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y est sujet, mais les jeunes gens plus que les vieillards, les hommes plus que les femmes ; les personnes d’une vie active, plus que celles qui menent une vie sédentaire ; les personnes d’un tempérament délicat & bilieux ; celles qui font un usage excessif de liqueurs froides ; celles qui vivent sous un atmosphere malsain ; celles qui ont souvent des nausées, &c. sont aussi plus fréquemment attaquées de fievre tierce que les autres, &c.

Division des différentes fievres tierces. La fievre tierce est vraie ou bâtarde : la premiere est accompagnée de symptomes violens, mais sa terminaison se fait quelquefois promptement. Dans la fievre tierce bâtarde, les symptomes sont plus doux.

La fievre tierce se distingue aussi en réguliere & irréguliere. La premiere conserve la même forme, soit dans son accès, soit dans sa terminaison. L’irréguliere varie à ces deux égards : les fievres tierces irrégulieres, sont communément épidémiques, & proviennent de la constitution bizarre des saisons.

La fievre tierce est quelquefois simple, quelquefois double. Dans la simple, les paroxismes reviennent tous les seconds jours, ou deux fois par jour, avec un jour d’intermission. Il faut toutefois distinguer la fievre double-tierce, de la fievre quotidienne qui prend tous les jours dans le même tems, au-lieu que les paroxismes de la double tierce reviennent tous les deux jours.

Causes des fievres tierces. Ces fievres naissent comme les autres, d’une infinité de causes différentes ; mais pour l’ordinaire, de la corruption de la bile & des humeurs, après de grands exercices, d’agitations d’esprit, d’une saison chaude, humide, des veilles, de l’abus des liqueurs échauffantes, des alimens gras, épicés, de difficile digestion, des crudités, &c.

Prognostiques. Les fievres tierces qui n’ont pas été mal traitées, sont plus favorables que contraires à la santé : car ceux qui en ont été attaqués, se portent communément après qu’ils sont guéris, mieux qu’ils ne le faisoient auparavant.

Souvent la fievre tierce cesse d’elle-même, par le simple régime, sans aucun remede, & par une légere crise au bout de quelques accès. Ces sortes de fievres ne sont jamais nuisibles ; mais les fievres tierces mal conduites par le médecin, sur-tout lorsqu’il a mis en usage de violens sudorifiques ou astringens, laissent après elles un délabrement de santé cent fois pire que n’étoit la fievre.

Les fievres tierces sont plus opiniâtres en automne & en hiver, que dans les autres saisons. Elles sont sujettes à revenir, sur-tout lorsqu’elles ont été arrêtées mal-à-propos, & que le malade, après leur guérison, a péché inconsidéremment dans le régime diaphorétique, ou diététique.

Méthode curative. C’est 1°. de corriger l’acrimonie qui est la cause prochaine de cette fievre. 2°. De dissiper doucement, sur-tout par la transpiration, la matiere peccante. 3°. De calmer la violence des spasmes & des symptomes. 4°. D’expulser & d’évacuer les humeurs viciées, qui sont logées principalement dans le duodenum. 5°. De rétablir les forces après le paroxisme, & de tenir les excrétions en bon état. 6°. D’empêcher le retour de la fievre, accident commun, & qui demande plus de précautions qu’on n’en prend d’ordinaire.

Pour remplir la premiere indication curative, on corrige l’acrimonie bilieuse, par le nitre commun, bien épuré, & par des liqueurs humectantes & délayantes, comme des tisanes d’orge, de l’eau de gruau, du petit lait, des boissons de racines de gramen, du suc & d’ecorce de citron, &c.

On satisfait à la seconde indication par des diaphorétiques doux, les infusions de scordium, de chardon béni, & d’écorce de citron.

La troisieme indication est remplie, en employant des substances nitreuses, rafraîchissantes, modéremment diaphorétiques & délayantes ; tel est l’esprit dulcifié de nitre bien préparé, & donné dans des eaux sédatives, comme celles de fleurs de surau, de tilleul, de primevere, de camomille commune, &c.

On corrige & on évacue les humeurs viciées, par de doux vomitifs, des purgatifs, des savonneux acescens, & autres remedes semblables. Quand les sucs viciés sont visqueux & tenaces, les sels neutres, comme le tartre vitriolé, le sel d’Epsom, les sels des eaux de Sedlitz & d’Egra, sont très-bienfaisans : on délaye ces sels dans une quantité suffisante de quelques véhicules aqueux. Si les sucs viciés sont acides & salins, on peut user de manne, avec une demi-drachme de terre-foliée de tartre, & quelques gouttes d’huile de cédre. Lorsque le duodenum, ou l’estomac, sont engorgés de sucs corrompus, on doit tenter l’évacuation par les émétiques convenables.

Après l’évacuation des humeurs peccantes, on rétablit le ton des solides par les fébrifuges resserrans, & en particulier par le quinquina, donné dans le tems d’intermission, en poudre, en décoction, infusion, essence ou extrait.

Le mal étant guéri, on en prévient le retour par le régime, les alimens faciles à digérer, l’exercice moderé, les frictions, & quelques stomachiques en petite dose.

Observation de pratique. Les émétiques, les échauffans, & les sels purgatifs, ne conviennent point aux hypochondriaques : on substitue à ces remedes, des balsamiques en petite dose, & des clysteres préparés de substances émollientes & laxatives.

On n’entreprend rien dans l’accès, & sur tout pendant les frissons ; mais à mesure que la chaleur augmente, on use d’une boisson agréable, propre à éteindre la soif, & à petits coups ; lorsque la chaleur diminue, on facilite l’éruption de la moiteur ; & après la cessation de la fievre, on continue d’entretenir la transpiration.

Quoique le quinquina soit un excellent fébrifuge, il ne convient pas aux personnes mélancholiques, aux femmes dont les regles sont supprimées, & dans plusieurs autres cas : on ne doit point l’employer avant que la matiere morbifique soit corrigée & suffisamment évacuée.

La saignée ne convient qu’aux gens robustes, pléthoriques, jeunes, & dans la vigueur de l’âge.

Les opiats & les anodins diminuent les forces, dérangent les périodes de la maladie, & troublent la crise.

L’écorce de cascarille qui est balsamique, sulphureuse, terreuse & astringente, est un excellent remede pour les personnes languissantes & flegmatiques ; on mêle fort bien cette écorce avec le quinquina.

Les femmes que la suppression des regles a rendu cachectiques, doivent être traitées avec beaucoup de circonspection dans la fievre tierce.

Les enfans de huit ou dix ans, attaqués de fievre tierce, se guérissent à merveille par un léger émétique, suivi de clysteres fébrifuges, ou de sirop de quinquina.

Les sudorifiques, & les remedes échauffans font souvent dégénérer la fievre tierce en continue, ou en fievre inflammatoire, ce qui suffit pour bannir à jamais de la médecine cette méthode qui n’a que trop long-tems regné.

Quand la fievre tierce produit un nouvel accès dans les jours d’intervalle, on les nomme double tierce ; si elles ont trois accès, triple tierce ; ainsi de la quarte.

La cause prochaine de ce phénomène est 1°. l’augmentation de la matiere fébrile, assez considérable pour produire un nouvel accès. 2°. Le manque de