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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/317

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surprise parmi les spectateurs, au moment qu’il vient à paroître.

Sa construction n’est autre chose qu’une grande quantité de jets ou de fusées à aigrettes, rangées en forme de rayons autour d’un centre.

La composition de la matiere combustible peut être la même que celle des aigrettes, ou si on la veut plus simple, il suffit de mettre sur trois parties de poudre une de limaille de fer ou d’acier neuve, c’est-à-dire, qui ne soit pas rouillée, & passée par un tamis médiocrement fin. On s’est piqué dans quelques artifices à Paris de faire des soleils d’un diametre extraordinaire, auxquels on donne le nom de gloire ; car on lit dans la description de celui qui fut fait en 1739, sur le pont-neuf, à l’occasion du mariage de madame Premiere de France, qu’il y en avoit un sur l’entablement du temple de l’Hymen, qui avoit 60 piés de diametre.

Supposé qu’on veuille faire un soleil de grandeur au-dessus de la moyenne, on prend des fusées à aigrettes d’environ 20 lignes de diametre, & de 15 à 20 pouces de long. qui jettent leur feu à 12 & 15 piés de hauteur ; laissant un pié de vuide dans le milieu, il en résulte un soleil de 25 à 30 piés de diametre. Si l’exaltation des flammes augmente à-peu-près en raison des quarrés des surfaces des mêmes matieres combustibles, il est visible que pour faire un soleil du diametre de 60 piés, il a falu des fusées à aigrettes au-moins de 4 pouces de diametre, pour qu’elles aient pu jetter leur feu à 28 ou 30 piés de distances, qui font la moitié de ce diametre, y compris l’espace vuide du milieu qu’occupent les longueurs des cartouches des fusées.

Puisque les fusées peuvent si fort varier de grandeur, & que la durée de cet artifice dépend de leur longueur, ou de la répétition des rangs de ces fusées, il est clair que les moyens de le former peuvent aussi beaucoup varier. Sur quoi il faut observer qu’on ne peut se dispenser de laisser au milieu du soleil un espace vuide d’une grandeur proportionnée à la grosseur des fusées, & au nombre qu’on y en veut mettre, à cause qu’elles doivent être rangées en rayon, & que l’espace compris par ces rayons diminue toujours à mesure qu’il approche du centre.

Je m’explique par un exemple. Supposons qu’on se serve de fusées de 20 lignes de grosseur ; il est évident que si l’on mettoit leurs têtes au centre, il n’y en auroit que deux qui puissent y être appliquées immédiatement ; trois commenceront à laisser un espace triangulaire ; quatre, un quarré ; cinq, un pentagone, &c. de 20 lignes de côte, de sorte qu’une douzaine de ces fusées, qui se toucheroient par leur tête, laisseroient nécessairement an vuide de 7 pouces de diametre. D’où il suit que le vuide du milieu est déterminé par le nombre des fusées qu’on veut employer à faire le soleil, & que réciproquement le diametre du vuide détermine le nombre des fusées, parce qu’elles doivent toutes se toucher. Ainsi, supposant qu’on veuille y employer trois douzaines de fusées qui donnent une circonférence de 5 piés, le diametre du vuide sera d’environ 19 pouces.

On voit par cette observation, que pour attacher les fusées, il faut leur préparer pour assiete un anneau de la largeur que donne la longueur des fusées, & d’une ouverture fixée par leur grosseur & par leur nombre. Cet anneau peut être fait d’un assemblage de planches ; mais il est plus solide de le faire de deux cercles de fer concentriques, liés par 4 ou 6 entretoises, observant d’y ajouter des queues percées, pour qu’on puisse le clouer solidement sur des pieces de bois placées exprès sur le théâtre des artifices où il doit être exposé.

Cette carcasse de l’artifice étant faite, il ne s’agit

plus que d’y appliquer ces fusées avec du petit fil-de-fer recuit pour être plus flexible, en les dirigeant toutes du centre à la circonférence, & les attachant aux deux bouts sur les cercles de fer préparés pour les y arranger, la gorge tournée en-dehors ; on y fait ensuite passer une étoupille bien attachée sur chacune, & enfermée dans des cartouches, s’il faut éviter le feu des artifices qu’on doit faire jouer avant le soleil.

Comme la durée de cet artifice ne seroit pas considérable, s’il n’y avoit qu’un rang de fusées, on la prolonge par un second rang, qui prend feu après que le premier est consumé ; on peut même, si l’on veut, y en ajouter un troisieme, pour tripler cette durée.

La maniere de disposer ce second rang, est à-peu-près la même que la premiere, observant seulement qu’afin qu’elles ne prennent pas feu avant le tems, leurs gorges doivent être couvertes & un peu éloignées des premieres, soit en les reculant, comme lorsqu’elles sont séparées par des rouelles de bois, ou en les rapprochant du centre, si elles sont sur un même plan ; comme sur le double anneau de fer dont on a parlé.

Tout l’art de la communication des feux ne consiste qu’à lier à la tête qui n’est pas étranglée, un porte-feu fait d’un cartouche vuide, dans lequel on fait passer une étoupille, ou qu’on remplit d’une composition un peu vive sans être foulée.

Ce porte-feu doit être collé dans l’intervalle des deux cartouches rebouché par les deux bouts, pour recevoir & donner le feu par des ouvertures faites à ses côtés, situé au bout d’en-bas, l’autre à celui d’en-haut, ainsi que l’on voit dans nos Pl. d’Artif. où la premiere fusée qui a sa gorge comme on l’a placée, sa tête non étranglée, mais seulement formée ou bouchée par un papier collé, le long d’une partie de cette fusée est collée contre le cartouche qui reçoit le feu par une ouverture de laquelle sort une étoupille qui passe par ce trou dans le porte-feu, & qui en sort par le trou du haut, pour entrer dans la gorge de la seconde fusée du second rang.

Il est visible que s’il y avoit trois rangs, on devroit observer la même disposition du second à l’égard du troisieme pour y porter le feu ; mais cet arrangement sur un même plan ne convient point, parce qu’il laisse trop d’intervalle d’une gorge de feu à l’autre ; il vaut mieux que le feu soit continu ou sans une interruption sensible ; c’est pourquoi il est plus à-propos que les rangs soient placés les uns devant les autres, & séparés par des cloisons de bois ou de carton.

Lorsqu’on met plusieurs rangs de fusées, on peut, pour varier le spectacle, teindre les feux de chaque rang de couleurs inégales, dont la lumiere du soleil est susceptible en apparence, par l’interposition des vapeurs de la terre ou des nuées, comme du clair brillant, du rougeâtre, du pâle & du verdâtre, au moyen de la limaille de fer, de cuivre, du charbon de chêne pilé, de la poudre de buis, &c.

Comme il ne convient pas que le centre du soleil, qui est l’espace compris entre les têtes des fusées & celui qu’occupent les longueurs des corps de fusées doubles ou rayons opposés, soit obscur, on y colle un papier huilé qu’on peint de la figure d’un visage d’Apollon attribué au soleil, ou de quelques rayons de feu qu’on éclaire par derriere par le moyen des lampions ou lances à feu un peu éloignées, crainte d’embrasser ce papier. Pour plus de sureté on peut y mettre de la corne ou du verre peint de couleur d’aurore ou jaune, avec des couleurs transparentes, qui n’aient pas assez de corps pour le rendre trop opaque, comme la gomme gutte.