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sorte que suivant cette étymologie, le thermometre devroit être un thermoscope plus exact & plus parfait que les thermoscopes ordinaires. M. Wolf, regarde tous les thermometres qui sont en usage, comme de simples thermoscopes, prétendant qu’il n’y en a pas un seul qui mesure, à proprement parler, les changemens de froid & de chaud, & qu’ils ne font qu’indiquer ces changemens, & qu’ainsi quoique les différentes hauteurs où ils montent d’un jour à l’autre, marquent une différence de chaleur, cependant comme elles ne marquent point la proportion qu’il y a de la chaleur d’hier à celle d’aujourd’hui, on ne peut pas à la rigueur leur donner le nom de thermometres.

On trouve dans le journal intitulé, acta erudit. Lips. une méthode pour régler l’échelle des thermometres communs, de sorte que leurs divisions inégales répondent à des degrés égaux de chaleur, au moyen de quoi la proportion qu’il y a de la chaleur d’aujourd’hui à celle d’hier, peut être mesurée, & par conséquent un thermoscope peut être porté à la perfection d’un thermometre.

Cette méthode est d’un physicien nommé Renaldinus, & les éditeurs de Léipsic l’ont rendue en ces termes. Prenez un tuyau de verre mince, d’environ quatre palmes de long, avec une boule attachée aubas ; versez-y autant d’esprit-de-vin qu’il en faut pour emplir exactement la boule pendant qu’elle est environnée de glace ; dans cet état, fermez hermétiquement l’orifice du tuyau, & prenez six vaisseaux qui puissent contenir chacun une livre d’eau, ou quelque chose de plus ; dans le premier versez onze onces d’eau froide, dans le second dix onces, dans le troisieme neuf, &c. cela fait, enfoncez le thermometre dans le premier vaisseau, & versez-y une once d’eau chaude, en remarquant à quelle hauteur l’esprit-de-vin monte dans le tuyau, & en marquant ce point de hauteur par le chiffre 1 ; ensuite plongez le thermometre dans le second vaisseau, où vous verserez deux onces d’eau chaude, & marquerez le point où monte l’esprit-de-vin par le chiffre 2 ; en continuant cette opération jusqu’à ce que toute la livre d’eau soit dépensée, l’instrument se trouvera divisé en douze parties, qui marqueront autant de termes ou degrés de chaleur ; de sorte qu’au n°. 2. la chaleur est double par rapport à celle du n°. 1. au n°. 3. elle est triple, &c.

M. Wolf fait voir que cette méthode est défectueuse & fondée sur des suppositions fausses : car elle suppose qu’une once d’eau chaude mise sur onze onces d’eau froide, nous donne un degré de chaleur ; deux onces d’eau chaude, sur dix d’eau froide, deux degrés, &c. elle suppose qu’un simple degré de chaleur agit sur l’esprit-de-vin qui est dans la boule, par une puissance simple ; un degré double, par une puissance double, &c. enfin elle suppose que si l’effet qui se produit ici par l’eau chaude, se produit dans le thermometre par la chaleur de l’air qui l’environne, l’air a le même degré de chaleur que l’eau.

Mais il n’y a aucune de ces suppositions qui soit vraie : car à l’égard de la premiere, quand on accorderoit que la chaleur de l’eau chaude étant distribuée également dans l’eau froide, il se trouvera pour lors un degré de chaleur distribué également dans les onze parties de l’eau froide ; deux degrés dans les dix ; trois dans les neuf, &c. la chaleur ne sera point double dans l’une, triple dans une autre, quadruple dans une troisieme, &c.

La premiere supposition est donc erronée ; la seconde ne l’est pas moins ; car la chaleur de l’eau chaude ne se distribue point également par toute l’eau froide, & la chaleur de l’eau chaude n’agit point d’une maniere uniforme sur l’esprit-de-vin ; c’est-à-dire qu’elle ne conserve pas la même force pendant tout le tems de son action.

Pour ce qui est de la troisieme supposition, la chaleur de l’air qui environne le thermometre, agit non seulement sur l’esprit-de-vin qui est dans la boule, mais aussi sur celui qui est dans le tuyau ; de sorte qu’il doit arriver du changement à l’un aussi-bien qu’à l’autre. Chambers.

Pour se convaincre du peu de solidité de toutes ces hypothèses sur la mesure des degrés de chaleur, ou n’a qu’à se demander ce que c’est que la chaleur : on ne pourra pas s’en former d’autre idée nette que celle de la sensation qu’elle excite en nous : or quelle absurde entreprise que de comparer nos sensations entr’elles par des nombres ? (O)

THESE, s. f. (Gram.) proposition paradoxale qu’on avance dans le dessein de la défendre, si elle est attaquée. On entend encore par ce mot une suite de propositions ou de mathématique, ou de philosophie, ou de théologie, dont on s’engage à démontrer publiquement la vérité. On donne le même nom au placard sur lequel ces propositions sont indiquées.

THESEES ou THESEENES, s. f. pl. (Hist. anc.) fêtes que les Athéniens célebroient tous les ans le 8 d’Octobre en l’honneur de Thésée, & en mémoire de ce qu’à pareil jour il étoit revenu de l’île de Crete après avoir tué le Minotaure.

Ce héros bienfaiteur & législateur de sa patrie qu’il avoit délivrée du tribut infame qu’elle payoit tous les ans à Minos d’un certain nombre de jeunes gens de l’un & de l’autre sexe pour être dévorés par le minotaure, si l’on en croit la fable, & selon l’histoire, pour être réduits en servitude ; ce héros, dis-je, ne put éviter l’ingratitude de ses concitoyens qui le bannirent. Il s’étoit retiré à Scyros chez Lycomede qui le tua par jalousie.

Incontinent après sa mort, les dieux, selon quelques-uns, le vengerent par une horrible famine qui désola l’Attique. L’oracle consulté dans cette occasion répondit que la calamité ne cesseroit point qu’on n’eût vengé la mort de Thesée ; les Athéniens firent la guerre à Lycomede, le tuerent, & ayant rapporté dans leur ville, les os de Thesée, ils lui bâtirent un temple, & instituerent en son honneur les fêtes théséenes.

Plutarque donne à tout cela une origine bien différente ; car il assure qu’à la bataille de Marathon les Athéniens ayant cru voir Thesée, qui comme un dieu tutélaire combattoit à leur tête ; l’oracle qu’ils consulterent sur ce prodige, leur ordonna de recueillir les os de Thesée ensevelis dans l’île de Scyros, qu’après bien des recherches un nouveau prodige les indiqua à Cimon qui les fit transporter à Athènes avec beaucoup de pompe. On les déposa dans un superbe tombeau élevé au milieu de la ville, & en mémoire du secours que ce prince avoit donné aux malheureux pendant sa vie, son tombeau devint un asyle sacré pour les esclaves D’ailleurs on lui bâtit un temple où on lui offroit des sacrifices le huit de chaque mois ; mais la plus grande solemnité étoit le huit d’Octobre.

Quoi qu’il en soit de ces deux origines, la divinité prétendue de Thesée si authentiquement reconnue à Athènes ne l’étoit pas également à Rome, puisque dans le VI. liv. de l’Enéide, Virgile place Thesée dans le tartare parmi les scélérats tourmentés pour leurs crimes. La théologie payenne étoit pleine de ces contradictions.

THESEI-ARA, (Géog. anc.) ou Thesei-saxum, lieu du Péloponnèse, sur le chemin qui conduisoit de Trœzène à Hermione. Pausanias, l. II. c. xxxij. & 34, dit que ce lieu s’appella d’abord l’autel de Jupiter sthénien ; mais qu’il changea de nom, lorsque Thesée en eut enlevé l’épée & la chaussure d’Egée, qui étoient cachées sous la roche sur laquelle étoit l’autel. Cette roche est nommée par Callimaque Thesei saxum. (D. J.)