Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/297

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la hauteur quatre coups de plus chaque dixaine, forme une réduction équivalente ; la découpure est plus large qu’aux 400 ordinaires ; le guillochage de ces étoffes se fait par un plus grand nombre de lisses de poil, attendu que si on vouloit le faire avec un double corps, il faudroit des rames & des semples de 1200 cordes de largeur ; l’on ne désespere pas cependant que dans la suite l’on n’en vienne à-bout.

Il se monte actuellement à Lyon un métier qui contiendra 1600 cordes de rame, & par conséquent autant à chaque semple, il contiendra 3200 mailles de corps ; on en donnera la description quand il sera achevé. Il faut observer que l’étoffe n’aura que la largeur ordinaire, on doit penser quelle sera la réduction ; on craint qu’elle ne soit trop forte pour la dorure qui ne pourra pas se serrer, excepté qu’on ne trame extraordinairement fin, ce qui pourroit occasionner une qualité trop mince dans l’étoffe.

Pour l’intelligence de l’armure du poil des étoffes à double corps, l’on observera que dans toutes les étoffes montées sur des métiers à 400 cordes ; le cassin est composé de 8 rangs de 50 poulies chacun, pour contenir un pareil nombre de cordes ; on commence à passer les cordes de bas en haut, ou de haut en bas, n’importe, dans une poulie de chacun des 8 rangs, savoir, une corde chaque poulie ; & on continue de suite, en reprenant toujours par le même rang où l’on a commencé, jusqu’à la fin. Les planches dans lesquelles sont passées les arcades, ont également 8 trous chaque rang, pour qu’elles puissent se rapporter à ceux du cassin. Le poil, qui le plus ordinairement est passé sur quatre lisses, doit se rapporter de même aux huit mailles de corps attachées aux huits arcades, qui passent dans les huit trous de la planche, de façon que les huit premieres mailles ou boucles des quatre lisses doivent faire le rang complet des huit mailles de corps, ce qui fait deux mailles ou boucles sur chacune des quatre lisses. Le fil du second rang des mailles du corps doit également correspondre à la boucle de la premiere lisse, & continuer de même tous les fils de poil jusqu’à la fin, de sorte que le dernier fil de poil se puisse trouver sur la derniere des quatre lisses, & le premier sur la premiere. Cette précision est tellement nécessaire, que si par hazard on se trompoit d’un fil, il faudroit dépasser le tout, attendu la contrariété qui se trouveroit dans le fil du liage qui leveroit au coup de navette, dans le tems où il faudroit que la lisse le fît baisser ; par la même raison le dessinateur doit avoir un grand soin que le point que forme son liage, soit placé de façon qu’il puisse correspondre & à l’armure du métier, & à celle du remettage, ou passage du fil dans les lisses, ce qui n’est pas difficile, lorsque le dessinateur entend un peu la fabrique ; d’ailleurs, la ligne du dessein, c’est-à-dire, celle qui est tirée horisontalement, doit se conduire pour cette opération qui est immanquable, & qui ne le géne point quant au goût qu’il veut donner à son liage guilloché.

L’ouvrier de son côté doit avoir une grande attention, quand il arme son métier, de ne faire lever que la seconde & la quatrieme lisse pour passer son coup de navette, si le point du liage se trouve placé sur la premiere ligne du dessein, lequel point doit correspondre à la premiere maille du corps, conséquemment à la premiere boucle de la lisse ; de sorte que tous ces fils étant destinés pour le liage, ne doivent point lever au coup de navette qui sert à former le corps de l’étoffe, & à draper le poil, ainsi des autres.

Enfin le liage à double corps est si joli, que dans un même lac broché, toute la dorure, soit or lisse, soit or frisé, soit la lame or, peut être broché ou passé sans que le même liage soit égal sur aucune des parties, dont le lac est composé, il en est de même de l’argent, ce qui produit une variété si surpre-

nante, que l’étoffe paroît être composée d’autant de

dorures différentes, qu’il se trouve de différens liages, ce qui produit des effets si difficiles à connoître, qu’il n’est pas possible que les fabriques étrangeres puissent pénétrer la cause de ces mêmes variétés qui se trouvent dans les étoffes riches des fabriques de Lyon.

Suite des étoffes dont la dorure est guillochée. Il vient de paroître des étoffes dont la dorure est guillochée, sans qu’elle soit travaillée à la broche, ou que le métier soit monté avec un double corps, c’est-à-dire, seulement un échantillon, dont l’auteur du mémoire a conduit le dessein & le montage du métier, qui est un gros-de-tour de 40 portées à fil doublé & de quatre fils doubles chaque maille de corps, sur un 400 cordes à l’ordinaire ; il est vrai qu’il n’y a qu’une dorure qui puisse être guillochée ; mais aussi cette disposition de métier est excellente pour tous les fonds or, dont une navette de lame est passée à-travers, & dans lesquels les autres dorures qui sont brochées ne sont pas d’une grande considération pour que le fabriquant les assujettisse au guillochage.

Pour fabriquer une étoffe dans ce genre, le dessinateur fait son dessein, & peint son liage d’une corde, comme il se pratique, en lui donnant la forme du guilloché qu’il lui plaît, laquelle est ordinairement sur la partie principale de la dorure. Le métier étant monté, on passe le coup de fond avec la navette de soie, soit qu’elle fasse liseré ou non. Elle fait liseré si le dessinateur a peint un lac particulier en petites découpures pour figurer dans le fond, ce liséré doit être toujours de la même couleur de la chaîne ; ou si elle est différente, il ne faut pas qu’elle la coupe trop.

L’on pense bien qu’au coup de fond si c’est un liseré, on ne fait point baisser de lisse de rabat, parce que pour lors, le rabat faisant baisser la moitié de la tire, ou du lac tiré, ce lac ne formeroit qu’un gros-de-tours ordinaire.

Le second coup de navette que l’ouvrier passe est celui de la lame ; pour lors on tire le lac qui doit faire le guilloché, qui est formé par les cordes que le dessinateur a peintes dans les grands ou petits sujets qui composent ce lac. Ces cordes restent en bas lorsque le lac est tiré ; & suivant l’ancienne méthode, elles formeroient un liage de 4 fils doubles, dont chaque maille de corps est remplie, ce qui mangeroit ou cacheroit une partie de la dorure. Pour parer à cet inconvénient, l’ouvrier fait lever trois lisses du gros-de tours, qui par ce moyen, levant trois fils doubles de chaque maille de corps qui doit lier la dorure, ne laissent qu’un fil double seulement pour la lier ; ce qui lui donne tout l’éclat dont elle est susceptible de l’invention.

Comme les parties qui ne sont pas tirées ne contiennent que le quart de la chaîne, qui n’est pas suffisant pour cacher ou enterrer totalement la lame, ces parties forment une espece de gaze en dorure de la même lame ; mais on peut y semer quelques petites fleurs liées par la corde même de la dorure, un peu plus grosse qu’à l’ordinaire, si on broche de l’argent sur un fond lamé or, ou or sur un lamé argent, afin que la dorure qui forme la gaze dans le fond, ne transpire pas au-travers de celle qui est brochée, mais pour lors la dorure brochée ne sauroit être liée par un liage guilloché.

Mais, dira-t-on, ne pourroit-on pas faire sur une dorure différente brochée, la même opération, qui se fait sur le lac sous lequel la lame est passée ? La chose n’est pas possible, en voici la raison. Les trois lisses qui levent pour ne laisser qu’un fil des quatre contenus dans la maille du corps, élevent la soie qu’elles contiennent aussi haut que le lac tiré, conséquemment elles empêchent de choisir la partie de