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une sorte de terre avec laquelle on blanchit le sucre, pour en faire de la cassonade blanche. Celle qu’on emploie aux îles françoises de l’Amérique, vient de France, particulierement de Rouen, de Nantes & de Bourdeaux. Il s’en trouve aussi à la Guadaloupe. Savary. (D. J.)

Terre du Japon, (Botan. exot.) terra japonica, Voyez Cachou.

Terre, Terroir, Terreau, Terrein, Territoire, (Synonym.) terre se dit de la terre en général ; la terre nourrit tous les animaux.

Terroir se dit de la terre, entant qu’elle produit des fruits ; un bon, un mauvais terroir.

Terreau, se dit d’un fumier bien consommé & réduit en terre ; on fait des couches de terreau pour y élever des salades, des melons, des légumes.

Terrein se dit en général d’une espace de terre considéré par rapport à quelque ouvrage qu’on y pourroit faire. Il faut ménager le terrein. On dit dans le même sens, en terme de manege, ce cheval garde bien son terrein.

Territoire est l’espace dans lequel s’exerce un district, une jurisdiction ; un territoire fort étendu. (D. J.)

Terre, (Critiq. sacrée.) γῆ, χθών ; ce mot signifie 1°. l’élément terrestre qui nous soutient. 2°. la matiere qui fut créée au commencement, Gen. j. 3°. tout ce qui est contenu dans le globe terrestre, Ps. xxiij. 1. 4°. les hommes qui l’habitent, Gen. vj. 11. 5°. un lieu particulier : Bethléem, terre de Juda. 6°. les fruits de la terre ; les sauterelles dévoreront la terre ; 7°. le tombeau, Job. x. 22. 8°. la terre des vivans : c’est la Judée au propre, & au figuré, le séjour des bienheureux. (D. J.)

Terre, (Mythol.) il y a eu peu de nations payennes qui n’aient personifie la Terre, & qui ne lui aient rendu un culte religieux. Les Egyptiens, les Syriens, les Phrygiens, les Scythes, les Grecs & les Romains ont adoré la Terre, & l’ont mise avec le ciel & les astres au nombre des plus anciennes divinités. C’est que dans les premiers tems tous les cultes se rapportoient à des êtres matériels, & que l’on croyoit alors que les astres, la Terre & la mer étoient les causes de tout le bien & le mal qui arrivoient dans le monde.

Hésiode dit que la Terre naquit immédiatement après le chaos : qu’elle épousa le ciel, & qu’elle fut mere des dieux & des géans, des biens & des maux des vertus & des vices. On lui fait aussi épouser le tartare, & le pont ou la mer, qui lui firent produire tous les monstres que renferment ces deux élémens, c’est-à-dire, que les anciens prenoient la Terre pour la nature ou la mere universelle des choses, celle qui crée & nourrit tous les êtres ; c’est pourquoi on l’appelloit communément la grande mere, magna mater. Elle avoit plusieurs autres noms, Titée ou Titéia, Ops, Tellus, Vesta, & même Cybelle ; car on a souvent confondu la Terre avec Cybille.

Les philosophes les plus éclairés du paganisme croyoient que notre ame étoit une portion de la nature divine, divinæ particulam auræ, dit Horace. Le plus grand nombre s’imaginoit que l’homme étoit né de la Terre imbibée d’eau & échauffée par les rayons du soleil. Ovide a compris l’une & l’autre opinion dans ces beaux vers où il dit que l’homme fut formé, soit que l’auteur de la nature l’eût composé de cette semence divine qui lui est propre, ou de ce germe renfermé dans le sein de la Terre, lorsqu’elle fut séparée du ciel.

Pausanias parlant d’un géant indien d’une taille extraordinaire, ajoute : « si dans les premiers tems la Terre encore toute humide venant à être échauffée par les rayons du soleil, a produit les premiers hommes, quelle partie de la Terre fut jamais plus

propre à produire des hommes d’une grandeur extraordinaire, que les Indes, qui encore aujourd’hui engendrent des animaux tels que les éléphans ?»

Il est souvent parlé dans la Mythologie des enfans de la Terre ; en général lorsqu’on ne connoissoit pas l’origine d’un homme célebre, c’étoit un fils de la Terre, c’est-à-dire, qu’il étoit né dans le pays, mais qu’on ignoroit ses parens.

La Terre eut des temples, des autels, des sacrifices ; on la nommoit Omniparens ; on sait ce beau vers de Lucrece,

Omniparens eadem rerum commune sepulcrum.

A Sparte il y avoit un temple de la Terre qu’on nommoit Gasepton, je ne sais pourquoi. A Athènes on sacrifioit à la Terre, comme à une divinité qui présidoit aux noces. En Achaïe, sur le fleuve Crathis, étoit un temple célebre de la Terre qu’on appelloit la déesse au large sein, Εὐρὺ στέρνον ; sa statue étoit de bois. On nommoit pour sa prêtresse une femme qui dès ce moment étoit obligée de garder la chasteté, encore falloit-il qu’elle n’eût été mariée qu’une fois ; & pour s’assurer de la vérité, on lui faisoit subir l’épreuve de boire du sang de taureau : si elle étoit coupable de parjure, ce sang devenoit pour elle un poison mortel.

Les Romains firent bâtir leur premier temple à la déesse Tellus, ou la Terre l’an de Rome 268 ; mais les historiens ne nous apprennent point quelle figure on donnoit à la déesse ; il y avoit plusieurs attributs de Cybelle qui ne lui convenoient que par rapport à la Terre, comme le lion couché & apprivoisé, pour nous apprendre qu’il n’est point de terre si stérile & si sauvage, qui ne puisse être bonifiée par la culture. Le tambour, symbole du globe de la terre : les tours sur la tête, pour représenter les villes semées sur la surface de la terre.

Avant qu’Apollon fût en possession de l’oracle de Delphes, c’étoit la Terre qui y rendoit ses oracles, & qui les prononçoit elle-même, dit Pausanias ; mais elle étoit en tout de moitié avec Neptune. Daphné, l’une des nymphes de la montagne, fut choisie par la déesse Tellus pour présider à l’oracle. Dans la suite Tellus céda tous ses droits à Thémis sur Delphes, & celle-ci à Apollon. (D. J.)

Terre la, (Géog. mod.) ce mot, en géographie, a plusieurs significations qu’il est bon de distinguer. 1°. Il signifie cette masse composée sur laquelle nous vivons, & en ce sens la terre est la même chose que le globe terrestre ou terraquée ; on y comprend toutes les eaux dont sa surface est couverte.

2°. Il signifie la partie de cette masse qui par l’agriculture devient plus ou moins fertile, & dans ce sens on ne comprend point les mers.

3°. Il se prend aussi pour l’étendue d’un état, d’un pays, d’une domination. On dit en ce sens terre de France, terre de l’Empire.

4°. Chez les mariniers, le mot terre a différens sens, & entr’autres celui de rivage. Ils appellent terre embrumée un rivage que les brouillards couvrent : terre défigurée, celle qu’on ne peut bien reconnoître à cause de quelques nuages qui la déguisent : terre fine, celle que l’on découvre clairement & sans obstacle : grosse terre, un rivage haut, élevé : terre qui fuit, celle qui faisant un coude, s’éloigne de la route que fait le vaisseau : terre qui se donne la main, celle que l’on voit de suite, sans qu’elle soit coupée par aucun golfe, ni aucune baie : terre qui asseche, une terre que la mer fait voir après qu’elle s’est retirée. Ils appellent terre de beurre, un nuage à l’horizon qu’on prend pour la terre, & que le soleil dissipe ; on dit, aller terre-à-terre, pour dire naviger le long des côtes, & prendre terre, pour dire aborder.

Enfin il y a des pays d’une grande étendue que l’on appelle terre en géographie, comme la terre sainte,