Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’embarrasser, & de charger l’estomac de ceux à qui on le donne.

Les terres méchaniques sont celles que l’on emploie dans différens arts & métiers, telles sont les terres colorées dont on se sert dans la peinture, les terres à potier, les terres à foulon, les terres à pipes, les terres à porcelaine, &c.

On a encore donné différentes dénominations aux terres, selon les noms de différens endroits dont on les fait venir, c’est ainsi qu’on a appellé la terre de Lemnos, terre cimolée, terre de Cologne, &c.

Quoi qu’il en soit de ces différentes divisions & dénominations de terres, il est certain que le regne minéral ne nous en offre point qui soient parfaitement pures, elles sont toujours mélangées de plus ou moins de substances étrangeres qui sont la cause de leurs couleurs, de leur saveur & des autres qualités que l’on y découvre. Les végétaux, les animaux & les minéraux se décomposent sans cesse à l’aide du mouvement, les eaux se chargent de molécules qui en ont été détachées, & elles vont porter ces molécules à la terre, qui par-là devient impure & mélangée. L’air lui-même est chargé de particules salines, volatiles & inflammables, qu’il doit nécessairement communiquer aux terres qu’il touche & qu’il environne, c’est donc un être de raison qu’une terre parfaitement pure. (—)

Terres des îles Antilles, (Minéralogie.) toutes les différentes terres dont le sol des îles Antilles est composé, sont tellement remplies de particules métalliques, qu’on pourroit les regarder en général comme des terres minérales. Mais si on les considere avec attention, il sera aisé de les distinguer en terres purement minérales, servant, pour ainsi dire, de matrice à la formation des minéraux & en terres accidentellement minérales, c’est-à-dire que les minéraux tous formés s’y trouvent mêlés & confondus par des causes étrangeres ; ce que l’on peut attribuer aux bouleversemens occasionnés par les tremblemens de terre, aux pluies abondantes, & aux torrens grossis qui se précipitant du haut des montagnes inondent le fond des vallées, délayent les terres & y déposent les particules minérales entraînées par la force du courant. D’après cette distinction, il se forme naturellement deux classes. La premiere comprend toutes les especes de terres bitumineuses & sulphureuses, les terres vitrioliques, les alumineuses, celles même qui contiennent du sel marin, les ochres rouges & jaunes hauts en couleur, & généralement toutes les terres de substance métallique.

Dans la seconde classe sont les terres meubles, propres à la culture, les différentes sortes d’argilles, comme les glaises, les terres à potier, les marnes, les terres bolaires & les especes de craie. Les sables peuvent être compris dans cette seconde classe, étant plus ou moins mêles de substances minérales, & de particules métalliques ferrugineuses, toutes formées & attirables par l’aimant, ainsi que j’ai éprouvé plusieurs fois.

Selon la nature de ces terres, on y trouve beaucoup de roches & de pierres détachées, composées des mêmes substances, mais plus atténuées & mieux liées, sans cependant être moins apparentes au coup-d’œil.

Les terres des îles Antilles propres à la culture sont de différentes couleurs, on en voit de grises mêlées de petites pierres ponces, comme il s’en trouve beaucoup aux quartiers du fort S. Pierre, du Corbet, du Prêcheur & de la basse-pointe à la Martinique ; les terres rouges du morne des casseaux à la Capsterre de la même île, étant lavées par les pluies, présentent à l’œil une multitude de paillettes noires, très-brillantes, qui ne sont autre chose que du fer tout formé & attirable par l’aimant. Les mornes rouges & de

Cambala en l’île de la Grenade contiennent beaucoup d’une pareille terre, mais dont les paillettes sont moins apparentes ; cette espece ne manque pas à la Guadeloupe ; elle durcit beaucoup en se séchant, & se divise en grosses masses presque parallélépipedes, ou à-peu-près cubiques, lorsqu’elle a été étendue par couches de l’épaisseur d’un pié.

La plûpart des terres jaunâtres contiennent du gravier, on y trouve quelquefois des marcassites brillantes, qui, étant poussées au feu, se dissipent en fumées sulphureuses.

Certaines terres brunes mêlées de jaune, contiennent beaucoup de fer ; on en voit de cette espece en l’île de la Grenade, au quartier des sauteurs, près de Levera, chez le sieur Louis le jeune, au pié d’un gros rocher, dont les éclats brillent comme de l’acier poli. Ce fer est aigre, & entre difficilement en fusion ; il a besoin de beaucoup de substances calcaires pour le désoufrer.

Les terres blanchâtres, seches, se réduisent facilement en poussiere, & sont moins propres à la culture que les précédentes. Les meilleures de toutes sont les terres brunes, moyennement grasses, & celles qui ne sont pas d’un noir trop foncé ; on en trouve beaucoup de cette sorte, tant à la Martinique qu’à la Guadaloupe, à Ste Lucie, à S. Vincent, à la Grenade, & dans presque toutes les îles un peu considérables.

Plusieurs cantons fournissent de la terre propre à blanchir le sucre. C’est une argille semblable à celle de Rouen dont on fait des pipes ; elle est blanche, & ne fait point effervescence avec les acides. Voyez les remarques à la fin de l’article Sucre.

Près de la riviere de l’Ayon, à la Dominique, au côté du vent, on trouve dans les falaises une terre grise, blanchâtre, mêlée de paillettes brillantes qui se dissipent au feu : cette terre contient beaucoup de fer & un peu de cuivre ; quelques particuliers prétendent qu’il se trouve des mines d’argent aux environs.

Les terres à potier & celles dont on peut faire de la brique, sont assez communes dans plusieurs endroits des îles.

Aux environs de la riviere Simon, près de la grande riviere en l’île de la Grenade, on trouve sur le bord de la mer un sable noir très-brillant & fort pesant. Celui de l’Ance-noire, à la basse terre de la même île, est un peu moins éclatant ; mais il tient, ainsi que le précédent, beaucoup de fer attirable par l’aimant ; il y a lieu de présumer qu’on pourroit y trouver de l’or, en le travaillant selon l’art.

On rencontre dans plusieurs montagnes de la Martinique & ailleurs des petits amas d’une terre, couleur de cendre blanchâtre, fine, compacte, en consistance de pierre, ayant quelque rapport à la marne, mais plus dure ; elle se broye & craque entre les dents, sans être sablonneuse ni pâteuse, à-peu-près comme de la terre à pipe cuite ; les negres la nomment taoüa ; ils la mangent avec une sorte d’appétit qui dégénere en passion si violente, qu’ils ne peuvent se vaincre : malgré les dangers auxquels l’usage de cette terre les expose, ils perdent le goût des choses saines, deviennent boufis, & périssent en peu de tems. On a vu plusieurs hommes blancs possédés de la manie du taoüa ; & j’ai connu des jeunes filles en qui le desir, si naturel à leur sexe de conserver ses graces, se trouvoit anéanti par l’appétit de ce funeste poison, dont un des moindres effets est de détruire l’embonpoint & de défigurer les traits du visage.

Le remede le plus efficace qu’on ait trouvé jusqu’à présent est de faire prendre au malade deux ou trois cuillerées d’huile de ricinus ou palma-christi, nouvellement tirée à froid ; on en continue l’usage tous les matins pendant plusieurs jours, jusqu’à ce