tement sérieux déclaré convenablement, exemt d’erreur, de dol, de violence.
Si ces sortes de traités sont obligatoires entre les états ou les souverains qui les ont faits, ils le sont aussi par rapport aux sujets de chaque prince en particulier ; ils sont obligatoires comme conventions entre les puissances contractantes : mais ils ont force de loi à l’égard des sujets considérés comme tels ; & il est bien manifeste que deux souverains qui font ensemble un traité, imposent par-là à leurs sujets l’obligation d’agir d’une maniere conforme à ce traité.
L’on distingue entre les traités publics ceux qui roulent simplement sur des choses auxquelles on étoit déjà obligé par le droit naturel, & ceux par lesquels on s’engage à quelque chose de plus.
Il faut mettre au premier rang tous les traités par lesquels on s’engage purement & simplement à ne point se faire du mal les uns aux autres, & à se rendre au contraire les devoirs de l’humanité. Parmi les peuples civilisés, de tels traités sont superflus ; le seul devoir suffit sans un engagement formel. Mais chez les anciens, ces sortes de traités étoient regardés comme nécessaires ; l’opinion commune étant que l’on n’étoit tenu d’observer les lois de l’humanité qu’envers ses concitoyens, & que l’on pouvoit regarder les étrangers sur le pié d’ennemis ; à-moins que l’on n’eût pris avec eux quelque engagement contraire : c’est de quoi l’on trouve plusieurs preuves dans les historiens ; & le mot hostis, dont on se servoit en latin pour dire un ennemi, ne signifioit au commencement qu’un étranger.
L’on rapporte à la seconde classe tous les traités par lesquels deux peuples entrent l’un à l’égard de l’autre dans quelque obligation nouvelle ou plus particuliere, comme lorsqu’ils s’engagent formellement à des choses auxquelles ils n’étoient point obligés auparavant.
Les traités par lesquels on s’engage à quelque chose de plus qu’à ce qui étoit dû en vertu du droit naturel commun à tous les hommes, sont de deux sortes ; sçavoir, ou égaux ou inégaux ; & les uns & les autres se font pendant la guerre ou en pleine paix.
Les traités égaux sont ceux que l’on contracte avec égalité de part & d’autre ; c’est-à-dire, dans lesquels non-seulement on promet de part & d’autre des choses égales purement & simplement, ou à proportion des forces de chacun des contractans : mais on s’y engage encore sur le même pié : ensorte que l’une des parties ne se reconnoît inférieure à l’autre en quoi que ce soit.
Ces sortes de traités se font en vûe du commerce, de la guerre, ou par d’autres considérations. A l’égard du commerce, on convient, par exemple, que les sujets de part & d’autre seront francs de tous impôts & de tous droits d’entrée & de sortie ; ou qu’on n’exigera rien d’eux plus que des gens mêmes du pays, &c. Dans les alliances égales qui concernent la guerre, on stipule, par exemple, que chacun fournira à l’autre une égale quantité de troupes, de vaisseaux, &c. & cela ou dans toute guerre, soit offensive soit défensive, ou dans les défensives seulement, &c. Les traités d’alliance peuvent encore rouler sur d’autres choses, comme lorsqu’on s’engage à n’avoir point de place forte sur les frontieres l’un de l’autre, à ne point accorder de protection ou donner retraite aux sujets l’un de l’autre, en cas de crime ou de desobéissance, ou même à les faire saisir & à les renvoyer, à ne point donner passage aux ennemis l’un de l’autre, &c.
Ce que l’on vient de dire fait assez comprendre que les traités inégaux sont ceux dans lesquels ce que l’on promet de part & d’autre n’est pas égal. L’inégalité des choses stipulées est tantôt du côté de la puissance la plus considérable, comme si elle promet du secours à l’autre, sans en fixer aucun de lui ; tantôt du côté
de la puissance inférieure, comme lorsqu’elle s’engage à faire en faveur de la puissance supérieure, plus que celle-ci ne promet de son côté.
Toutes les conditions des traités inégaux ne sont pas de même nature. Les unes sont telles que quoiqu’onéreuses à l’allié inférieur, elles laissent pourtant la souveraineté dans son entier : d’autres, au contraire, donnent quelque atteinte à l’indépendance de l’allié inférieur. Ainsi dans le traité des Romains avec les Carthaginois, après la seconde guerre punique, il étoit porté que les Carthaginois ne pourroient faire la guerre à personne, ni au-dedans ni au-dehors de l’Afrique, sans le consentement du peuple romain ; ce qui donnoit évidemment atteinte à la souveraineté de Carthage, & la mettoit sous la dépendance de Rome.
Mais la souveraineté de l’allié inférieur demeure en son entier, quoiqu’il s’engage, par exemple, à payer l’armée de l’autre, à lui rembourser les frais de la guerre, à raser les fortifications de quelque place, à donner des otages, à tenir pour amis ou pour ennemis tous les amis ou ennemis de l’autre, à n’avoir point de places fortes en certains endroits, à ne point faire voile en certaines mers, &c.
Cependant, quoique ces conditions & d’autres semblables ne donnent point atteinte à la souveraineté, il faut convenir que ces sortes de traités d’inégalité ont souvent beaucoup de délicatesse ; & que si le prince qui contracte ainsi surpasse l’autre en grande supériorité de forces, il est à craindre qu’il n’acquiere peu-à-peu une autorité & une domination proprement ainsi nommée.
L’on fait une autre division des traités publics ; on les distingue en réels & personnels. Les traités personnels sont ceux que l’on fait avec un roi considéré personnellement ; ensorte que le traité expire avec lui. Les traités réels sont au contraire ceux où l’on ne traite pas tant avec le roi qu’avec tout le corps de l’état : ces derniers traités par conséquent subsistent après la mort de ceux qui les ont faits, & obligent leurs successeurs.
Pour savoir à laquelle de ces deux classes il faut rapporter tel ou tel traité, voici les principales regles que l’on peut établir.
1°. Il faut d’abord faire attention à la teneur même du traité, à ses clauses, & aux vûes que se sont proposées les parties contractantes. Ainsi s’il y a une clause expresse que le traité est fait à perpétuité, ou pour un certain nombre d’années, pour le roi régnant & ses successeurs, on voit assez par-là que le traité est réel.
2°. Tout traité fait avec une république est réel de sa nature, parce que le sujet avec lequel on contracte, est une chose permanente.
3°. Quand même le gouvernement viendroit à être changé de républicain en monarchique, le traité ne laisse pas de subsister, parce que le corps est toujours le même : il y a seulement un autre chef.
4°. Il faut pourtant faire ici une exception, c’est lorsqu’il paroît que la constitution du gouvernement républicain a été la véritable cause & le fondement du traité ; comme si deux républiques avoient contracté une alliance pour la conservation de leur gouvernement & de leur liberté.
5°. Dans un doute, tout traité public fait avec un roi doit être tenu pour réel, parce que dans le doute un roi est censé agir comme chef de l’état & pour le bien de l’état.
6°. Il s’ensuit de-là que comme après le changement du gouvernement démocratique en monarchique, un traité ne laisse pas de subsister avec le nouveau roi ; de même si le gouvernement devient républicain de monarchique qu’il étoit, le traité fait avec le roi n’ex-