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A des mondes divers, autour de lui flottans.
Ces astres asservis à la loi qui les presse,
S’attirent dans leur course, & s’évitent sans cesse
Et servant l’un à l’autre & de regle & d’appui,
Se prêtent les clartés qu’ils reçoivent de lui.

Henriade, ch. vij.

Enfin M. Thompson peint avec tant de magnificence tous les biens que le soleil repand sur la nature, que ce morceau même dans une traduction françoise, ne peut que plaire aux gens assez heureusement nés pour gouter les belles choses, indépendamment de l’harmonie.

Puissant roi du jour, dit le poëte anglois, ô soleil, ame des mondes qui nous environnent, miroir fidele & transparent de ton créateur, puisse ma foible voix apprendre à te chanter ! ta force secrette & attractive, enchaine, gouverne, & regle tout le tourbillon, depuis les limites éloignées de Saturne, dont la révolution remplit une durée de trente ans, jusqu’à Mercure, dont le disque perdu dans l’éclat de tes rayons, peut à peine être apperçu par l’œil philosophique.

Créateur de toutes les planetes, puisque sans ton regard vivifiant, leurs orbes immenses seroient des masses informes & sans mouvement ; esprit de vie, combien de formes d’êtres t’accompagnent, depuis l’ame que tu délies, jusqu’à la race la plus vile, composée de millions d’êtres mélangés, & produits de tes rayons ?

Pere des saisons, le monde végétal reconnut ton empire ! la pompe précede & suit ton trône, & décore majestueusement au milieu de ton vaste domaine annuel ta brillante route céléptique ; éclat triomphant qui réjouit la nature ! en cet instant, une multitude d’êtres en attente, implorent ta bonté, ou pleins de reconnoissance, chantent une hymne commune en ton honneur ; tandis qu’au-tour de ton char brillant, les saisons menent à leur suite, dans une harmonie fixe & changeante, les heures aux doigts de rose ; les zéphirs se jouant nonchalamment ; les pluies favorables, & la rosée passagere ; toute cette cour verse & prodigue odeurs, herbes, fleurs, & fruits, jusqu’à ce que tout s’allumant successivement par ton souffle, tu décores le jardin de l’univers.

Ton pouvoir ne se borne pas à la surface de la terre, ornée de collines, de vallons, & de bois épais, qui forment ta riante chevelure ; mais dardant profondément tes feux jusques dans ses entrailles, tu regnes encore sur les minéraux ! ici brillent les veines du marbre éclatant ; plus loin se tirent les outils précieux du labourage ; là, les armes étincelantes de la guerre ; ailleurs, les plus nobles ouvrages, qui font dans la paix, le bonheur du genre humain, & les commodités de la vie, & sur-tout ces métaux précieux qui facilitent le commerce des nations.

Le stérile rocher, lui-même, impregné de tes regards, conçoit dans son sein obscur, la pierre précieuse & transparente ; le vif diamant s’abreuve de tes plus purs rayons, lumiere rassemblée, compacte, dont l’éclat ose ensuite le disputer aux yeux de la beauté dont elle pare le sein : de toi, le rubis reçoit sa couleur foncée : de toi, le solide saphir prend l’azur qui le décore : par toi, l’améthiste se revêt d’ondes pourprées, le topaze brûle du feu de tes regards ; la robe du printems, agitée par le vent du sud, n’égale pas la verte émeraude dont tu nous caches l’origine ; mais tous tes rayons combinés & épais, jouent à-travers l’opale blanche, & plusieurs s’échappant de sa surface, forment une lumiere vacillante de couleurs répétées, que le moindre mouvement fait jaillir à l’œil du spectateur.

La création inanimée semble recevoir par ton influence, le sentiment & la vie : par toi, le ruisseau

transparent joue avec éclat sur la prairie ; la fougueuse cataracte qui répand l’horreur sur le fleuve bouillonnant, s’adoucit à ton retour ; le désert même, & ses routes mélancholiques, semblent s’égayer ; les ruines informes réfléchissent ton éclat, & l’abysme salé, apperçu du sommet de quelque promontoire, s’agite, & renvoie une lumiere flottante dans toute la vaste étendue de l’horison. Mais tout ce que mon esprit transporté pourroit peindre, l’éclat même de la nature entiere, détaillée ou réunie, n’est rien en comparaison de ta propre beauté ; source féconde de la lumiere, de la vie, des graces, & de la joie d’ici bas, sans ton émanation divine, tout seroit enseveli dans la plus triste obscurité. (D. J.)

Soleil, chevaux du, (Mythol.) les poëtes donnent quatre chevaux au soleil, qu’ils nomment Pyroéis, Eoüs, Æthon & Phlégon, noms grecs, dont l’étymologie explique les attributs. Le premier marque le lever du soleil, lorsque ses rayons sont encore rougeâtres. Le second désigne le tems où ses rayons sortis de l’atmosphere sont plus clairs, vers les neuf heures du matin. Le troisieme figure le midi, où la lumiere du soleil est dans toute sa force. Le quatrieme représente le coucher, où le soleil semble s’approcher de la terre. Fulgence donne aux chevaux du soleil des noms différens Erythreus, le rouge ; Acteon, le lumineux ; Lampas, le resplendissant ; Philogéus, qui aime la terre. Le premier dans cet auteur, se prend du lever du soleil ; le second de la clarté du soleil, lorsque n’ayant plus un atmosphere épais à percer, il répand une lumiere plus pure ; le troisieme peint le midi, tems où il a toute sa splendeur ; le quatrieme désigne son coucher, où il semble tendre vers la terre. On voit assez que les noms de Fulgence reviennent à ceux des poëtes, il n’avoit aucun besoin de les changer. (D. J.)

Soleil, coucher du, (Mythol.) la fable qui regarde le Soleil comme un dieu, donne une idée bien différente de son coucher, que ne fait l’Astronomie ; Cowley va vous l’apprendre aussi joliment qu’Ovide.

It is the time when witty poëts tell
That Phœbus into Thetis bosom fell,
She blush’d at first, and then put out the light
And drew the modest curtains of the night.


(D. J.)

Soleil, (Marine.) il y a sur cet astre quelques façons de parler, dont voici l’explication.

Le soleil a baissé : cela signifie que le soleil a passé le méridien, ou qu’il a commencé à décliner.

Le soleil a passé le vent : cela signifie que le soleil a passé au-delà du vent. Exemple : le vent étant au sud, si le soleil est au sud-sud-ouest, il a passé le vent : & on dit que le vent a passé le soleil, lorsque le contraire a lieu. Ainsi le vent s’étant levé vers l’est, il est plutôt au sud que le soleil, & le vent a passé le soleil.

Le soleil chasse le vent : façon de parler dont on se sert, lorsque le vent court de l’ouest à l’est devant le soleil.

Le soleil chasse avec le vent : on entend par cette expression, que le vent souffle de l’endroit où se trouve le soleil.

Le soleil monte encore : c’est-à-dire que le soleil n’est pas encore arrivé au méridien, lorsque le pilote prend hauteur.

Le soleil ne fait rien : on entend par-là que le soleil est au méridien, & qu’on ne s’apperçoit pas en prenant hauteur, qu’il ait commencé à décliner.

Soleil brillant, (Artificier.) cet artifice, qui est un des plus apparens pour l’exécution d’un spectacle, imite si bien le soleil par le brillant de sa lumiere, qu’il cause ordinairement des exclamations de