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SYRA ; (Géog. anc.) Voyez Syros.

SYRACUSÆ, (Géog. anc.) ville de Sicile, sur la côte orientale de l’île dans le val de Noto. Cette ville autrefois très-grande & très-puissante, & la capitale de l’île, est connue de presque tous les auteurs anciens qui la nomment Syracusæ. Quelques-uns cependant écrivent Συρακούσα, Syracusa, & Diodore de Sicile, liv. XIV. est de ce nombre. Elle conserve encore son ancien nom, un peu corrompu ; car les Siciliens l’appellent présentement Saragusa ou Saragosa, & les François Syracuse. Dans les auteurs grecs, les habitans sont nommés Συρακούσιοι, Syracusii ; & Syracusani dans les auteurs latins. Cependant sur les médailles anciennes, on lit Συρακόσιοι, Syracosii, ce qui est un dialecte différent ; & c’est ce qui fait qu’on lit Συρακόσας, Syracosas, dans Pindare, Pythior. oda ij.

L’origine de cette ville est marquée dans Thucydide, qui nous apprend que l’année d’après la fondation de Naxe, dans la même île, Archias, corinthien, l’un des Héraclides, partit de Corinthe, & fonda Syracuse, après avoir chassé les Siciliens de l’île où il la bâtit. Or comme la ville de Naxe ou Naxus, fut bâtie, selon Diodore de Sicile, la premiere année de la onzieme olympiade, & 448 ans après la guerre de Troie, il s’ensuit que l’époque de la fondation de Syracuse, doit être placée à la seconde année de la même olympiade, & à la 448 année depuis la guerre de Troie.

Si nous en croyons Strabon, liv. VI. pag. 269. Archias, averti par l’oracle de Delphes de choisir la santé ou les richesses, préféra les richesses, & passa en Sicile, où il fonda la ville de Syracuse. Aussi, ajoute-t-il, les habitans de cette ville devinrent-ils si opulens, que quand on parloit d’un homme extrèmement riche, on disoit en maniere de proverbe, qu’il ne possédoit pas la dixieme partie du bien d’un habitant de Syracuse. La fertilité du pays & la commodité de ses ports furent, selon le même auteur, les sources de l’accroissement de cette ville, dont les citoyens, quoique soumis eux-mêmes à des tyrans, devenoient les maîtres des autres peuples ; & lorsqu’ils eurent recouvré leur liberté, ils délivrerent les autres nations du joug des barbares : de-là vient que les Syracusains furent tantôt appellés les princes, tantôt les rois, tantôt les tyrans de la Sicile. Plutarque, in Marcello, & Tite-Live, liv. XXV. remarquent qu’après que les Romains, sous la conduite de Marcellus, eurent pris Syracuse, ils y trouverent autant de richesses que dans la ville de Carthage.

On voit dans Cicéron, in Verrem, liv. IV. une magnifique description de la ville & des ports de Syracuse. On vous a souvent rapporté, dit-il, que Syracuse est la plus grande & la plus belle des villes des Grecs ; tout ce qu’on en publie est vrai. Elle est dans une situation également forte & agréable ; on y peut aborder de toutes parts, soit par terre, soit par mer ; elle a des ports comme renfermés dans ses murailles, pour ainsi dire sous ses yeux ; & ces ports qui ont des entrées différentes, ont une issue commune, où ils se joignent ensemble. Par la jonction de ces ports la partie de Syracuse à laquelle on donne le nom d’île, & qui est séparée du reste par un petit bras de mer, y est jointe par un pont, & ne fait qu’un même corps.

Cette ville est si vaste qu’on peut la dire composée de quatre grandes villes, dont l’une est celle que j’ai dit être appellée l’île, qui ceinte de deux ports, s’avance à l’entrée de l’un & de l’autre. On y voit le palais où logeoit le roi Hiéron, & dont se servent les préteurs. Il y a dans cette ville plusieurs temples ; mais deux sur-tout l’emportent sur les autres, savoir celui de Diane & celui de Minerve. A l’extrémité de cette île est une fontaine d’eau douce, appellée Aré-

thuse, d’une grandeur surprenante, abondante en poisson, & qui seroit couverte des eaux de la mer sans une muraille ou une digue de pierre qui l’en garantit.

La seconde ville qu’on voit à Syracuse, est celle qu’on nomme Acradina, où il y a une place publique d’une très-grande étendue, de très-beaux portiques, un prytanée très-orné, un très-grand édifice où l’on s’assemble pour traiter des affaires publiques, & un fort beau temple de Jupiter olympien. Les autres parties de la ville sont coupées d’une rue large, qui va d’un bout à l’autre, traversée de diverses autres rues, bordées des maisons des particuliers.

La troisieme ville est celle qu’on nomme Tyche, à cause d’un ancien temple de la Fortune, qu’on y voyoit autrefois. On y trouve un lieu très-vaste pour les exercices du corps, & plusieurs temples : cette partie de Syracuse est très peuplée.

Enfin la quatrieme ville est celle qu’on nomme Néapolis, parce qu’elle a été bâtie la premiere. Au haut de cette ville est un fort grand théâtre : outre cela il y a deux beaux temples, l’un de Cérès, l’autre de Proserpine, & la statue d’Apollon téménite, qui est très-belle & très-grande.

Telle est la description que Cicéron donne de Syracuse. Tite-Live, liv. XXIV. & XXV. en décrit la grandeur, la beauté & la force. Plutarque, in Timoleonte ; Pindare, Pyth. oda ij. Théocrite, idyll. xvj. Silius Italicus, liv. XIV. & Florus, liv. II. c. vj. font l’éloge de cette ville. Ausone, dans son poëme des plus illustres villes de l’empire romain, & Silius Italicus, conviennent avec Cicéron, sur le nombre des villes qui composoient Syracuse : mais Strabon, liv. VI. au lieu de quatre villes, en compte cinq qui étoient, ajoute-t-il, renfermées dans une commune enceinte de 180 stades d’étendue ; Tite-Live, Diodore de Sicile & Plutarque, paroissent être du sentiment de Strabon.

En effet, Plutarque, in Marcello, nomme trois de ces villes ; savoir, Acradina, Tyché & Néapolis ; & dans un autre endroit il en nomme deux autres, qui sont Insula & Epipolæ. Diodore de Sicile, dans le XI. liv. connoît trois de ces villes, Achradina, Insula & Tyché ; dans le XVI. liv. Néapolis & Achradina ; & dans le XIV. liv. Epipolæ : de même que Tite-Live, partie dans le XXIV. liv. partie dans le XXV. nomme Epipolæ, Acradina, Tyché, Néapolis, Nassos, qui est le mot grec qui signifie île, mais prononcé selon le dialecte dorique. On ne peut pas douter après cela que Syracuse n’ait été composée de cinq parties, ou de cinq villes. Lorsque les Athéniens en formerent le siege, elle étoit composée de trois parties, qui sont l’Isle, l’Achradine & Tiqué. Thucydide ne parle que de ces trois parties. On y en ajouta deux autres dans la suite, savoir Néapolis & Epipole.

L’Isle située au midi, étoit appellée Nassos & Ortygia ; elle étoit jointe au continent par un pont. C’est dans cette île qu’on bâtit dans la suite le palais des rois & la citadelle. Cette partie de la ville étoit très importante, parce qu’elle pouvoit rendre ceux qui la possédoient maîtres des deux ports qui l’environnent. C’est pour cela que les Romains, quand ils eurent pris Syracuse, ne permirent plus à aucun syracusain de demeurer dans l’île. Il y avoit dans cette île une fontaine célebre, qu’on nommoit Aréthuse. Les Poëtes, fondés sur des raisons qui sont sans aucune vraissemblance, ont supposé que l’Alphée, fleuve d’Elide dans le Péloponnèse, conduisoit ses eaux à-travers ou sous les flots de la mer, sans jamais s’y mêler jusqu’à la fontaine d’Aréthuse. C’est ce qui a donné lieu à ces vers de Virgile, éclog. x.

Extremum hunc, Arethusa, mihi concede laborem,