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mérique septentrionale, dans la nouvelle Espagne, au gouvernement de même nom, dans la baie de Campèche. C’est la riviere la plus remarquable de toutes celles qui y ont leur embouchure. Elle prend sa source sur les hautes montagnes de Chiapo, & après s’être grossie d’autres rivieres, elle court dans la mer par une bouche qui a près de deux milles de large ; c’est là que cette riviere abonde en veaux marins, qui trouvent de bonne pâture dans plusieurs de ses criques. Le veau marin d’eau douce n’est pas aussi gros que le veau marin qui vit dans la mer, mais il a la même figure & le même goût. (D. J.)

TABATIERE, s. f. en terme de Bijoutier, sont des boëtes d’or, enrichies de pierres fines ou fausses ; il y en a de toute espece, unies, gravées, ciselées, incrustées, émaillées, tournées, &c. quarrées, rondes, à huit pans, à contour, à bouge, à doussine, en peloton, &c. L’on ne finiroit pas si l’on vouloit nommer tous les noms qu’on a donnés à la tabatiere d’or. Il suffit de dire en général que l’on les a tirés des choses naturelles & communes, auxquelles elles ressemblent, comme artichaux, poires, oignons, navettes, &c.

Tabatiere plaine, en terme de Bijoutier, est une boëte dont le corps est massif d’or, & enrichie de diverses manieres, selon le goût du public & de l’ouvrier.

La partie la plus difficile à faire dans une tabatiere d’or ou d’argent, ou montée en l’un ou l’autre de ces métaux, c’est la charniere : voici comment on l’exécutera. Il faut d’abord préparer le fil de charniere. Pour cet effet, on prend un brin de fil d’or ou d’argent, quarré ou rond, qu’on applatit partout excepté à son extrémité, à l’épaisseur d’un quart de ligne, ou à peu près, selon la force dont on veut la charniere ; il faut que l’épaisseur de la partie soit bien égale : l’on roule cette partie applatie, selon sa longueur, sur un fil de fer ou de cuivre rond, & on la passe à la filiere. Cette opération assemble & applique exactement les deux bords de la lame l’un contre l’autre, détruit la cavité & alonge le fil. On tire à la filiere, jusqu’à ce que le trou soit du diametre qu’on desire ; & quand il y est, on a un fil d’acier tiré, bien poli, que l’on introduit dans le trou, & l’on remet le tout ensemble dans la filiere : cette seconde opération applique les parties intérieures de la charniere contre le fil, & diminue son épaisseur sans diminuer le diametre. On a soin de graisser le fil d’acier avant de l’introduire, avec du suif ou de la cire. On tire jusqu’à un trou marqué de la filiere. On retire le fil d’acier, & comment ? Pour cet effet, on passe son extrémité dans un trou juste de son diametre de la filiere. Alors l’épaisseur du fil de charniere se trouve appuyée contre la filiere ; on prend les tenailles du banc, & on tire le fil d’acier qui vient seul. Ou bien on prend le bout du fil d’acier dans un étau à main : on passe le fil de charniere dans un trou plus grand que son diametre. On prend la pointe resserrée du fil de charniere avec la tenaille du banc, & on tire. Il arrive assez souvent que le fil d’acier se casse dans le fil de charniere, alors on coupe le fil de charniere par le milieu ; on fait ensorte que dans la coupure ou entaille puisse être reçu un fil de fer : on le tord autour ; & on passe & repasse le tout dans une filiere, plus grande que le fil de charniere, mais moindre que le fil de charniere avec le fil de fer mis dans la coupure, & on tire. Quand le fil d’acier est tiré de la charniere, on la passe dans son calibre, dont la différence des ouvertures n’étant pas perceptible à la vue, l’entrée est marquée. Il y a très-peu de différence entre le trou de la filiere, & le trou du calibre ; c’est pour cela qu’on a marqué le trou de la filiere. On tire la charniere plusieurs fois par le calibre, afin qu’il puisse y rentrer plus aisément ; & le fil de charniere est fini :

c’est de ce fil qu’on fait des charnons.

Les charnons sont des bouts de fil de charniere. Pour avoir des charnons on commence par couper le fil de charniere par bouts d’un pouce & demi ou deux pouces de longueur. On ébarbe un des bouts, & on le présente dans le calibre du côté de son entrée ; après l’avoir passé, on a un morceau de bois, dans lequel on place le calibre à moitié de son épaisseur. On fait entrer dans le calibre le fil de charniere avec un maillet, jusqu’à ce qu’il soit à ras du trou de sortie, & un peu au delà. On a une lame de couteau, taillée en scie, qu’on appelle scie à charnon, avec laquelle on coupe le bout de charniere excédant à ras du trou d’entrée. On lime ensuite les deux faces avec une lime douce. Il faut que le calibre soit trempé dans toute sa dureté, afin que les limes ne mordent pas sur ces faces. Cela fait, on fraise les deux entrées du trou du charnon ; puis avec un outil appellé repoussoir, voyez Repoussoir, on fait sortir le charnon, & on le repare. On a une pointe conique, qu’on fait entrer avec force dans le charnon, pour en écarter l’assemblage & l’appercevoir. Il faut observer que la matiere dont on a tiré le fil de charniere, est crud & non recuit, afin de lui conserver son élasticité.

On a un burin, & afin de ne plus perdre de vue l’assemblage que la pointe a fait paroître, on tire un trait de burin dans toute sa longueur, mais qu’on rend plus sensible sur les extrémités. Puis on barre ce trait avec la lime, ou l’on y fait de petites tranchées perpendiculaires ; puis avec le burin, on emporte un peu de la vive-arrête du trou libre, car la pointe est toujours dans le charnon ; puis on ébarbe le bord extérieur, puis on change la pointe de trou, & l’on en fait autant à l’autre bout : pour lors le charnon est prêt à lier, & à former la charniere.

Il faut avoir les porte-charnieres. Les porte-charnieres sont deux parallélipipedes soudés que les Artistes appellent quarrés, que l’on met appliqués l’un au-dessus, & l’autre à la cuvette : celui qui tient à la cuvette est quelque peu profilé. Il faut que les surfaces de ces parallélipipedes s’appliquent l’une contre l’autre, sans se deborder par dehors. Quand cela est fait, on divise la circonférence du charnon en trois parties égales. On prend la moitié de la corde du tiers, & l’on trace la coulisse sur toute la longueur des quarrés, prenant sur la hauteur de chaque porte-charnieres la moitié de la corde du tiers, & sur la profondeur, les deux tiers du diametre. Il est évident que quand les charnons seront fixés dans les coulisses, la boëte s’ouvrira d’un angle de 120 degrés. Il est évident que voilà les vive-arrêtes des coulisses déterminées.

Après cela, je fais sur ces traits qui déterminent les vive-arrêtes, autant de traits de paralleles qui servent de tenons aux précédens ; car il est évident que quand on fera la coulisse, les premiers traits disparoîtront. Pour faire les cent quatre-vingt coulisses, on commence par enlever les angles ; pour évider le reste, on a des échopes à coulisses. Ce sont des especes de burins qui ont la courbure même du charnon sur leur partie tranchante. On enleve avec cet outil la matiere, & l’on acheve la coulisse ; pour la dresser on a des limes à coulisses. Ce sont des limes cylindres, rondes, du diametre de la coulisse, ou un peu plus petit, afin que le charnon ne porte que sur les bords de la coulisse. Avant que de souder les charnons, on s’assure que la coulisse est droite au fond par le moyen d’une petite regle tranchante, que l’on pose par-tout, & sur toute la longueur. Il faut que le nombre des charnons soit impair, afin que les charnons des deux bouts qu’on laisse plus longs que les autres, à discrétion, soient tous deux soudés en-haut. On enfile tous les charnons dans un fil de fer, on pose les deux coulisses l’une sur l’autre, & on y place les