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il est à-propos de mettre cette boule dans un potit tas de neige mêlée de sel : ou si cet instrument se fait pendant l’été, on met la boule dans de l’eau de source impregnée de salpêtre, afin que l’esprit de vin étant extrèmement condensé, on puisse voir à quel point il s’abaissera dans le plus fort de la gelée.

Si l’esprit-de-vin monte à une trop grande hauteur au-dessus de la boule, il faut en ôter une partie ; & afin que le tuyau ne soit pas excessivement long, il est à-propos de mettre la boule, remplie de son esprit-de-vin, dans de l’eau bouillante, & de marquer le point le plus éloigné où monte pour-lors l’esprit-de-vin.

C’est à ce point que le tuyau doit être fermé hermétiquement par la flamme d’une lampe ; & des deux côtés du tuyau on applique une échelle comme aux autres thermometres.

L’esprit-de-vin étant susceptible d’une raréfaction & d’une condensation considérables, il se dilate à mesure qu’augmente la chaleur de l’air qui l’environne, & par conséquent il monte dans le tuyau ; de même à mesure que diminue la chaleur de l’air, l’esprit-de-vin descend dans le tuyau, & l’on voit sur l’échelle de combien de degrés il a monté ou descendu d’un jour à l’autre.

Si on n’a pas soin de faire sortir de la liqueur tout l’air qu’elle contient, ce qui est extrèmement difficile, il faut laisser de l’air dans la partie supérieure du tube. Car autrement si elle se trouve sans air, la liqueur ne manquera pas de se séparer en divers endroits à cause de l’air qui se trouve dans les interstices de ses parties. Or si on laisse de l’air dans la partie supérieure du tube, cet air produit un autre inconvénient ; car en vertu de sa pesanteur il doit tendre en en-bas, & empêcher par conséquent la liqueur de monter ; ou si la liqueur monte, elle doit comprimer l’air, & augmenter par conséquent son élasticité.

Comme l’expérience a fait connoître qu’un moindre degré de chaleur se communique plus aisément à l’esprit-de-vin qui est dans la boule, que ne fait un plus grand degré de chaleur, les rarefactions de l’esprit-de-vin ne sont pas proportionnelles aux causes qui les produisent.

Il paroît donc que le thermometre de Florence, quoiqu’il soit fort en usage, ne donne rien moins qu’une mesure exacte du froid & du chaud. A quoi l’on peut ajouter ce que dit le docteur Halley dans les Transactions philosophiques, savoir, qu’il a appris de ceux qui avoient gardé long-tems de l’esprit-de-vin, que cette liqueur perd à la longue une partie de sa vertu expansive.

De plus le verre n’est pas moins dilaté par la chaleur que la liqueur, & le froid les condense l’un & l’autre ; par conséquent lorsque la liqueur est chaude elle ne monte pas si haut qu’elle monteroit, si la boule & le tube avoient toujours la même capacité. Par la même raison la liqueur descend moins lorsqu’elle est froide, qu’elle ne feroit si le verre ne se condensoit pas. On ne peut donc savoir au juste quel est l’effet de la chaleur sur la liqueur seule. C’est ce qu’on remarque fort sensiblement quand on vient à plonger un thermometre dans une liqueur très-froide ou très bouillante ; car dans le premier cas la liqueur commence par monter, parce que le verre est condensé avant la liqueur, & quand la condensation parvient jusqu’à la liqueur elle redescend ; dans le second cas, par une raison contraire, la liqueur commence par baisser à cause de la dilatation du verre, & elle remonte ensuite.

Un autre défaut considérable de ce thermometre & des autres, c’est que ces thermometres ne peuvent point être comparés entr’eux. A la vérité ils marquent les différens degrés de chaud & de froid, mais chacun

ne les marque que pour lui-même & à sa façon particuliere. De plus ils ne partent point de quelque point fixe de chaleur ou de froid, & c’est encore un défaut commun à tous les thermometres. Il en est de ces instrumens comme de deux pendules, qui pour n’avoir point été réglées d’abord sur l’heure du soleil, marqueront à la vérité qu’il y a une, deux, ou plusieurs heures de passées, mais ne marqueront point l’heure précise du jour ou du soleil. D’ailleurs quand la liqueur a monté d’un degré dans deux thermometres différens, nous ne pouvons pas être assurés que tous les deux ayent reçu la même impression d’une chaleur égale & additionnelle, puisqu’il se peut faire que l’esprit-de-vin ne soit pas le même dans l’un & dans l’autre, & qu’à proportion que cet esprit est plus ou moins rectifié, il montera plus ou moins dans le tuyau par le même degré de chaleur.

Ce n’est pas encore tout, car en réglant les degrés des thermometres, on juge de l’égalité de l’élévation de l’esprit-de-vin par l’égalité de la longueur du tuyau, en supposant que les diametres du tuyau sont égaux dans toute sa longueur, ce qui arrive très-rarement ; mais il y a tant d’irrégularités dans l’intérieur, qu’une certaine longueur de tuyau demande quelquefois pour être remplie, le double de liqueur qu’il faut pour emplir un autre tube de même longueur & de même diametre ; ce qui ne vient que des inégalités d’épaisseur des parois des tuyaux & des éminences & cavités qui se trouvent toujours aux surfaces intérieures, mais sur-tout de ce qu’ils sont presque toujours plus épais à une des extrémités qu’ils ne le sont à l’autre.

C’est pour cela que les comparaisons des thermometres sont si défectueuses & si difficiles à faire ; cependant ce qu’il y a de plus curieux & de plus intéressant dans l’usage des thermometres, c’est le résultat de ces comparaisons ; car c’est par ce moyen que l’on peut connoître le degré de chaud ou de froid d’une autre saison, d’une autre année, d’un autre climat, & quel est le degré de chaud ou de froid que peuvent supporter les hommes & les animaux.

M. de Réaumur a inventé un thermometre nouveau, & qu’il assure être exempt des défauts ci-dessus mentionnés. La principale propriété de ce thermometre est de servir à comparer les différens degrés de chaleur à des mesures connues, comme la dilatation & la condensation d’une liqueur quelconque, telle que l’esprit-de-vin.

Pour connoître les degrés de dilatation ou de condensation de l’esprit-de-vin, il ne s’agit que de mesurer l’accroissement ou la diminution de son volume, par rapport au volume qu’il avoit dans un certain état dont on est convenu. M. de Réaumur prend pour cet état celui de la liqueur quand elle est environnée d’eau qui commence à se glacer, ou plutôt de neige ou de glace pilée qui commence à se fondre. M. de Réaumur commence par graduer le tuyau en y versant de l’eau & du vif-argent, au moyen de différentes petites mesures qu’il assure être très-exactes ; ensuite il vuide le tuyau, & le remplit d’esprit-de-vin jusqu’à environ un tiers de la longueur au-dessus de la boule : alors il plonge la boule dans la glace, la liqueur descend jusqu’à un certain endroit où elle demeure stationnaire ; & l’on ajoute ou l’on ôte ce qu’il faut d’esprit-de-vin pour que le terme de la congélation soit précisément à l’endroit qui marque 1000 parties. Quand le point de la congélation est ainsi déterminé, on chasse le peu d’air qu’il y a dans le tuyau, & on le scelle hermétiquement. Ensuite on écrit d’un côté 0 au point de la congélation, & au-dessus les nombres 1, 2, 3, 4, &c. qui doivent exprimer les degrés de chaleur ; de-même au-dessous en allant vers la boule, on écrit 1, 2, 3, 4, &c. qui marque les degrés de froid. De l’autre côté du tuyau, vis-à-vis 0, on écrit 1000, & tant au-dessous qu’au-