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a perdu son fond ou son pié de couleur, elle sera déclarée de faux teint.

27. Quoique la bruniture qui se fait avec la noix-de-gal & la couperose soit de bon teint, comme elle rudit ordinairement la laine, il convient, autant que faire se pourra, de se servir par préférence de la cuve d’inde, ou de celle de pastel.

28. On ne doit soumettre à aucune épreuve de débouilli les gris communs avec la galle & la couperose, parce que ces couleurs sont de bon teint, & ne se font pas autrement ; mais il faut observer de les engaller d’abord, & de mettre la couperose dans un second bain beaucoup moins chaud que le premier, parce que de cette maniere ils sont plus beaux & plus assurés.

Teinture de soie. La teinture de la soie est différente de la teinture de la laine, en ce que cette premiere se teint en grand & bon teint, & en petit teint indistinctement. Il est des couleurs qui n’auroient point d’éclat en bon teint, telles que les violets, amaranthes, gris-de-lin, &c. la couleur ponceau fin ou couleur de feu, ne sauroit être faite en bon teint ; cependant c’est une couleur qui vaut depuis 12 liv. la livre de teinture jusqu’à 30 liv. la livre de soie réduite à onze onces.

Comme le lustre de la soie en est la principale qualité, & qu’il est important de le donner en perfection, ce qui dépend particulierement de bien décreuser ladite soie, les maîtres teinturiers en soie sont tenus de bien & duement faire cuire & décreuser toutes sortes de soies pour quelque couleur que ce soit sans exception, avec du bon savon blanc, en les faisant bouillir trois heures au-moins dans la chaudiere à gros bouillon, & jusqu’à ce que la soie, qui, en la mettant dans la chaudiere se soutenoit sur l’eau, étant purgée des parties poreuses qui lui étoient affectées, tombe au fond comme du plomb. Il faut avoir soin encore de bien ranger la soie en écheveaux ou pantimes dans des sacs faits exprès, pour la faire cuire, afin qu’elle ne se brouille point, ce qui empêcheroit le dévidage quand elle est teinte, parce qu’il ne faut cesser de la remuer pendant la cuite, crainte que la chaleur de la chaudiere ne sa brûle.

Le teinturier doit avoir soin encore que les parties de soies qui sont dans les différentes sachées ou sacs destinés à cuire, ne soient point trop serrées, crainte qu’il ne se trouvât des parties qui ne seroient pas suffisamment cuites, qui, selon les termes de l’art, sont appellées biscuits, parce qu’il faut les faire cuire une seconde fois pour qu’elles puissent recevoir la couleur & l’éclat qu’elles doivent avoir.

Toutes les soies en général diminuent d’un quart chaque livre lorsqu’elles sont cuites comme il faut ; de façon que la livre de soie, qui ordinairement est de quinze onces, se trouve réduite à onze au plus lorsqu’elle est cuite.

Pour cuire les soies destinées pour blanc, il faut au-moins une demi-livre de savon pour chaque livre de soie ; il est vrai que pour cuire ensuite les soies destinées à être mises en couleur, le même bouillon ou la même eau peut servir. Il est cependant des fabriquans qui exigent que toutes les soies qu’ils font teindre, soient cuites en blanc, persuadés que les couleurs seront plus brillantes ; dans ce cas, ils payent la teinture plus chere.

Il est néanmoins des couleurs qui ne sont pas aussi belles lorsqu’elles sont cuites en blanc, que quand elles le sont en couleur ; telles que le cramoisi & autres couleurs rouges : la blancheur que la soie acquiert par la quantité de savon dont la cuite est composée, empêche la couleur de la couvrir, ou en diminue le brillant ; ce que les maîtres teinturiers appellent fariner, attendu la légere transpiration du blanc, qui produit une espece de picottement imperceptible,

qui ne saute aux yeux que des connoisseurs.

Lorsque les soies sont cuites, il faut avoir soin de les faire dégorger à la riviere, en les lavant & battant pour faire sortir le savon ; après quoi on les met dans un bain d’alun de rome, tout à froid, & non à chaud, attendu que la chaleur dans l’alun perd le lustre de la soie, & de plus, la rend rude & âcre.

Les soies pour ponceaux fins, ou couleurs de feu, seront passées au jus de citron au-lieu d’alun, & ensuite seront mises dans un bain de saffran d’Alexandrie, lequel bain sera renouvellé aussi long-tems, & aussi souvent qu’on voudra donner du feu à cette soie, & suivant le prix que le fabriquant voudra mettre pour la teinture, ayant soin de donner un bain de rocou, avant que de la passer sur le bain, pour que la couleur ait plus de feu.

Toutes les couleurs en dégradations, depuis le cerise vif jusqu’au rose pâle, ou couleur de chair, seront faites sur le même bain, sans donner aucun pié à la soie, observant toujours de donner un bain de jus de citron au-lieu d’alun.

Les soies pour rouge cramoisi, après avoir été bien alunées & dégorgées de l’alun, seront faites de pure cochenille maëstrek, y ajoutant la galle à l’épine, le terra-merita, l’arsenic, & le tartre de Montpellier, le tout mis ensemble dans une chaudiere pleine d’eau claire presque bouillante ; elle seront mises ensuite dans ladite chaudiere pour y bouillir incessamment l’espace d’une heure & demie, après quoi lesdite soies seront levées, & le feu ôté de dessous la chaudiere : lesquelles soies étant refroidies par l’évent qu’on leur fera prendre, elles seront jettées dans le reste des bains de cochenille, & mises à fond pour y demeurer jusqu’au lendemain, sans y mêler devant ni après, aucun bresil, orseille, rocou, ni autre ingrédient.

Les violets cramoisis seront aussi préparés de même, & faits de pure cochenille, avec la galle à l’épine, plus modérément qu’au rouge, l’arsenic, & le tartre ; puis bouillis comme les autres ci-dessus, & ensuite bien lavés & passés dans une bonne cuve d’inde & dans sa force, sans mélange d’autres ingrédiens.

Les canellés ou tannés cramoisis, seront faits comme les violets ci-dessus, & s’ils sont clairs, on les pourra rabattre avec la couperose ; mais s’ils sont bruns & violets, seront passés sur une cuve d’inde médiocre, sans mélange d’autres ingrédiens.

Les bleus pâles, & bleus beaux seront teints de pure cuve d’inde, sans être alunés.

Les bleus célestes ou complets, auront pié d’orseille, autant que la couleur le requerra, puis passés sur une bonne cuve d’inde.

Les gris-de-lin, amaranthes, &c. seront faits d’orseille, puis rabattus avec un peu de cuve d’inde, s’il en est de besoin, ou de la cendre gravelée.

Les citrons seront alunés, puis teints de gaudes, avec un peu de cuve d’inde.

Les jaunes de graines seront alunés, puis forts de gaude, avec un peu de cuve d’inde.

Les jaunes pâles seront alunés, & teints de gaude seule.

Les aurores pâles & bruns seront alunés, & puis gaudés fortement, & ensuite rabattus avec le rocou, lequel sera préparé & dissout avec cendre gravelée potasse ou soude.

Les isabelles pâles & dorés seront teints avec un peu de rocou préparé comme dessus, & sur le feu.

Les orangers seront teints sur le feu, de pur rocou préparé comme dessus, & les bruns seront ensuite alunés, & on leur donnera un petit bain de bresil s’il est besoin.

Les ratines, ou couleur de feu, auront même pié de rocou que les orangés, puis seront alunés, & on