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qu’elle ne soit encore embrasée dans son intérieur. Le nom de soufriere lui vient de la grande quantité de soufre que l’on y trouve ; il se sublime naturellement par la chaleur souterreine, & se trouve en si grande abondance, que cet endroit paroît inépuisable.

Le chemin qui conduit au sommet de cette montagne est très-difficile ; on rencontre par-tout des débris de volcans, comme des pierres calcinées, de la pierre-ponce, des sources d’eaux chaudes, de l’alun, &c. Le terrein ressemble à du colcothar, ou au résidu de la distillation du vitriol, étant rouge comme de l’ochre. Lorsqu’on est parvenu à une certaine hauteur on trouve un espace qui peut avoir environ 25 toises de diametre ; l’on n’y voit que du soufre, des cendres & des terres calcinées ; le terrein de cet endroit est rempli de fentes profondes, d’où il sort de la fumée ; l’on entend qu’il se fait un bouillonnement au dessous, & il en sort du soufre qui se sublime & s’attache aux parois de ces fentes & des cavités qui s’y sont formées. On éprouve en cet endroit une odeur de soufre qui ôte la respiration, & l’on voit l’acide sulfureux que la chaleur dégage se condenser en gouttes, & ruisseler comme de l’eau claire. Le terrein est peu solide, & l’on peut y enfoncer des bâtons avec facilité ; & si l’on ne marchoit avec précaution, on courroit risque de s’y abysmer. Cet endroit paroît être le soupirail par où les éruptions de ce volcan se sont faites autrefois. On dit que dans un tremblement de terre, cette montagne se fendit en deux, & vomit un grand nombre de matieres embrasées, & que depuis ce tems on n’a plus éprouvé de tremblement de terre dans l’île. Cette fente a plus de mille piés de profondeur, & plus de 20 piés de largeur. Du côté du nord de cette fente, dans la plaine, est un petit étang dont les eaux sent fortement imprégnées d’alun. On trouve aussi près de cette fente une grotte très-étendue, & qui présente des phénomenes très-dignes d’être remarqués. A l’entrée de cette caverne on éprouve une chaleur modérée ; en montant plus haut par dessus des débris de pierres, on entre dans une seconde grotte où l’on sent que la chaleur augmente, & en montant encore plus haut on parvient à un endroit qui forme une troisieme grotte ; la chaleur y est si considérable, que, suivant le rapport de M. Peyssonel, l’on peut à-peine y respirer, les flambeaux ont beaucoup de peine à brûler, & l’on est bien-tôt trempé de sueur. Au côté gauche de cet endroit la grotte semble continuer ; M. Peyssonel voulant aller plus avant vers ce côté, fat très-surpris d’y trouver de la fraîcheur, de voir que les flambeaux y brûloient très-bien ; en descendant encore plus, il trouva qu’il y faisoit un froid excessif ; revenu de cet endroit, il repassa par la partie chaude de la grotte où il avoit été auparavant, & y éprouva la même difficulté de respirer & la même chaleur que la premiere fois.

On trouve différentes especes de soufre dans la soufriere de la Guadeloupe, il y en a qui ressemble parfaitement à des fleurs de soufre ; d’autre se trouve en masses compactes, & est d’un beau jaune d’or ; enfin l’on en rencontre des morceaux qui sont d’un jaune transparent comme du succin, au point d’y être trompé. Voyez les transactions philosophiques, tom. XLIX, voyez l’article Solfatara. (—)

SOUFROIR, s. m. (ouvrage de Potier.) c’est une petite étuve bien plafonnée en ciment & bien close, pour y blanchir la laine ou la soie par la vapeur du soufre allumé dans une terrine. (D. J.)

SOUFY, Secte des, (Religion persane.) secte ancienne chez les Persans. On en fixe l’origine vers l’an 200 de l’égire. Sheic-Abousaïd, philosophe austere, en fut le fondateur ; c’est une secte toute mystique, & qui ne parle que de révélations, d’unions spirituelles avec Dieu, & d’entier détachement des

choses de la terre. Ils entendent spirituellement tout l’alcoran, & spiritualisent tous les préceptes qui regardent l’extérieur de la religion, excepté pour les jeûnes qu’ils font avec la plus grande austérité. Leur soi & leur doctrine ont été recueillies dans un livre qu’ils ont en vénération, & qu’ils nomment galchendras, c’est-à-dire le parterre des mysteres. Il est vraissemblable que leur théologie mystique a passé d’orient en occident par la voie de l’Afrique, & qu’elle s’est ainsi communiquée d’abord à l’Espagne, ensuite par l’Espagne en Italie, en France & ailleurs. (D. J.)

SOUHAIT, DESIR, s. m. (Synonym.) l’un & l’autre désignent une inquiétude qu’on éprouve pour une chose absente, éloignée, à la quelle on attache une idée de plalsir. Les souhaits se nourrissent d’imagination ; ils doivent être bornés. Les desirs viennent des passions ; ils doivent être modérés. On se repaît de souhaits ; on s’abandonne à ses desirs. Les paresseux s’occupent à faire des souhaits chimériques ; les courtisans se tourmentent par des desirs ambitieux. Les souhaits me semblent plus vagues, & les desirs plus ardens. Quelqu’un disoit qu’il connoissoit plus les souhaits que les desirs, distinction délicate, parce que les souhaits doivent être l’ouvrage de la raison, & que les desirs sont presque toujours une inquiétude aveugle qui naît du temperament.

M. de Saci a dit, mes desirs soupirent vers vous ; c’est mal parler : les desirs ne soupirent point, ce sont eux qui font soupirer. (D. J.)

SOUI, ou SOI, s. m. (Cuisin.) c’est une espece de sauce que les Japonnois préparent, & qui est très recherchée par les peuples de l’Asie, & par les Hollandois qui en apportent de ce pays ; c’est une espece d’extrait ou de suc qui se tire de toute sorte de viandes, & sur-tout des perdrix & du jambon. On y joint du suc de champignons, beaucoup de sel, de poivre, de gingembre, & d’autres épiceries qui lui donnent un goût très-fort, & qui contribuent à empêcher que cette liqueur ne se corrompe. Elle se garde pendant un grand nombre d’années dans des bouteilles bien bouchées, & une petite quantité de cette liqueur mêlée avec les sucs ordinaires, les releve, & leur donne un goût très-agréable. Les Chinois font aussi du soui, mais on regarde celui du Japon comme supérieur ; ce qui vient, dit-on, de ce que les viandes sont beaucoup plus succulentes au Japon qu’à la Chine.

SOUILLAC ou SOULIAC, (Géog. mod.) petite ville de France dans le Quercy, à 3 lieues de Sarlat, sur la Borese, près de la Dordogne, avec une abbaye d’hommes de l’ordre de saint Benoit. Toutes les maisons de cette place ne sont que de bois, & le bas de la ville ne sert que d’écuries ou d’étables. Long. 18. 57. latit. 45. 4. (D. J.)

SOUILLARD, s. m. (Charpent.) piece de bois assemblée sur des pieux, & que l’on pose au-devant des glacis, qui sont entre les piles des ponts de pierre. On en met aussi aux ponts de bois. On appelle encore souillard un petit chassis, que plusieurs font sceller dans les écuries pour contretenir les piliers. (D. J.)

SOUILLE, s. f. (Vénerie.) lieux bourbeux où se veautre le sanglier. Le souil est souvent une marque qui fait reconnoitre sa taille. Fouilloux.

SOUILLER, TACHER, (Gramm. Synon.) ces deux mots désignent la même chose, & forment un même sens ; mais tacher ne s’emploie qu’au propre, & souiller ne se dit guere qu’au figuré ; ainsi l’on dit tacher ses hardes, souiller sa conscience, se tacher de graisse, se souiller de crimes. Souiller est très-beau en poésie.

Lorsque le déshonneur souille l’obéissance,
Les rois doivent douter de leur toute-puissance :
Qui la hazarde alors, n’en sait pas bien user,