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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 15.djvu/837

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griffes, qui leur servent de racines, entrent dans la peau de l’arbre & la sucent. De plus ces petites plantes, qui ne manquent point de pulluler & de s’étendre, empêchent la respiration & la transpiration, aussi nécessaire aux arbres qu’à tous les corps vivans. L’humidité encore que ces sortes de plantes qui durant les hivers, & sur-tout lors des gelées, retiennent les pluies & autres influences de l’air semblables, attendrissent la peau & la pourrissent, y causent des chancres, & morfondent la seve en passant. Il faut donc détruire de tels ennemis des végétaux. On ne dit rien ici sur la maniere d’émousser, & sur le tems propre à cette operation. On ne parle pas non-plus de toutes les différentes especes de mousses, on dit seulement ici qu’il en est une que personne n’apperçoit, & que par conséquent on ne se met point en devoir d’ôter. Elle est comme une sorte de galle qui se fait voir sur les arbres, laquelle est d’un verd un peu plus jaunâtre que la mousse ordinaire, mais qui est mince & platte, éparse de côté & d’autre en forme de taches de place en place, & qui cause également du dommage aux arbres. Toutes les différentes sortes de mousses ont encore plus lieu dans les endroits aquatiques qu’ailleurs.

Les vieilles gommes. On entend par vieilles gommes sur les arbres à noyau, non celles qui fluent d’ordinaire durant le tems de la végétation, mais de ces mêmes gommes qui, pour n’avoir point été enlevées alors, se sont séchées, & par leur séjour sur les branches les ont cariées, & y ont formé des chancres.

C’est donc au tems de la taille qu’il faut travailler à débarrasser les arbres de ces gommes carriantes, & à guérir les chancres produits par elle. Voici comme on y procede.

Il faut durant ou après un tems mou, quand ces gommes sont délayées, les enlever avec la pointe de la serpette, plonger même jusqu’au fond de la plaie, pour n’en point laisser du tout ; puis avec un chiffon ou un linge, un torchon, bien nettoyer la place. Si les plaies sont considérables, il faut recourir à l’emplâtre d’onguent S. Fiacre, autrement la carie gagne toujours, & la branche meurt. Ces gommes font sur les branches le même effet que la gangrenne dans les parties du corps humain.

Les chancres. Ils ont tous différentes causes, mais ils sont dans le fond les mêmes. Ceux dont je viens de parler dans les fruits à noyau par la gomme, se guérissent ainsi que je viens de le dire. Quant aux autres qui arrivent par différens accidens, soit internes, soit externes, tels que sont les fractures, les contusions, les écorchures, &c. auxquels on n’a point remédié, ou les autres qui viennent du dedans & du vice de la seve, ou de caducité & de vieillesse, ou de défaut de bonne constitution dans les arbres, de même que de la part des racines gâtées, pourries & gangrenées, se traitent de différentes façons qu’il seroit trop long de rapporter ici. Mais il est quantité de petits chancres disséminés de toutes parts sur la peau des arbres, à la tige & aux branches, que personne n’apperçoit, & qui peu à peu se multiplient & s’étendent au point que s’en ensuivent la stérilité & la mortalité des arbres. Ce sont de petites taches noirâtres & livides, plus ou moins étendues, & sous lesquelles la peau n’est plus vivante, ou est jaune au lieu d’être verdâtre, comme dans les endroits sains des arbres. Qu’on leve la superficie de cette peau & on la verra seche. Ces petits chancres doivent être enlevés comme les grands, à peu de différence près.

Vieilles plaies non recouvertes & desséchées. C’est aussi à la taille qu’on doit s’appliquer à guérir ces sortes de plaies : voici ce que c’est.

On a coupé anciennement de grosses branches, & on les a laissées sans y rien mettre. Le hâle après

qu’on a fait ces sortes de coupes, les gelées durant l’hiver, les humidités, les givres, les brouillards ont transpiré entre l’écorce & le bois ; le soleil a ensuite desséché & en a séparé les parties, le bois ou la partie ligneuse de la branche s’est ouvert : de plus des millions d’animaux, comme punaises, fourmis, pucerons, vers, chenilles, araignées, perceoreilles, mouches & moucherons, limaçons, lisettes, coupebourgeons, papillons de toutes especes, cloportes, &c. se sont cantonnés dans ces fentes & ces ouvertures ; entre la peau & la partie ligneuse, ils y ont déposé leurs œufs, & y ont fait leurs progénitures ; nombre d’entr’eux ont avec leurs pinces sucé & rongé les endroits qui étoient impregnés de seve, au moyen de quoi ces plaies n’ont pu se recouvrir. La mortalité de ces branches coupées, sans y avoir appliqué l’emplâtre d’onguent S. Fiacre pour prévenir tous ces accidens funestes, a toujours gagné.

Ces sortes de vieilles plaies non recouvertes se traitent de la sorte. Avec la scie à main on coupe jusqu’au vif, puis avec la serpette on unit, après quoi l’emplâtre d’onguent S. Fiacre. On parle ici des arbres qui donnent encore suffisamment des signes de vigueur, & non de ceux où il n’y a point de remede.

Les faux bois. On nomme ainsi certaines branches qui ne poussent point d’aucun œil ou bouton, mais de l’écorce directement, à-travers laquelle la seve perce & se fait jour en produisant un rameau verdoyant. Communément parlant, ces sortes de branches ne sont point fructueuses, ou ne le deviennent qu’après un très-long-tems. On ne taille dessus que dans la nécessité, faute d’autres. Ces branches pullulent à tous les arbres mal taillés & mal dirigés, & à proportion qu’on décharge trop un arbre, à proportion il en produit davantage quand il est vigoureux. Ces branches sont d’ordinaire bien nourries, & gourmandes la plupart du tems. En voici en passant une raison. Quand on taille trop un arbre qui regorge de seve, on lui ôte les récipiens, les vases & les reservoirs de cette même seve, & comme elle est abondante, & qu’il faut qu’elle se loge quelque part, les racines en fournissant davantage qu’il n’y a de reservoirs pour l’y recevoir, elle s’en fait de nouveaux à la place de ceux qu’on lui ôte ; aussi n’y a-t-il que les arbres fort vigoureux qui sont taillés trop court, parmi les arbres de fruits à pepin sur-tout, qui produisent de ces faux bois. On ôte ces derniers quand on taille, & il s’en produit une foule de nouveaux à la saison suivante. Remarquez que les arbres qui ne sont point vifs, ou qui sont malades, ne produisent que peu de faux bourgeons, ou de fort petits ; on en sent la raison.

Ces faux bourgeons se traitent différemment, mais à la taille communément tous les jardiniers les abbattent, & les arbres en fourmillent à la pousse suivante. Le remede & le secret pour n’en point avoir, ou pour en avoir moins, est de donner d’abord aux arbres qui en produisent une taille plus longue & plus multiple, en taillant également sur un plus grand nombre de branches qu’on ne faisoit : ensuite au lieu de couper ces faux bois, il faut les casser à environ un demi-pouce tout près des sous yeux. Ceci ne regarde que les arbres à pepin. L’effet de ce cassement, dont il sera amplement parlé dans l’ouvrage promis au public, est de donner par le moyen de ces sous yeux près desquels on a cassé, ou des lambourdes, ou des brindilles, ou des boutons à fruit pour l’année suivante. Dans l’ouvrage dont on parle, on rend une raison physique de cet effet qui est immanquable.

Branches chifonnes ou branches folles. Les branches appellées chifonnes ou folles, ont une double origine ; ou elles croissent naturellement, faute de vigueur