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Ces tables ont été calculées d’après un excellent télescope de M. Short de 9 pouces de foyer, dont voici les dimensions.

pouc. décim.
Distance focale du grand miroir, 9, 6.
Son diametre, 2, 3.
Distance focale du petit miroir, 1, 5.
Sa largeur, 0, 6.
Diametre du trou dans le grand miroir, 0, 5.
Distance du petit miroir au premier oculaire, 14, 2.
Distance entre les deux oculaires, 2, 4.
Distance focale du premier oculaire, 3, 8.
Distance focale du second ou du plus près de l’œil, 1, 1.

D’après ce que nous avons dit sur la maniere de déterminer les parties principales du télescope, & d’après ces tables, on pourra facilement en construire un : nous pourrions ajouter ici la maniere de calculer les dimensions de toutes les parties d’un télescope, ou de résoudre ce probleme ; la longueur d’un télescope étant donnée, déterminer les proportions de toutes ses parties, pour qu’ayant le degré de distinction & de netteté requis, il y grossisse dans le plus grand rapport possible, en conservant cette netteté ; mais ce problème nous jetteroit dans trop de détail, & dans une analyse trop étendue : nous en dirons de même de plusieurs choses que nous pourrions ajouter sur la théorie de ce télescope ; de plus, la pratique a tant d’influence dans la perfection de cet instrument, que si les miroirs ne sont pas d’une forme très-réguliere, si le poli n’en est pas dans la plus grande perfection, quand même on auroit observé avec la plus grande précision toutes les proportions requises dans sa construction, il ne feroit qu’un effet médiocre. Messieurs Bradley & Molineux, dont nous avons parlé, quoique parfaitement instruits de ces proportions, & éclairés des lumieres que M. Hadley avoit acquises sur la fabrication de cet instrument, & leur avoit communiquées, firent, avant de réussir, nombre d’essais infructueux. En effet, lorsque ces miroirs ne sont pas d’un métal assez compact, assez dur pour prendre le plus beau poli, & refléchir la plus grande quantité de rayons possibles, lorsqu’ils ne sont pas de la forme la plus exacte, ils rendent les images des objets d’une maniere tout-à-la-fois confuse & obscure. On sait que les irrégularités dans la forme des miroirs, produisent des erreurs six fois plus grandes que celles que produiroient les mêmes irrégularités dans un objectif. Cette difficulté d’avoir des miroirs de métal, qui n’absorbassent pas beaucoup de rayons, a fait conseiller à Newton, dans son optique, de faire les miroirs de télescope de verre ; il tenta même de faire un télescope de quatre piés, avec un miroir de cette espece ; mais, comme il nous l’apprend, quoique ce miroir parût d’une forme très-réguliere & bien poli, aussi-tôt qu’on l’eut mis au teint, on y découvrit un grand nombre d’irrégularités, & enfin il ne réfléchissoit les objets que d’une maniere fort obscure & fort confuse. Cependant M. Short, dont nous venons de parler, a été depuis plus heureux ; il a fait plusieurs télescopes avec ces miroirs, qui ont fort bien réussi, & un entr’autres de quinze pouces de foyer, avec lequel on lisoit (les Transac. philos.) à deux cens trente piés ; mais l’extrème difficulté de faire ces miroirs, par la peine qu’on a à rendre les deux surfaces convexes & concaves, bien paralleles l’une à l’autre, les a fait abandonner : on n’en fait presque plus aujourd’hui que de métal ; ce seroit peut-être ici le lieu d’exposer les moyens nécessaires pour les bien former & les bien polir ; cependant, comme le dit Newton, c’est un art que la pratique peut beaucoup mieux enseigner, que les préceptes : au reste on trouvera à l’article Miroir, ce qu’il est

nécessaire de savoir pour faire ces miroirs. Quant à leur composition, il y en a un si grand nombre, qu’il seroit difficile de déterminer quelle est la meilleure. M. Hadley, dont nous avons déja parlé, rapporte qu’il en a essayé plus de cent cinquante, & qu’il n’en a trouvé aucune qui fût exempte de toutes especes de défauts. En voici une cependant qu’il regarde comme excellente, & comme la meilleure ; le seul défaut qu’elle a est d’être couteuse.

Prenez du cuivre rouge, de l’argent, du régule d’antimoine, de l’étain, de l’arsenic ; faites fondre, & coulez le tout dans des moules de laiton fort chauds. Voici une autre composition que M. Passemant a bien voulu nous communiquer, & qu’il nous a dit réussir très-bien. Un miroir de cette composition ayant été exposé aux injures de l’air pendant plusieurs années, n’en fut ni alteré ni terni.

Prenez vingt onces de cuivre, neuf onces d’étain de mélac, le tout étant en fusion un quart d’heure, après l’avoir remué deux ou trois fois avec une barre de fer, versez-y sept gros de bon antimoine cru, remuez le tout, & le laissez en fusion pendant quinze ou vingt minutes, en prenant garde aux vapeurs qui s’en élevent. On voit ici la liaison des sciences, les unes avec les autres : car ce seroit un beau présent que la chimie feroit à l’optique, si elle lui fournissoit un métal compact, dur, peu susceptible des impressions de l’air, & capable de recevoir le plus beau poli, & de réfléchir le plus grand nombre de rayons. Cette circonstance de réfléchir le plus grand nombre de rayons est si importante, & mérite tant d’attention, que dans les télescopes de réflexion, les objets ne paroissent jamais éclairés d’une maniere aussi vive que dans les télescopes de réfraction, ou dioptrique, parce que dans ces derniers il y a moins de lumiere de perdue par son passage à-travers plusieurs verres, qu’il n’y en a dans les premiers, par l’imperfection de la réflexion. Cet effet est tel que dans un télescope de réflexion, construit pour grossir autant qu’un télescope de réfraction, l’image paroît toujours moins grande que dans celui-ci. Cette différence d’apparence de grandeur des deux images, dans ces deux différens télescopes, a surpris M. Molineux & plusieurs autres ; cependant cet effet n’a rien d’extraordinaire, il est facile à expliquer ; il résulte de cette vérité expérimentale d’optique, que les corps qui sont plus éclairés que les autres, quoique vus sous le même angle, paroissent toujours plus grands. On peut voir dans la Planche d’optique des figures, les différens télescopes dont nous venons de parler.

En exposant les raisons qui ont déterminé Newton à l’invention du télescope de réflexion, nous avons dit que c’étoit particulierement la décomposition que les rayons éprouvoient dans les télescopes dioptriques, en passant à-travers l’objectif, ou les oculaires, & qu’il regardoit cette décomposition comme un obstacle insurmontable à la perfection de ces instrumens. Cependant en 1747. M. Euler imagina de former des objectifs de deux matieres différemment refringentes, espérant que par l’inégalité de leur vertu refractive, ils pourroient compenser mutuellement leurs effets, c’est-à-dire que l’un serviroit à rassembler les rayons désunis, ou séparés par l’autre. Il forma en conséquence des objectifs de deux lentilles de verre, qui renfermoient de l’eau entre elles ; ayant formé une hypothèse sur la proportion des qualités réfractives de ces deux matieres, relativement aux différentes couleurs, il parvint à des formules générales pour les dimensions des télescopes, dans tous les cas proposés. M. Dollond, dont nous avons déja parlé, entreprit de tirer parti de cette nouvelle théorie de M. Euler ; mais ne s’en tenant point aux dimensions mêmes des objectifs qu’il avoit données, parce qu’elles étoient fondées sur des lois de réfraction purement