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hypothétiques, il leur substitua celles de Newton ; mais les ayant introduites dans les formules de M. Euler, il en tira un résultat facheux pour sa théorie ; c’est que la réunion désirée des foyers de toutes les couleurs, ne pouvoit se faire qu’en supposant au télescope une longueur infinie ; cette objection étoit sans replique, à moins que les lois de réfraction données par Newton, ne fussent pas exactes. Autorisées d’un si grand nom, M. Euler n’osa pas les révoquer en doute ; il prétendit seulement qu’elles ne s’opposoient à son hypothèse que de quantités trop petites pour renverser une loi qui, suivant lui, étoit fondée sur la nature de la chose. Il paroissoit d’ailleurs d’autant moins ébranlé par l’expérience de Newton, que l’on rapportoit, & par le résultat qu’on en tiroit, que l’un & l’autre n’alloient pas moins qu’à détruire toute possibilité de remédier à la décomposition des rayons par un milieu, en les faisant passer ensuite par un autre : cependant la vérité de cette correction des effets d’un milieu sur les rayons, par un autre milieu, lui paroissoit d’autant plus nécessaire, qu’elle étoit prouvée par le fait ; l’œil étant composé d’humeurs différemment refringentes, disposées ainsi par l’auteur de la nature, pour employer les inégalités de leurs vertus réfractives à se compenser mutuellement.

Quelques physiciens anglois peu contens de voir que M. Dollond n’opposoit jamais aux raisonnemens métaphysiques de M. Euler, que le nom de Newton & ses expériences, engagerent M. Clairaut à lire avec soin le mémoire de ce savant géometre, sur-tout la partie de ce mémoire où le sujet de la contestation étoit portée à des calculs trop compliqués, pour qu’il fût permis à tout le monde d’en juger. Par l’examen qu’il en fit, il parvint à une équation qui lui montra que la loi de M. Euler ne pouvoit point avoir lieu, & qu’ainsi il falloit rejetter les rapports de réfraction qu’il en avoit conclus, généralement pour tous les rayons colorés. Cependant en 1755. M. Klingstierna, professeur en l’université d’Upsal, fit remettre à M. Dollond, un écrit où il attaquoit l’expérience de Newton, par la métaphysique & par la géométrie, & d’une telle maniere, qu’elle força M. Dollond de douter de l’expérience qu’il avoit si long-tems opposée à M. Euler. Les raisonnemens de M. Klingstierna firent plus, ils obligerent M. Dollond à changer de sentiment ; & ayant en conséquence recommencé les expériences en question, il les trouva fausses, & ne douta plus de la possibilité de parvenir au but que M. Euler s’étoit proposé ; la proposition expérimentale de Newton, qui persuada pendant tant de tems à M. Dollond, que ce que proposoit M. Euler étoit impraticable, se trouve à la page 145 de son optique, édition françoise in-4°. Newton s’y exprime dans les termes suivans : « Toutes les fois que les rayons de lumiere traversent deux milieux de densité différentes, de maniere que la réfraction de l’un détruise celle de l’autre, & que par conséquent les rayons émergens soient paralleles aux incidens, la lumiere sort toujours blanche » ; qui est vraiment remarquable, & qui montre qu’on ne doit jamais s’en laisser imposer par l’autorité des grands hommes, c’est que la fausseté de cette expérience que Newton cite, est très-facile à reconnoître, & qu’il est étonnant que lui, qui avoit à un si haut degré le talent de faire des expériences, se soit trompé : car lorsque la lumiere sort blanche, ce n’est point lorsque les rayons émergens sont paralleles aux rayons incidens. En effet, par l’expérience que M. Dollond en fit, il trouva que dans un prisme d’eau renfermé entre deux plaques de verre, le tranchant tourné en en-bas, auquel on joint un prisme de verre dont le tranchant est tourné en en-haut ; lorsque les objets vus à-travers ces prismes paroissent à la

même hauteur que si on les voyoit à la vue simple, ils sont alors teints des couleurs de l’iris ; pendant que lorsque par la position des prismes, on fait cesser ces iris, on ne voit plus ces objets dans le même lieu. Convaincu par-là de la possibilité du projet de M. Euler, il entreprit de le remplir lui-même : cependant, sans entrer dans le détail de toutes ses tentatives, il nous suffira de dire que celles qu’il fit avec des objectifs composés de verre & d’eau, n’eurent aucun succès ; mais qu’il réussit, lorsqu’ayant remarqué que différentes especes de verre ayant des vertus réfractives différentes, il conçut qu’en les combinant ensemble, on pourroit en obtenir des objectifs composés, qui ne décomposeroient pas la lumiere, il s’assura de la vérité de cette conjecture, & de son succès, en construisant des prismes de deux sortes de verres, & en changeant leurs angles jusqu’à ce qu’il en eut deux prismes qui, appliqués l’un contre l’autre, en ordre renversé, produisissent comme le prisme composé d’eau & de verre, une réfraction moyenne & sensible, sans cependant décolorer les objets. Enfin pour abréger, il parvint tellement à vaincre les difficultés que la pratique offroit dans l’exécution de cette théorie, qu’il a fait suivant ces principes, des lunettes d’approche extrémement supérieures à toutes celles qu’on a faites jusqu’ici ; les personnes qui en ont vues, prétendent que celles de cinq piés font autant d’effet que les lunettes ordinaires de quinze.

Comme M. Dollond n’a point indiqué la route qu’il a suivie, pour faire le choix de spheres propres à détruire les abérations, & qu’on ne trouve pas même dans son mémoire de ces sortes de résultats, par lesquels on pourroit parvenir à les découvrir, M. Clairaut a jugé que cet objet étoit digne qu’il s’en occupât. Nous n’entreprendrons point de prévenir ici le public sur ce qu’il a déja fait à ce sujet, & dont il rendit compte par un mémoire à la rentrée publique de l’académie de la S. Martin de l’année derniere (1760) ; nous dirons seulement que pour porter cette théorie des télescopes dioptriques à la plus grande perfection, il se propose de faire toutes les expériences nécessaires, & de mettre les artistes en état, par la simplicité de ses formules, de pouvoir faire ces télescopes avec la plus grande précision. Au reste nous nous sommes crûs obligés d’ajouter ceci (que nous avons tiré du mémoire même de M. Clairaut qu’il a bien voulu nous communiquer), pour ne laisser rien à désirer sur ce qui regarde les télescopes, instruire le public du progrès de l’optique, & surtout montrer par cette histoire combien on doit se défier des propositions générales, & n’abandonner les choses que lorsque des expériences réitérées & incontestables en ont démontré l’impossibilité ; enfin qu’il ne faut jamais regarder la vérité que comme le fruit du tems & de la nature, ainsi que le dit Bacon, & qu’il ne faut regarder les décisions des grands hommes comme infaillibles, que lorsqu’elles sont marquées du sceau de la vérité par des démonstrations sans réplique ou des expériences incontestables. Art. de M. le Roi.

TÉLESCOPIQUE, adj. (Astron.) étoiles télescopiques sont des étoiles qui sont invisibles à la vue simple, & qu’on ne peut découvrir que par le secours d’un télescope. Voyez Etoile.

Toutes les étoiles au-dessous de la sixieme grandeur sont télescopiques pour des yeux ordinaires, & le nombre de ces étoiles télescopiques est fort grand. Chambers.

TELESIA ou TELESCIA, (Géog. anc.) ville d’Italie qui, suivant Frontin, étoit une colonie romaine établie par les triumvirs. Ptolomée, l. III. c. j. donne cette ville aux Samnites, & la marque entre Tucinum & Beneventum. On la nomme aujourd’hui Telese, bourg ruiné du royaume de Naples, dans la terre de Labour, sur le Voltorno. (D. J.)