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actuels de la Sibérie, sont venus s’y établir depuis que ce pays est sous l’obéissance de la Russie, & leur nombre s’est accru en peu de tems.

La partie septentrionale de la Sibérie ne produit aucune sorte de grains ni de fruit, en sorte qu’elle est tout-à-fait inculte ; mais la partie méridionale n’a besoin que d’être cultivée pour produire les choses nécessaires à la vie. Les pâturages y sont excellens, & les rivieres fourmillent de poisson.

C’est uniquement dans la Sibérie & les provinces qui en dépendent, qu’on trouve les renards noirs & les zibelines, de même que les gloutons ; les plus belles peaux d’hermines & de loups-cerviers en viennent pareillement. On y trouve aussi des castors en abondance, & ceux de Camizchatka entr’autres sont d’une grandeur extraordinaire. Comme toutes ces pelleteries sont fort précieuses, il n’est permis à qui que ce soit d’en faire négoce ; mais les habitans du pays qui en ont sont obligés de les porter aux commis du trésor, qui les doivent payer à un certain prix réglé.

La Sibérie est aujourd’hui partagée en autant de gouvernemens qu’il y a de villes ; chaque ville a son vaiwode sous les ordres du vice-gouverneur-général, qui est un poste également honorable & profitable. La monnoie de Russie est la seule qui ait cours dans ce continent, mais elle y est fort rare, & tout le négoce s’y fait en échange, faute d’argent. Le gouvernement spirituel de la Sibérie est confié à un métropolitain du culte grec, tel qu’il est reçu en Russie, & ce prélat réside à Toboloskoy.

Qui croiroit que cette contrée a été long-tems le séjour de ces mêmes Huns qui ont tout ravagé jusqu’à Rome, sous Attila, & que ces Huns venoient du nord de la Chine ? Les Tartares usbecs ont succédé aux Huns. & les Russes aux Usbecs. On s’est disputé ces contrées sauvages, ainsi qu’on s’est exterminé pour les plus fertiles.

La Sibérie fut autrefois plus peuplée qu’elle ne l’est, sur-tout vers le midi ; on en juge par des tombeaux & par des ruines. Toute cette partie du monde, depuis le soixantieme degré ou environ, jusqu’aux montagnes éternellement glacées qui bornent les mers du nord, ne ressemble en rien aux régions de la zone tempérée ; ce ne sont ni les mêmes plantes, ni les mêmes animaux sur la terre, ni les mêmes poissons dans les lacs & les rivieres. Il seroit curieux d’en avoir des descriptions par un naturaliste, & ce sera le fruit du progrès des sciences en Russie. Gmelin a déja ouvert cette carriere sur les plantes de cette froide contrée, par sa flora Siberica, Petropoli 1750, en deux vol. in-4°. avec fig. Quant à la description géographique de la Sibérie, on l’a mise au jour à Nuremberg en 1730, in-fol. Les curieux peuvent la consulter. (Le Chevalier de Jaucourt.)

SIBOLE, s. m. (Hist. nat.) animal quadrupede de la nouvelle Espagne, dont on ne nous apprend rien sinon qu’il est de la grandeur d’une vache, & que l’on estime beaucoup sa peau par la douceur de son poil.

SIBUZATES, (Géog. anc.) peuples de la Gaule aquitanique, que César, Bell. gall. liv. III. met au nombre de ceux qui se soumirent à Crassus. On ne les connoît point.

SIBYLLE, s. f. (Divinat. des Grecs & des Rom.) femme inspirée de l’esprit prophétique, & qui étoit douée du don de prédire l’avenir.

La premiere femme qui s’avisa de prononcer des oracles à Delphes, s’appelloit Sibylla. Elle eut pour pere Jupiter au rapport de Pausanias, & pour mere Lamia fille de Neptune ; & elle vivoit fort long-tems avant le siege de Troie. De-là toutes les femmes qui se distinguerent par le même talent, furent appellées sibylles. Y a-t-il eu des sibylles dans le paganisme, &

quel étoit leur nombre ? Sur quel fondement les anciens ont-ils imaginé qu’elles avoient le don de prophétie ? Comment annonçoient-elles leurs oracles ? Enfin quel culte leur a-t-on rendu ?

Varron, cité par Lactance, dérivoit le nom de sibylle de deux termes éoliens ou doriens ; il le croyoit synonyme du mot théoboulé, conseil divin ; σιος, pour θεὸς, dieu ; & βυλὴ pour βουλὴ, conseil. Cette étymologie est confirmée par la signification que plusieurs écrivains grecs donnent au mot sybilla. Diodore, lib. IV. qui l’explique par enthousiaste. dit que le mot σιϐυλλαινείν, sibylliser, signifie à la lettre la même chose que ἐνδεαζειν, être saisi par l’esprit divin. Strabon rend aussi le mot de sibylla par celui d’ἐνθούς, & Arrien, cité par Eustathe, assuroit que les sibylles avoient reçu ce nom, parce qu’elles portoient un dieu au-dedans d’elles-mêmes. Les descriptions que Virgile & Ovide font de la sibylle de Cumes rendant ses oracles, nous apprennent ce qu’on entendoit par cette théophorie.

Nier qu’il y ait eu plusieurs sibylles, seroit renverser tous les témoignages de l’antiquité. Platon, in Phoedo & in Theage, à l’occasion de cette sorte de fureur dont quelques personnes sont saisies, & qui les met en état d’annoncer l’avenir, fait mention de la Pythie, des prêtresses de Dodone & de la sibylle. Diodore de Sicile dit que Daphné fille de Tirésias, n’étoit pas moins savante que son pere dans l’art de la divination ; & qu’après avoir été transportée à Delphes, elle écrivit un grand nombre d’oracles. Comme cette fille, ajoute-t-il, étoit souvent éprise d’une fureur divine en rendant ses réponses, on lui donna le nom de sibylle. Strabon, lib. XIV. fait mention de la sibylle Erythrée, & d’une autre nommée Athénaïs, qui selon lui vivoit du tems d’Alexandre. Il prétend encore dans un autre endroit, lib. XVI. qu’il y en avoit eu une plus ancienne. Pausanias, in Phoc. parle fort au long de la sibylle Erophyle qui vivoit avant le siege de Troie. Le même auteur décrit le rocher où elle rendoit ses oracles, & en cite quelques-uns. Aristote, en philosophe éclairé, examinant dans ses problemes, Probl. 30 n°. 1. en quoi consiste l’enthousiasme qui saisissoit les devins inspirés, nomme Bacis & la sibylle, & range cet enthousiasme parmi les genres de délire ou de folie.

Il est donc certain qu’il y a eu en différens tems, & dans des lieux différens, des femmes qui se sont données pour avoir le don de prédire l’avenir, & qui ont porté le nom de sibylles. Aux témoignages que j’ai déja cités pour preuve, je pourrois joindre celui de Varron, celui de Cicéron, celui de Virgile qui dit des choses si curieuses sur la sibylle de Cumes, ceux de Pline, de Solim, du philosophe Hermias, de Procope, d’Agathias, de Jamblique, d’Ammian Marcellin, de Justin & d’une infinité d’autres.

Mais si les anciens ont établi l’existence de pareilles femmes, ils ne s’accordent ni sur le nombre, ni sur la patrie, ni sur le nom des différentes sibylles. Le problème n’étoit pas encore résolu au tems de Tacite ; & tout ce que les critiques ont débité à ce sujet, n’en a pas rendu la solution plus aisée. En donnant, comme faisoit Héraclite cité par Plutarque, une durée de mille ans à la vie de la sibylle, on pourroit concilier les différentes opinions ; & c’étoit probablement le parti qu’avoit pris Ovide. Il suppose qu’au tems d’Enée, la sibylle de Cumes avoit déja vécu 700 ans, & qu’elle devoit encore vivre pendant trois siecles. Dans cette supposition, la sibylle ayant pu habiter successivement divers pays, & se rendre célebre dans différentes générations ; elle avoit pu porter les différens noms de Daphné, d’Erophile, de Démophile, &c. Au reste, comme la sibylle ne nous peut intéresser, qu’autant que son histoire se trouvera liée avec celle de l’esprit humain en général, ou avec cel-