en les nourrissant, d’en retirer quelque grand avantage ; ainsi voyons-nous que dans les guerres civiles de l’Orient, entre Artaxerxes & Cyrus, entre Phraartes & Bardane, le peuple fut également ravagé par les deux partis, & la guerre ne fut pas plutôt terminée, qu’il fut obligé de se soumettre à la domination d’un maître orgueilleux.

Après la mort de Brutus & de Cassius, on n’entreprit point de guerre dans l’empire romain, qui n’eût pour principe quelque intérêt particulier ; & les provinces après avoir assisté un général à chasser du trône un tyran, éprouvoient souvent que celui-ci étoit aussi cruel que son prédécesseur.

Il ne faut point trouver étrange qu’en parlant des séditions, j’aie avancé qu’il y en a de justes ; l’intention de Dieu étant que les hommes vivent équitablement les uns avec les autres, il est certain que son intention est aussi qu’on ne fasse point de tort à celui ou à ceux qui ne cherchent point à en faire aux autres. Si donc l’injustice est un mal, & qu’il soit défendu d’en faire, on doit punir ceux qui en font ; les moyens dont on se sert pour punir les injustices, sont juridiques ou non-juridiques ; les procédures juridiques suffisent quand on peut contraindre les gouverneurs à les subir ; mais elles ne sont d’aucun effet à l’égard de ceux qu’il n’est pas possible de soumettre aux lois.