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tablissoit l’aisance & les consommations. Un trait décisif achevera de donner une idée des avantages que le roi en retireroit ; l’imposition de 1718, avec les arrérages des cinq années précédentes, fut acquittée dans douze mois, sans frais ni discussion. Par un excès le plus capable peut-être de dégrader l’humanité, le bonheur commun fit des mécontens de tous ceux dont la prospérité dépend de la misere d’autrui. C’est alors que le peuple en gémissant s’écrie, si le Prince étoit servi comme nous l’aimons !

Depuis ce tems on a essayé d’introduire la même nature d’imposition en diverses provinces du royaume ; mais elle n’a point réussi dans les campagnes, parce qu’on l’a dénaturée en voulant imposer le fermier à raison de son industrie particuliere, au-lieu de l’imposer uniquement à raison de l’occupation du fonds : dès-lors l’arbitraire continue ses ravages, éteint toute émulation, & tient la culture dans l’état languissant où nous la voyons. C’étoit précisément sur cette répartition plus juste des tailles que se fondoient les plus grandes espérances pour l’avenir ; parce qu’on voyoit clairement qu’augmenter l’aisance du peuple, c’est augmenter les revenus du prince. Considérat. sur les finances. Voyez Taille. (D. J.)

Taille aux quatre cas, est une taille seigneuriale que dans certains lieux les seigneurs ont droit de lever sur leurs hommes taillables en quatre cas différens.

On l’appelle taille aux quatre cas, parce qu’elle se leve communément dans quatre cas qui sont les plus usités ; savoir, pour voyage d’outre-mer du seigneur, pour marier ses filles, pour sa rançon quand il est fait prisonnier, & pour faire son fils chevalier.

Quelques coutumes n’admettent que trois cas.

Dans les pays de droit écrit, cette taille est perçue en certains lieux dans sept ou huit cas, selon que les seigneurs ont été plus ou moins attentifs à étendre ce droit par leurs fermiers. Les barons de Neuf-Châtel en Suisse la levoient dans un cinquieme cas ; savoir, pour acheter de nouvelles terres.

En pays coutumier, ce droit ne se leve ordinairement qu’en vertu d’un titre ; les coutumes qui l’admettent sont celles d’Anjou & Maine, Normandie, Bretagne, Auvergne, Bourbonnois, Bourgogne, Lodunois, Poitou, Tours. Les trois premieres ne reconnoissent que trois cas, les autres en admettent quatre.

Dans la coutume de Bourgogne ce droit est appellé aide, en Normandie, aide-chevel ; en Poitou & ailleurs, loyaux-aides ; en Anjou & Maine, doublage ; en Bourbonnois, quête ou taille aux quatre cas ; en Forez, droit de muage ; en d’autres lieux, droit de complaisance, coutumes volontaires.

L’origine de ce droit est fort ancienne. Quelques uns la tirent des Romains, chez lesquels les cliens étoient obligés d’aider leurs patrons lorsque ceux-ci manquoient d’argent, & qu’il s’agissoit de se rédimer eux ou leurs fils de captivité, ou de marier leurs filles.

D’autres rapportent cet usage au tems de l’institution des fiefs.

Quoi qu’il en soit, il paroît qu’au commencement cette taille ne consistoit qu’en dons & présens volontaires que les vassaux & tenanciers faisoient à leurs seigneurs dans des cas où il avoit besoin de secours extraordinaires, que les seigneurs ont depuis tourné en obligation & en droit.

Cette taille extraordinaire est différente de la taille à volonté, à miséricorde & à merci, qui sont aussi des tailles seigneuriales, mais qui ne se levent que sur les serfs, à la différence de la taille aux quatre cas, qui est aussi due par les vassaux & autres tenanciers non main-mortables.

Le cas de chevalerie étoit autrefois lorsque l’on

recevoit la ceinture ou le baudrier ; présentement c’est lorsque l’on reçoit le collier de l’ordre du Saint-Esprit, qui est le premier ordre du roi.

Le cas de rançon n’a lieu que quand le seigneur est pris prisonnier portant les armes pour le service du roi.

Quand les titres ne fixent pas la quotité de la taille aux quatre cas, l’usage est de doubler les cens & rentes des emphitéotes, c’est pourquoi quelques coutumes appellent ce droit doublage.

Cette taille est différente de la taille à volonté, qui est annuelle & ordinaire.

Chaque seigneur ne peut la lever qu’une fois en sa vie dans chacun des cas dont on a parlé ; encore les voyages d’outre-mer n’ont-ils plus lieu, ni les cas de rançon, vû que le service militaire ne se fait plus pour les fiefs, si ce n’est en cas de convocation du ban & de l’arriere-ban ; mais dans ce cas même les prisonniers de guerre ne payent plus eux-mêmes leur rançon.

A l’égard du cas de mariage, quelques coutumes ne donnent la taille que pour le premier mariage de la fille aînée, d’autres pour le premier mariage de chaque fille.

Les coutumes qui admettent cette taille sont celles de Normandie, Bretagne, Auvergne, Bourbonnois, Bourgogne, Anjou, Maine, Lodunois, Poitou, Tours ; elles ne reconnoissent en général que quatre cas, Anjou & Maine n’en admettent même que trois.

Dans les pays de droit écrit on en admet un plus grand nombre, ce qui dépend de la jurisprudence de chaque parlement.

En général la quotité de cette taille, & les cas où elle peut-être perçue, descendent des titres & de l’usage, lesquels ne doivent point recevoir d’extension, ces droits étant peu favorables.

Ce droit est pourtant imprescriptible parce qu’il est de pure faculté, à-moins qu’il n’y eût eu refus & contradiction de la part du taillable, auquel cas la prescription courroit seulement du jour de la contradiction. Voyez Cujas, liv. II. de fundis, tit. 7. Dolive, liv. II. ch. vij. Lapeirere, let. T, n°. 8. Despeisses, tom. III. tit. 6. sect. 1. Salvaing, des fiefs, ch. xljx. (A)

Taille raisonnable ou a volonté raisonnable. Voyez Taille a merci, a plaisir & a volonté.

Taille réelle, est celle qui est dûe par les héritages taillables, abstraction faite de la qualité du propriétaire, soit qu’il soit noble ou non.

Les héritages sujets à la taille réelle sont les biens roturiers, il n’y a d’exempts que les héritages nobles.

Le clergé & la noblesse, & autres privilégiés, payent la taille réelle pour les héritages roturiers ; elle est établie en Languedoc, Guyenne, Provence & Dauphiné.

Taille serve, est celle qui ne se leve que sur les personnes de condition serve & qui les rend mortaillables ou mainmortables. Voyez Mainmorte, Mortaille, Taille franche, & les coutumes de Bourbonnois, art. 189. & la Marche, art. 69. & 132.

Taille tarifée, est la même chose que la taille proportionnelle.

Taille a volonté ou a discretion, a merci ou a misericorde, ad beneplacitum, c’est une taille serve que le seigneur leve annuellement sur ses hommes ; on l’appelle taille à volonté, non pas que le seigneur soit le maître de la lever autant de fois que bon lui semble, mais parce-que dans l’origine le seigneur faisoit son rôle aussi fort & aussi léger qu’il le vouloit ; présentement il se fait arbitrio boni viri, & selon la possibilité. Voyez la Peyrere, lettre T. n. 8.

L’historique de cette imposition est court, mais