Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

religion moises en françois ; 1. l’année de la souris ; 2. l’année de la vache ; 3. l’année du tigre ; 4. l’année du lievre ; 5. l’année du grand serpent ; 6. l’année du petit serpent ; 7. l’année du cheval ; 8. l’année du bélier ; 9. l’année du singe ; 10. l’année du poulet ; 11. l’année du chien ; 12. l’année du pourceau.

L’année est divisée chez ce peuple en douze mois, qui sont lunaires, de 29 & de 30 jours alternativement. Chaque troisieme année ils ont treize mois, un des douze étant répété deux fois. Le premier mois a 29 jours ; le second 30 ; le troisieme encore 29 ; & ils se suivent ainsi alternativement : de sorte que l’année entiere est composée de 354 jours, & chaque troisieme année de 384. A l’égard des jours du mois, ils en comptent quinze depuis la nouvelle lune jusqu’à la pleine lune, après quoi ils commencent à compter par un, & continuent jusqu’à la lune suivante. De-là vient que quelques-uns de leurs mois ont 30 jours, & d’autres 29. Leurs semaines sont composées de 7 jours. Le dimanche est comme nous dirions en françois le jour du soleil ; le lundi, le jour de la lune ; le mardi, le jour du travail ; le mercredi, le jour de l’assemblée ; le jeudi, le jour de la main ; le vendredi, le jour du repos ; le samedi, le jour attractif ; parce qu’il attire une nouvelle semaine.

Les deux premiers de leurs mois, qui répondent à-peu-près à nos mois de Décembre & de Janvier, font tout leur hiver ; le troisieme, quatrieme & cinquieme, leur petit été, & les sept ou huit autres leur grand été. Leur hiver est sec, & leur été pluvieux : sans cette merveille, la zone torride seroit sans doute inhabitable ; ainsi pendant l’hiver, le soleil étant au midi de la ligne, ou vers le pole antartique, les vents de nord regnent toujours, & temperent l’air jusqu’à le rafraichir sensiblement. Pendant l’été, lorsque le soleil est au nord de la ligne, & à plomb sur la tête des Siamois, les vents de midi qui soufflent toujours, y causent des pluies continuelles, ou du moins font que le tems y est toujours tourné à la pluie. C’est cette regle éternelle des vens qui fait que les vaisseaux ne peuvent presque arriver à la barre de Siam pendant les six mois des vents de nord, & qu’ils ne peuvent presque en sortir pendant les six mois de vents de midi.

Voici maintenant ce qui regarde la monnoie de ce royaume. Le tsiam, que les étrangers appellent catti, s’entend de l’argent, & pese deux livres & demie ou vingt thails, ou cinquante richedalers, c’est-à-dire, qu’il a deux fois la valeur d’un catti, comme il a cours à Batavia, & dans le Japon. On ne frappe point de thails dans ce royaume, mais il y vaut quatre maas, ou trente sols de Hollande. Chaque maas vaut deux fuangs ; chaque fuang vaut deux siampais ; un siampai vaut deux puininis ; un puinini contient un nombre incertain de cauris. Les cauris different beaucoup en valeur, car pour un fuand, on en peut acheter depuis 500 jusqu’à 800. On en apporte une grande quantité des îles Maldives. Toute la monnoie d’argent de Siam est faite des écus de Hollande, que l’on bat en Hollande expres, & que la compagnie hollandoise des Indes orientales, y transporte sur le pié d’environ quatre florins l’écu.

Il me reste à parler des productions du royaume de Siam, de la vie des Siamois, de leurs mariages, de leurs tribunaux, de leurs rois, des grands & petits officiers de la couronne, &c. mais le détail que j’en ferai sera fort court.

Ce royaume est riche en mines, & la grande quantité d’idoles de fonte qu’on y voit, justifie qu’on a mieux su les exploiter anciennement qu’aujourd’hui. L’or dont la superstition a orné leurs idoles presque sans nombre, les lambris & les combles de leurs temples, prouvent aussi la richesse de ces mi-

nes. On en trouve aussi quelques-unes de fer, qu’on

fait fondre & non forger. Aussi les Siamois n’ont que des ancres de bois pour leurs galeres, auxquelles ils attachent des pierres, pour les faire couler à fond. Ils n’ont ni épingles, ni aiguilles, ni clous, ni ciseaux, ni serrures, & n’emploient par conséquent pas un clou à bâtir leurs maisons, quoiqu’elles soient toutes de bois : leurs fermetures sont des cadenas qui leur viennent du Japon, dont les uns sont de fer, & fort bons, & les autres de cuivre très-mauvais.

Les Siamois ont des bois propres à construire des vaisseaux, parce que leurs arbres viennent si droits, si gros, & si hauts, qu’un seul suffit à faire un bateau, ou balon, comme disent les Portugais, de 10 à 15 toises de longueur ; ils creusent l’arbre, & en élargissent la capacité ; ils relevent les côtés par un bordage d’une planche de même longueur ; ensuite ils attachent aux deux bouts une proue & une poupe fort haute, un peu recourbée en-dehors, qu’ils ornent de sculpture & de dorure ; mais comme ils n’ont point de chanvre, leurs cordages sont d’une écorce verte qui est sur le cocotier, & leurs voiles sont de nates de gros joncs.

Ils ont aussi du bois propre à bâtir des maisons, à la menuiserie & à la sculpture. Il y en a de légers, de fort pesans, d’aisés à fendre, & d’autre qui ne se fend point. On appelle ce dernier bois-marie en Europe, & c’est le meilleur de tous pour les coudes de navire ; celui qui est dur & pesant, se nomme bois de fer, & est assez connu dans les îles de l’Amérique.

On ne trouve presque aucun de nos arbres de l’Europe, ni de nos plantes dans le pays de Siam ; il n’y a point d’oignons, d’ails, de grosses raves, de persil, d’oseille, &c. Les roses n’y ont point d’odeur ; mais à la place de nos arbres, de nos plantes, & de nos fleurs, qui sont inconnues aux Siamois, ils en ont d’autres particulieres que nous ne connoissons point. Tel est, par exemple, leur arbre topoo. C’est une espece de figuier de la grandeur d’un hêtre, touffu, qui a l’écorce unie & grise, & les feuilles rondes, à longue pointe ; il porte un fruit rond, insipide, & qui n’est bon que pour les chauves-souris. Tous les Siamois regardent cet arbre comme sacré, & agréable aux dieux, parce que leur grand saint Sammana-Khodum prenoit plaisir à s’asseoir dessous ; & c’est pour cela qu’ils aiment à le planter auprès des temples, lorsque le terroir & le climat le permettent.

Ils attribuent la même sainteté à un autre figuier, dont les branches se courbant vers la terre, y prennent racine, & forment de nouveaux troncs ; de sorte qu’il acquiert un fort grand contour. Ses feuilles ressemblent à celles du laurier-cerise, excepté qu’elles sont plus grandes, & il porte un fruit comme l’espece de figuier dont nous venons de parler.

Un autre arbre fort extraordinaire, qu’on trouve dans le royaume de Siam, est l’arbre aux nids d’oiseaux. Il est de la grandeur d’un pommier ; son tronc & ses grosses branches touffues, sont pleines d’excroissances raboteuses, de différentes grosseurs & figures, & sont chargées de feuilles étroites. A l’extrémité des petites branches pendent plusieurs nids d’oiseaux, faits d’herbes séches, & de quelqu’autre matiere, travaillés avec beaucoup d’art, & de la forme d’une bourse longue, qui va en s’étrécissant par le haut. L’ouverture des nids est tournée au nord-ouest, de sorte qu’ils sont à couvert du vent du midi & de la pluie. Kæmpfer a compté plus de cinquante de ces nids sur un seul arbre, & n’en a jamais vu sur aucun autre. Les oiseaux sont d’un brun jaunâtre, & ressemblent aux serins de Canarie, mais ils n’ont qu’un cri approchant de celui des moineaux.

Les terres du pays de Siam, sont purement argil-