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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/835

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rabaisser de quelques piés en-dessus. Ceci se doit faire au printems ; & la tonte ordinaire après la premiere seve, dans le commencement de Juillet.

Taille ou élagage des avenues & des allées. L’usage est pour les avenues & les grandes allées de laisser monter les arbres tant que leur vigueur peut y fournir. La grande élevation en fait la principale beauté. Quant aux allées de médiocre étendue, on se détermine quelquefois à les arrêter par le haut pour les faire garnir, pour leur donner plus de régularité, ou plutôt pour ménager les vues des bâtimens qu’elles avoisinent : mais le point principal est de donner aux avenues & aux allées la forme d’un berceau, soit à une hauteur moyenne, soit à une grande élevation, suivant la nature de l’arbre & la qualité du terrein. On ne peut y parvenir avec succès qu’en s’y prenant de bonne heure, afin de n’être pas obligé de supprimer de grosses branches qui laissent du vuide, ou dont le retranchement endommage souvent les arbres. Pendant les 3 ou 4 premieres années de la plantation, on ne doit s’attacher qu’à retrancher les rejettons inutiles, à simplifier la tête des arbres, & à diriger les maîtresses branches qui peuvent garnir la ligne, ou qui doivent prendre de l’élevation. Après ce tems on fera tous les ans au printems une tonte au croissant des branches qui prennent leur direction, soit en-dedans de l’allée, soit en-dehors ; d’abord à environ un demi-pié du tronc des arbres. Ensuite on se relâche peu-à-peu de cette précision, afin d’éviter le chiffonnage des branches. Le but doit être ici de former une sorte de pallissade sur de 8 à 10 piés d’élevation. On fera bien de ne discontinuer ce soin de culture que quand la plantation aura 20 ans. C’est le tems où les arbres auront pris leur force ; on pourra leur permettre alors d’étendre leurs branches supérieures pour faire du couvert, & il suffira d’y donner un coup de main tous les trois ans pour entretenir les premieres dispositions, & donner faveur à tout ce qui peut procurer de l’ombre & former un aspect agréable.

Taille des arbres toujours verds. On doit pour cette culture distinguer spécialement les arbres résineux qui demandent plus de précaution que les autres arbres toujours verds, pour les retranchemens qu’on est obligé de faire, soit dans leur premiere éducation, ou lorsqu’on veut leur donner une forme réguliere à mesure qu’il avancent en âge. Si l’on veut leur faire une tête, il ne faut couper les branches que peu-à-peu, & avoir attention de laisser sur l’arbre plus de rameaux que l’on n’en retranche ; & comme la plûpart de ces arbres résineux par la régularité de leur croissance poussent plusieurs branches rassemblées au-tour de la tige dans un même point circulaire, ensorte qu’elles se touchent à leur insertion ; il ne faut supprimer ces branches qu’alternativement. Parce que si on les ôtoit toutes à la-fois, cela formeroit une plaie au-tour de la tige, d’où il résulteroit le même inconvenient, que si on avoit enlevé une zone d’écorce, & on sait le tort que cette opération fait à un arbre. Une autre observation importante, c’est que les arbres résineux qui ont été coupés au pié à quelqu’âge que ce soit, ne repoussent presque jamais, à-moins qu’il ne soit resté à leur pié quelques rameaux de verdure ; encore cela souffre-t-il des exceptions. Mais il n’y a nul risque à les étêter légerement, si ce n’est de mettre en retard leur accroissement, parce que la plus vive des branches voisines de la coupure se dresse naturellement. Du reste on peut tailler & tondre ces arbres, & les restreindre à la régularité autant que l’on veut, pourvu que l’on ne retranche que partie des rameaux, & qu’il en reste plus sur l’arbre que l’on n’en aura enlevé ; exception faite des arbres résineux, les autres toujours verds se conduisent pour la taille ou la tonte, comme ceux qui quittent leurs feuilles. Le mois

de septembre est le moment le plus propre à cette opération pour tous les arbres verds. Alors leur seve n’est plus en mouvement, les plaies ont le tems de s’affermir avant l’hiver, & on les dispose pour cette saison, qui est celle de leur agrément.

Récépage & élagage des semis de bois. Le récépage est l’opération la plus profitable dont on puisse faire usage pour accélerer l’accroissement des jeunes semis. On ne peut même guere s’en dispenser, que quand le semis a été fait dans un excellent terrein, ou que si c’est dans un sol de médiocre qualité, on a contribué au succès par des soins de culture. Mais si dans un terrein quelconque les jeunes plants se trouvent foibles, languissans, de basse venue, même dépérissant, comme il arrive quelquefois, il faut les réceper au-bout de quatre à cinq ans ; c’est l’unique moyen de les remettre en vigueur, & d’exciter leur accroissement de façon que la plûpart poussent dès la premiere année des rejettons aussi élevés qu’étoient les tiges récepées. Si après cette premiere opération on apperçoit encore quelque langueur, il faudra la recommencer au-bout de quatre ans. C’est encore un expédient propre à remédier au fléau d’une forte grêle, au dégât des grands hivers, & aux dégradations du bétail. Mais on peut mettre en question s’il est utile d’élaguer les semis de bois. Cette sorte de culture, encore peu mise en usage, n’a pas non-plus montré de grands succès jusqu’à présent. On retarde les jeunes arbres en leur retranchant des branches entieres ; il faudroit donc les conduire comme les plans des pépinieres, ce qui n’est pas plus proposable qu’une culture complette.

Avantages & inconveniens de la taille. On tire avantage de la taille lorsqu’elle a été faite avec ménagement, qu’elle a été suivie avec exactitude, & qu’elle a été appliquée avec intelligence. Ce soin de culture accélere la jouissance, prolonge la durée & constitue l’agrément sous toutes les différentes formes dont les arbres sont susceptibles. C’est le plus grand moyen qu’on puisse employer pour remettre en vigueur les arbres languissans, pour donner de la force à ceux qui se chiffonnent & s’arrêtent dans des terreins de mauvaise qualité, pour hâter le progrès de tous les arbres en général, & leur faire prendre des belles tiges. Il peut résulter au-contraire les plus grands inconvéniens d’une taille forcée, ou négligée, ou mal entendue. Par une taille forcée on entend le retranchement qui a été fait tout-à-la-fois de plusieurs branches entieres sur un même arbre. Cette culture mal-adroite & précipitée affoiblit l’arbre, amaigrit la tige & retarde considérablement sa croissance. Une taille négligée peut quelquefois se reparer sous une main habile ; mais quand elle a été mal appliquée. il est bien plus difficile d’y remédier. Article de M. Daubenton, subdélégué.

Nous allons ajouter à ces généralités, le précis sur la nouvelle taille des arbres, suivant la méthode de Montreuil, proche de Vincennes, par le sieur abbé Roger Schabot. Ce précis est extrait de l’ouvrage que cet auteur est sur le point de donner au public, qui a pour titre la théorie & la pratique du Jardinage, d’après la physique des végétaux.

I. M. de la Quintinie parlant de la taille des arbres, dit, tout le monde coupe, mais peu savent tailler. La taille des arbres est contre nature. Ils ne furent point faits originairement pour être troublés & arrêtés dans leur action de végéter, & par conséquent pour être coupés, tailladés, racourcis, élagués, ébottés & tourmentés en mille & mille maniere. Ces opérations toujours douloureuses pour eux dans un sens, & ces incisions dérangent à coup sûr, & troublent l’ordre & le mécanisme de leurs parties organiques ; elles dérangent aussi la circulation & le mouvement de la seve, à qui on fait prendre un cours tout opposé à celui