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pire pas pour cela, à-moins qu’il ne fût manifestement personnel.

7o. Tout traité de paix est réel de sa nature, & doit être gardé par les successeurs : car aussi-tôt que l’on a exécuté ponctuellement les conditions du traité, la paix efface toutes les injures qui avoient allumé la guerre, & rétablit les nations dans l’état ou elles doivent être naturellement.

8o. Si l’une des parties ayant déjà exécuté quelque chose à quoi elle étoit tenue par le traité, l’autre partie vient à mourir avant que d’avoir exécuté de son côté ses engagemens, le successeur du roi défunt est obligé, ou de dédommager l’autre partie de ce qu’elle a fait ou donné, ou d’exécuter lui-même ce à quoi son prédécesseur s’étoit engagé.

9o. Quand il n’y a encore rien d’exécuté de part ni d’autre, ou quand ce qui a été fait de part & d’autre est égal, alors si le traité tend directement à l’avantage personnel du roi ou de sa famille, il est clair qu’aussi-tôt qu’il vient à mourir, ou que la famille est éteinte, le traité finit de lui-même.

10o. Enfin il est d’usage que les successeurs renouvellent les traités manifestement reconnus pour réels, afin de montrer qu’ils ne se croient pas dispensés de les observer, sous prétexte qu’ils ont d’autres idées touchant les intérêts de l’état, que celles qu’avoient leurs prédécesseurs.

L’on demande encore quelquefois s’il est permis de faire des traités & des alliances avec ceux qui ne professent pas la véritable religion. Je réponds qu’il n’y a point de difficulté là-dessus. Le droit de faire des traités est commun à tous les hommes, & n’a rien d’opposé aux principes de la vraie religion, qui loin de condamner la prudence & l’humanité, recommande fortement l’une & l’autre.

Pour bien juger des causes qui mettent fin aux traités publics, il ne faut que faire attention aux regles des conventions en général.

1o. Ainsi un traité conclu pour un certain tems expire au bout du terme dont on est convenu.

2o. Un traité expiré n’est point censé tacitement renouvellé ; car une nouvelle obligation ne se présume pas aisément.

3o. Lors donc qu’après le terme expiré on exerce encore quelques actes qui paroissent conformes aux engagemens du traité précédent, ils doivent passer plutôt pour de simples marques d’amitié & de bienveillance, que pour un renouvellement du traité.

4o. Il faut pourtant y mettre cette exception, à-moins que les choses que l’on a faites depuis l’expiration du traité, ne puissent souffrir d’autre interprétation que celle d’un renouvellement tacite de la convention précédente. Par exemple, si un allié s’est engagé à donner à l’autre une certaine somme par an, & qu’après le terme de l’alliance expire, il en fasse le payement de la même somme pour l’année suivante, l’alliance se renouvelle par-là bien nettement pour cette année.

5o. C’est une suite de la nature de toutes les conventions en général, que si l’une des parties viole les engagemens dans lesquels elle étoit entrée par le traité, l’autre est dispensée de tenir les siens, & peut les regarder comme rompus ; car pour l’ordinaire tous les articles d’un traité ont force de condition, dont le défaut le rend nul.

6o. Cela est ainsi pour l’ordinaire, c’est-à-dire au cas que l’on ne soit pas convenu autrement ; car on met quelquefois cette clause, que la violation de quelqu’un des articles du traité ne le rompra pas entierement ; mais en même tems celui qui par le fait de l’autre souffre quelque dommage, doit en être indemnisé.

Il n’y a que le souverain qui puisse faire des traités publics ou par lui-même ou par ses ministres. Les

traités faits par les ministres n’obligent le souverain & l’état, que lorsque les ministres ont été duement autorisés, & qu’ils n’ont rien fait que conformément à leurs ordres & à leur pouvoir. Chez les Romains on appelloit fœdus, pacte public, convention solemnelle, un traité fait par ordre de la puissance souveraine, ou qui avoit été ratifié ; mais lorsque des personnes publiques avoient promis sans ordre de la puissance souveraine quelque chose qui intéressoit le souverain, c’est ce qu’on appelloit sponsio, une simple promesse.

En général il est certain que lorsque des ministres font sans ordre de leur souverain quelque traité concernant les affaires publiques, le souverain n’est pas obligé de le tenir, & même le ministre qui a traité sans ordre peut être puni suivant l’exigence du cas ; cependant il peut y avoir des circonstances dans lesquelles un souverain est tenu ou par les regles de la prudence, ou même par celle de la justice & de l’équité, à ratifier un traité quoique fait & conclu sans son ordre.

Lorsqu’un souverain vient à être informé d’un traité conclu par un de ses ministres sans son ordre, son silence seul n’emporte pas une ratification, à-moins qu’il ne soit d’ailleurs accompagné de quelque acte, ou de quelqu’autre circonstance qui ne puisse vraissemblablement souffrir d’autre explication ; & à plus forte raison, si l’accord n’a été fait que sous cette condition que le souverain le ratifiât, il n’est obligatoire que lorsque le souverain l’a ratifié d’une maniere formelle. (D. J.)

Traite public, (Littérat.) si les anciens rompoient leurs traités publics aussi aisément que les puissances modernes, ils les contractoient du-moins avec de grandes & de graves solemnités. Vous trouverez dans Potter, Archæol. græc. l. II. c. vj. les cérémonies que les Grecs observoient dans cette occasion ; nous en détaillerons aussi quelques-unes en particulier, d’après Pausanias, au mot Traité d’alliance. Tite Live, liv. I. ch. xxjv. indique les usages des Romains dans la conclusion de leurs traités publics. On pourroit recueillir des anciens auteurs beaucoup de choses curieuses sur cette matiere, mais je ne sache pas que personne ait encore pris cette peine. (D. J.)

Traité d’alliance, (Antiq. grecq. & rom.) Pausanias a décrit tout au long & plus d’une fois les cérémonies qui s’observoient en pareille rencontre. On immoloit une victime dont par respect on ne mangeoit point la chair consacrée. Chaque contractant, après le sacrifice, répandoit une coupe de vin, ce qui s’appelloit libation, d’où les alliances se nommerent σπονδαὶ, & les infractions ὑπερφίαλοι : pateramque tenentes, stabant, & cæsâ jungebant fœdera porca ; on se touchoit ensuite de part & d’autre dans la main droitre, cædent in fœdera dextrâ ; & pour assurer les engagemens réciproques, on en prenoit à témoin les divinités vengeresses, principalement Jupiter ὅρκιος, le dieu du serment. Pausanias dit que Philippe à force de se parjurer dans ses traités d’alliance, irrita le ciel & mérita qu’une mort violente & prématurée lui apprît qu’on ne se joue pas impunément des dieux. (D. J.)

Traité extraordinaire, (Finances.) on nomme ainsi un accord qu’un souverain fait avec des gens d’affaires pour différens objets, moyenant des sommes d’argent qu’ils lui donnent pour ses projets, ou ses besoins pressans.

Dans ces conjonctures on traite quelquefois avec eux pour des produits de ferme de taxes qu’on leur abandonne, moyennant des sommes d’argent qu’ils avancent, ou dont ils font les fonds ; comme aussi pour la recherche de certains abus qui peuvent s’être commis par laps de tems au sujet de terres, de char-