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même le syphon seroit interrompu, c’est-à-dire, quand même les branches AD & FB, (figure 4.) seroient jointes ensemble par un tube plus gros & rempli d’air.

Il y a certains syphons qui s’étant arrêtés dans le vuide, recommencent à couler d’eux-mêmes quand on les remet à l’air libre. Ce sont ceux qui ont un des petits diametres, comme d’un tiers de ligne ; remis à l’air libre, après s’être arrêtés dans le vuide, ils se remettent d’eux-mêmes en mouvement. Pour connoître la force qui produit cet effet, il faut faire les observations suivantes. Quand ces syphons sont d’abord en mouvement, ils ne rendent l’eau que goutte à goutte, & par des intervalles d’environ deux secondes, au lieu que les autres d’un plus grand diametre la rendent par filets continus d’un diametre égal à celui de la seconde branche. Cette différence vient de ce que les syphons sont menus, & en général les tuyaux capillaires sont pleins d’eau : dès qu’ils sont mouillés dans leur surface intérieure, une goutte d’eau qui mouille un petit endroit de cette sur face, se joint à la goutte d’eau qui est vis-à-vis d’elle, & s’y joint par une certaine viscosité que les Physiciens reconnoissent dans l’eau. Quand ces syphons sont à l’air libre, & qu’ils sont une fois mouillés par l’eau qui y a passé, il faut pour continuer leur mouvement, que la pesanteur de l’air, outre le poids qu’elle a à élever, en surmonte encore la viscosité ; ce qui ne se fait que par une certaine quantité d’eau amassée, & par conséquent avec un certain tems ; & de-là vient que ces syphons ne coulent que goutte à goutte, & par reprises. Chaque goutte qui sort tombe en partie, parce qu’elle est poussée par le poids des gouttes supérieures. Lorsqu’on met ces syphons dans le vuide, non seulement la pesanteur de l’air agit toujours de moins en moins, & enfin n’agit plus, mais encore l’air contenu dans l’eau s’étend, parce qu’il n’est plus pressé par l’air extérieur ; il se dégage de dedans l’eau, & forme de grosses bulles, qui interrompent la suite des gouttes d’eau dont les deux branches étoient mouillées & remplies, & celles qui sont à l’extrémité de la seconde, n’ont plus assez de poids, & ne sont plus assez pressées par les autres pour tomber. Si on remet les syphons à l’air libre, l’air qui s’étoit étendu est obligé de reprendre son premier volume ; les gouttes d’eau qu’il ne tient plus séparées retombent, les supérieures sur les inférieures, & le syphon recommence à couler tant qu’il est mouillé, mais toujours goutte à goutte, & toujours plus lentement, & ne cesse point que la seconde branche ne soit seche, au-moins jusqu’à un certain point. Il suit de cette explication, que si de l’eau étoit renfermée sans air dans ces interstices, un syphon capillaire continueroit de couler dans le vuide, tant qu’il seroit mouillé. Aussi est-ce ce que M. Homberg a éprouvé avec de l’eau purgée d’air, soit parce qu’on l’avoit bien fait bouillir, ou parce qu’elle avoit été mise dans la machine pneumatique ; & ce phénomene qui paroît d’abord si contraire au système de la pesanteur de l’air, s’y accorde cependant parfaitement, & est même une suite nécessaire du ressort de l’air bandé par sa pesanteur. Il est aisé de prévoir que si pour l’expérience des syphons capillaires, on employe des liqueurs qui contiennent plus d’air, ou de l’air qui se dégage plus facilement ; telles que sont les liqueurs fermentées, les syphons s’arrêteront plutôt dans le vuide. De même tout le reste étant égal, ils doivent s’arrêter plutôt en hiver qu’en été ; car en hiver l’air est plus disposé à se dégager, puisque dans les liqueurs qui se sont gelées tout est semé par grosses bulles. On jugera aussi par cette expérience, que les liqueurs grasses comme l’huile ou le lait, contiennent moins d’air, ou de l’air plus engagé ; car avec ces liqueurs les syphons ne s’arrêtent point dans le

vuide dans quelque tems que ce soit. Hist. de l’acad. année 1714. p. 108. & suiv. article de M. Formey.

Voici une difficulté que propose Reiselius contre la théorie des syphons. Ce savant fait voir que l’eau s’écoule par un syphon dont les deux branches E, C, (fig. 5. hydraul.) sont égales ; si la branche E, par exemple, est plongée dans un vase plein d’eau, M. Musschenbroek, §. 1375, de son Essai de physique, explique cette expérience, & remarque que si on y fait attention, le syphon cesse d’avoir ses branches égales, lorsque l’on présente l’eau à l’ouverture E. (O)

Si on prend un syphon dont les jambes soient égales ou inégales, tant en hauteur qu’en grosseur, & qu’on place ce syphon de maniere que les deux ouvertures A, C, soient en-haut, & la partie B en-bas, qu’ensuite on remplisse ce syphon d’un fluide, comme d’eau, ce fluide se mettra à la même hauteur dans les deux branches, quelques inégales qu’elles soient.

Si on met dans les deux branches deux différens fluides, par exemple du mercure dans l’une, & de l’eau dans l’autre, l’eau s’élevera beaucoup plus haut que le mercure, & la hauteur de la colonne d’eau sera à celle du mercure, comme la pesanteur du mercure est à celle de l’eau. Voyez Fluide.

Si on verse d’abord du mercure dans un syphon, ensorte qu’il s’y mette de niveau, & qu’on verse ensuite de l’eau par une des branches, ensorte qu’elle tombe sur le mercure, cette eau repoussera le mercure peu-à-peu, & l’obligera de monter dans l’autre branche ; & lorsqu’on aura versé assez d’eau pour que le mercure passe tout entier dans l’autre branche, l’eau se glissera dans cette seconde branche entre les parois du verre & le mercure, & une partie de cette eau viendra se mettre au-dessus du mercure, qui occupera toujours la partie inférieure de la branche, & se trouvera, pour ainsi dire, alors entre deux eaux.

Syphon de Wirtemberg, (Hydraul.) c’est un syphon à deux jambes égales, un peu courbées par-dessous ; dans lequel syphon, 1°. les ouvertures de ses deux branches étant mises de niveau, l’eau montoit par l’une, & descendoit par l’autre : 2°. les ouvertures ne se remplissant d’eau qu’en partie, ou même à-demi, l’eau ne laissoit pas que de monter : 3°. quoique le syphon demeurât à sec pendant long-tems, il pouvoit également produire le même effet : 4°. l’une des ouvertures quelle qu’elle fût étant ouverte, & l’autre demeurant fermée pendant quelques heures, puis étant ouverte, l’eau couloit comme à l’ordinaire : 5°. l’eau montoit ou descendoit indifféremment par l’une ou l’autre des deux branches : 6°. chaque branche avoit la hauteur de 20 piés, & étoit éloignée de 18 piés l’une de l’autre.

Jean Jordan bourgeois de Stutgard, inventa ce syphon, que Fréderic Charles, duc de Wirtemberg, regarda comme une merveille, & dont Salomon Reisel son médecin, publia par son ordre quelques-uns des effets en 1684. A cette nouvelle, la société royale de Londres chargea M. Dionis Papin de tâcher de développer le principe de cette machine hydraulique ; & ce savant méchanicien non seulement le découvrit, mais il exécuta un syphon qui avoit toutes les propriétés de celui de Wirtemberg, & dont il donna une description fort claire dans ses Transact. philos. ann. 1685. n°. 167. On ne douta point alors que ce savant n’eût découvert toute la méchanique du syphon de Jordan. Reisel lui-même confirma cette conjecture ; car comme il vit que le secret du syphon d’Allemagne étoit connu, il n’hésita plus de le rendre public, dans un ouvrage intitulé Sypho Wirtermbergicus, per majora experimenta firmatus. Stutgardiæ, 1690. in-4°. (D. J.)

SYPILE, (Géog. anc.) Voyez Sipyle.