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opération, ainsi que la préparation des matieres, paroît avoir été la même que celle de nos travaux en fayence & en porcelaine. Voici comme M. le comte de Caylus pense que se faisoit cette opération.

Il a remarqué deux sortes de terre dans leurs différens ouvrages, l’une blanche, & l’autre noire. Il est vrai que cette derniere ne se trouve pas employée aussi fréquemment que la premiere. Plus on examine ces ouvrages, & plus on voit, dit-il, qu’ils ont été reparés avec le plus grand soin, avant que d’être mis au feu. Ces morceaux ainsi préparés, ont été cuits très légérement, pour faire ce que nous nommons le biscuit, sur lequel on met ensuite la couverte ou l’émail. Si l’on appliquoit cette couverte sur les morceaux avant que de les cuire, elle pénétreroit la terre, ou plutôt elle s’incorporeroit dans ses pores, & il seroit très-difficile de la bien enlever, comme la chose étoit nécessaire dans la pratique des plus beaux ouvrages de ce genre.

Cette couverte placée en tout autre tems, auroit empêché d’exécuter avec une aussi grande délicatesse d’outil, les desseins dont les ouvrages de terre cuite des anciens, sont ornés. La terre étant cuite est moins inégale & plus dense, & la couverte ne s’attache que médiocrement, lorsqu’elle n’a reçu qu’un feu léger ; alors il est aisé de l’enlever, ou plutôt de la découper, sans qu’elle laisse la trace la plus légere.

Cette couverte étoit faite avec une terre bolaire très-martiale, la même que celle que nous employons dans notre fayence, connue sous le nom de manganeze ou maganesia vitriariorum. Cette terre prend aussi dans la cuite une couleur rouge très-foncée ; mais qu’il est facile de rendre noire avec la moindre mixtion de couleur, ou d’autres terres. Cette matiere a dû être préparée & broyée parfaitement, pour la mettre en état de s’étendre, & de couler au pinceau comme les émaux. Mais avant que de mettre cette couleur noire, les Etrusques avoient soin de tremper leurs ouvrages, ou de leur donner une couleur rougeâtre, claire & fort approchante de celle de notre terre cuite. Ils prenoient cette précaution pour corriger la teinte naturelle & blanchâtre de leur terre, qui ne produisoit pas l’effet qu’ils aimoient à voir dans leurs plus beaux ouvrages. L’examen de plusieurs morceaux étrusques suffira pour faire sentir aux curieux ces différences, & connoître à fond les détails.

Les terres se trouvant ainsi préparées, voici l’opération la plus essentielle pour la maniere de les orner. Quand la couverte noire ou rouge étoit seche, le peintre, ou plutôt le dessinateur, devoit nécessairement calquer ou poncer son dessein ; & selon l’usage de ce tems, il n’a pu se servir pour y parvenir, que de lames de cuivre très-minces, susceptibles de tous les contours, & découpées comme l’on fait aujourd’hui ces mêmes lames pour imprimer les lettres & les ornemens.

Il prenoit ensuite un outil fort tranchant, avec lequel il étoit maître de faire ce qu’on appelle de réserve, les traits les plus deliés ; car il emportoit & ôtoit la couverte noire sur tout ce qui devoit être clair : on ne peut mieux comparer cette manœuvre qu’à celle de notre gravure en bois. Alors la couleur rouge se distinguoit, & faisoit voir fort nettement les figures, les ornemens & tout ce qu’on avoit entrepris de représenter. La seule inspection de la plus grande partie de ces terres, démontre ces sortes d’opérations. Enfin ces ouvrages étant parvenus à ce point, on leur donnoit la seconde cuite, un peu plus forte que la premiere.

Il est bon de remarquer que tous les ouvrages de terre cuite des anciens, ne sont pas fabriqués avec le même soin. On en trouve dont la terre blanchâtre souvent mal cuite, n’a pas reçu la premiere couleur rou-

ge. Il y en a d’autres dont la terre est bien cuite & bien

travaillée, & qui ne sont recouverts que par la couleur rouge, qui forme ou le fond, ou les ornemens ; & ces morceaux paroissent les moins communs. Toutes les couleurs noires ne sont pas également belles. Il y en a qui sont ternes & sans aucun éclat, & d’autres qui par leur mat & leur poli, imitent en quelque façon l’émail de nos porcelaines.

La couleur blanche qu’ils mettoient toujours avec le pinceau sur les fonds, comme sur les espaces découverts, n’a aucune tenue. C’est une espece de terre de Crete, qui n’est pas comparable pour la solidité, aux couleurs dont on vient de parler ; & c’est pour cela sans doute, qu’ils l’emploient avec tant de ménagement, & le plus souvent pour des parties de coëffures, de brasselets & de réveillons dans les ornemens.

Enfin on ne peut douter que pour conserver la propreté & l’exactitude de leurs ouvrages, ils ne se soient servis de ce que nous appellons des gazettes, c’est-à-dire des pots couverts, dans lesquels on fait cuire aujourd’hui les morceaux à l’abri de tout air extérieur. L’on ne connoissoit alors rien de plus parfait que cette terre cuite ; & l’on employoit pour la mettre en œuvre les mains des plus fameux artistes. Antiq. étrusq. tom. I. (D. J.)

Terre de Bellievre, s. f. (Glaces.) on nomme ainsi dans les manufactures des glaces, la terre avec laquelle on construit le dedans & le glacis des fours. Savary. (D. J.)

Terre a terre, (Danse.) on applique ce terme aux danseurs qui ne font point de caprioles, & qui ne quittent presque point la terre.

Terre a terre, se dit aussi en termes de Manege, des chevaux qui ne font ni courbettes, ni balotades, mais qui vont uniment sur le terrein un galop serré, en faisant seulement de petits sauts, & en levant un peu les piés de devant.

Le terre à terre est proprement une suite de petits sauts aisés que le cheval fait en avant, en maniant de côté & sur deux allures ; dans ce mouvement il leve les deux jambes à la fois, & quand celles-ci sont sur le point de donner en terre, il les accompagne des jambes de derriere, par une cadence prompte & courte, maniant toujours sur les hanches, de sorte que les mouvemens des quartiers de derriere sont extrémement courts & vifs.

Terre d’ombre, s. f. (Peinture.) espece de terre ou de pierre fort brune, qui sert aux Peintres & aux Gantiers. Il y en a de deux sortes ; l’une d’une couleur minime tirant sur le rouge, & l’autre seulement grise. La premiere est la meilleure ; l’une & l’autre vient du Levant, & particulierement d’Egypte : il faut la choisir tendre & en gros morceaux. Avant que de broyer la terre d’ombre, soit pour peindre, soit pour mettre des gants en couleur, il faut la brûler, ce qui la rend plus rougeâtre, & par conséquent de meilleure qualité ; mais en la brûlant il faut en éviter la fumée qui est nuisible & puante. Il y a encore une espece de terre d’ombre, qu’on appelle terre de Cologne ; mais elle est beaucoup plus brune que l’autre : son nom apprend d’où on la tire. Il faut la choisir tendre, friable, bien nette & sans menu. Savary. (D. J.)

Terres réanimées, s. f. pl. (Salpétrerie.) Les Salpétriers appellent ainsi des terres qui ont servi dans des cuviers qu’on fait sécher, & qu’on arrose ensuite à plusieurs reprises avec les écumes & les rappurages, les eaux meres ou ameres, que l’on a détrempées auparavant dans l’eau, afin que les terres s’humectent plus facilement. Les terres amendées peuvent toujours servir à l’infini ; de sorte qu’au moyen de ces terres on ne peut jamais manquer de salpêtre. (D. J.)

Terre a sucre, s. f. (Sucrerie.) on nomme ainsi