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premier verset qui se présenta dans les pseaumes, fut : Heureux celui que vous avez choisi, il demeurera dans votre temple. On trouva dans saint Paul ces mots : Personne ne peut mettre un autre fondement que celui qui a été posé ; & enfin dans l’évangile ces paroles : C’est sur cette pierre que je bâtirai mon église. Ces témoignages parurent si décisifs en faveur de saint Aignan, qu’ils réunirent pour lui tous les suffrages, & qu’il fut placé aux acclamations de tout le peuple sur le siége d’Orléans.

Les Grecs aussi-bien que les Latins, consultoient les sorts des saints dans les conjonctures critiques ; Cedrenus rapporte, comme nous l’avons dit en parlant des sorts en général, que l’empereur Héraclius après avoir eu de grands avantages sur Cosroez roi des Perses, se trouvant incertain sur le lieu où il prendroit ses quartiers d’hiver, purifia son armée pendant trois jours ; ce sont les termes de l’historien ; qu’ensuite il ouvrit les évangiles, & qu’il trouva qu’ils lui ordonnoient d’aller hiverner en Albanie.

Depuis le huitieme siecle, les exemples de cette pratique deviennent un peu plus rares ; cependant il est certain que cet usage subsista jusque dans le quatorzieme siecle, avec cette seule différence, qu’on ne se préparoit plus à cette consultation par des jeûnes & des prieres, & qu’on n’y joignoit plus cet appareil religieux, que jusqu’alors on avoit cru nécessaire pour engager le ciel à manifester ainsi ses volontés.

L’église tant grecque que latine, conserva sans cesse quelques traces de cet usage. La coutume étoit encore dans le xv. & xvj. siecle quand un évêque étoit élu, que dans la cérémonie de son sacre, immédiatement après qu’on lui avoit mis sur la tête le livre des évangiles, on l’ouvroit au hasard, & le premier verset qui se présentoit, étoit regardé comme un pronostic de ce qu’on avoit à espérer ou à craindre de son caractere, de ses mœurs, de sa conduite, & du bonheur ou du malheur qui lui étoit réservé durant le cours de son épiscopat ; les exemples en sont fréquens dans l’histoire ecclésiastique.

Si l’on en croit un de ses écrivains qui a fait la vie des évêques de Liége, la mort funeste d’Albert évêque de cette ville, lui fut annoncée par ces paroles, que l’archevêque qui le sacroit trouva à l’ouverture du livre des évangiles : Il envoya un de ses gardes avec ordre de lui apporter la tête de Jean ; & ce garde étant entré dans la prison, lui coupa la tête. L’historien ajoute, que ce prélat en fut si frappé, qu’il adressa la parole au nouvel évêque, & lui dit en le regardant avec des yeux baignés de larmes : Mon fils, en vous donnant au service de Dieu, conduisez-vous avec crainte & avec justice, & préparez votre ame à la tentation ; car vous serez un jour martyr. Il fut en effet assassiné par des émissaires de l’empereur Henri VI. & l’Eglise l’honore comme martyr.

On ajoutoit tant de foi à ces sortes de pronostics ; ils formoient un préjugé si favorable ou si desavantageux aux évêques, qu’on les alléguoit dans les occasions les plus importantes, & même dans celles où il étoit question de prononcer sur la canonicité de leur élection.

La même chose se pratiquoit à l’installation des abbés, & même à la réception des chanoines ; cette coutume subsiste encore aujourd’hui dans la cathédrale de Boulogne, dont le diocèse aussi-bien que ceux d’Ypres & de Saint-Omer, a été formé des débris de cette ancienne église, après que la ville de Térouanne eut été détruite par Charles-Quint. Toute la différence qui s’y trouve présentement, c’est qu’à Boulogne, le nouveau chanoine tire les sorts dans le livre des pseaumes, & non dans celui des évangiles. Feu M. de Langle évêque de Boulogne,

peu d’années avant sa mort qui arriva en 1722, rendit une ordonnance qui tendoit à abroger cet usage ; il craignoit avec raison qu’il n’eût quelque chose de superstitieux. Il avoit d’ailleurs remarqué, qu’il arrivoit quelquefois que le verset du pseaume que le hasard offroit au nouveau chanoine, contenoit des imprécations, des reproches, ou des traits odieux, qui devenoient pour lui une espece de note de ridicule, ou même d’infamie. Mais le chapitre qui se prétend exempt de la jurisdiction épiscopale, n’eut point égard à cette ordonnance ; & comme suivant la coutume, on inséroit dans les lettres de prise de possession de chaque chanoine le verset du pseaume qui lui étoit tombé à sa réception, le chapitre résolut seulement, qu’à l’avenir on ajouteroit à ces lettres, qu’on ne faisoit en cela que suivre l’ancienne coutume de l’église de Térouanne.

Quant à la seconde maniere de consulter les sorts des saints, elle étoit comme on l’a dit, beaucoup plus simple, & également connue dans les deux églises grecque & latine. Cette maniere consistoit à regarder comme un bon ou un mauvais augure, ou comme une déclaration de la volonté du ciel, les premieres paroles de la sainte Ecriture, qu’on chantoit à l’église dans le moment qu’on y entroit à cette intention : les exemples en sont très-nombreux.

Saint Cyprien étoit si persuadé que Dieu manifestoit quelquefois ses volontés par cette voie, qu’il y avoit souvent recours ; c’étoit pour ce pere de l’Eglise un heureux présage lorsqu’il trouvoit que les premieres paroles qu’il entendoit en mettant le pié dans l’église, avoient quelque relation avec les choses qui l’occupoient.

Il faut cependant convenir que dans le tems où cet usage de consulter les sorts à venir par l’Ecriture, étoit le plus en vogue, & souvent même accompagné d’un grave appareil d’actes de religion ; on trouve différens conciles qui condamnent en particulier les sorts des saints, & en général toute divination faite par l’inspection des livres sacrés. Le concile de Vannes, par exemple, tenu sous Léon I. dans le v. siecle ; le concile d’Agde assemblé l’an 506 ; les conciles d’Orléans & d’Auxerre, l’un de l’an 511, & l’autre de l’an 595, proscrivent les sorts des saints ; & l’on trouve un capitulaire de Charlemagne publié en l’an 789, qui contient aussi la même défense. Mais les termes dans lesquels ces défenses sont conçues, donnent lieu de croire, que la superstition avoit mêlé une infinité de pratiques magiques dans les sorts des saints, & qu’il ne faut peut-être pas confondre la maniere de les consulter condamnée par ces canons, avec celle qui étoit souvent employée dans les premiers siecles de l’Eglise par des personnes éminentes en piété.

Ce qu’il y a de sûr, c’est que quelques théologiens conviennent en général qu’on ne peut pas excuser les sorts des saints de superstition ; que c’étoit tenter Dieu que de l’interroger ainsi ; que les Ecritures ne contiennent rien dont on puisse conclure, que Dieu ait pris là-dessus aucun engagement avec les hommes, & que cette coutume bien loin d’être autorisée par aucune loi ecclésiastique, a été abrogée dans les tems éclairés ; cependant ces mêmes théologiens oubliant ensuite la solidité des principes qu’ils venoient d’établir, se sont persuadés que dans certaines occasions, plusieurs de ceux qui ont consulté les sorts des saints, y ont été portés par une secrete inspiration du ciel. (D. J.)

SORTA cap, (Géog. mod.) cap de la Méditerranée, sur la côte de Tripoli, en Barbarie, au fond du golphe de Sidra. On prend ce cap pour l’Hippi promontorium des anciens. (D. J.)

SORTE, s. f. (Gram.) nom collectif, qui rassemble sous son acception un certain nombre de choses