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généraux, les commandans, & les majors des régimens, y entrent de jour, afin de reconnoître le terrein & voir en quel état toutes les choses se trouvent. Le major de tranchée ou ses aides, devroient les attendre au poste du lieutenant général de tranchée, pour leur faire observer tout ce qui est digne de quelque considération.

Le major général, dès le jour précédent, nomme aux majors de brigade quelles troupes doivent relever chacune de celles de sa tranchée ; & une fois pour toute il assigne l’heure & le lieu de l’assemblée où ce même major général fait ranger les bataillons & les détachemens selon l’ordre dans lequel ils doivent marcher & garnir la tranchée.

Deux caporaux de chaque bataillon se trouvent à la queue de la tranchée, l’un pour guider à couvert par le chemin le plus court, le bataillon qui entre ; & l’autre pour conduire les détachemens qui vont quelquefois par un chemin différent de celui que prennent les régimens.

Les troupes qui entrent & celles qui sortent, s’approcheront du parapet le plus qu’elles pourront : si c’est de jour, la tranchée se monte tambour battant, & l’on plante les drapeaux au haut de la tranchée, dans quelqu’endroit du parapet qui soit bien renforcé, parce que les cannoniers de la place se divertissent à tirer contre les drapeaux.

Chacun sait que les officiers qui descendent, transmettent à ceux qui les relevent, les ordres qu’il y a à la tranchée. Le lieutenant général de tranchée les reçoit du général de l’armée, & il les distribue ensuite aux régimens. Pour moi, je voudrois que le général de la tranchée donnât tous les ordres au major, & que celui-ci les distribuât tous les jours aux troupes de la tranchée. De cette maniere, on trouveroit dans le livre du major de tranchée, une suite exacte de tout ce qui s’est passé pendant tout le cours du siege.

Je voudrois aussi que le lieutenant général & le major de tranchée, les ingénieurs qui entrent & qui sortent, les commandans des batteries, les directeurs des mines, le major général de l’armée, le chef des ingénieurs, & les commandans d’artillerie, conférassent ensemble sur ce qu’il est important de faire ou de représenter au général de l’armée, pour bien exécuter les ordres qu’il a précédemment donnés. Réflexions militaires, par M. le marquis de Santacrux.

Après le détail précédent sur les tranchées, il nous reste à faire observer, en finissant cet article, que l’usage n’en remonte guere, selon le pere Daniel, qu’au regne de Charles VII. ou un peu auparavant. Il croit qu’on leur donnoit alors le nom de mines, & quelquefois de tranchées ; mais ce dernier nom prévalut bien-tôt sur le premier ; apparemment lorsque les travaux exprimés par ces deux noms, devinrent différens. Le maréchal de Monluc les perfectionna au siege de Thionville, en 1558 ; mais ce n’est que sous M. le maréchal de Vauban, qu’elles devinrent infiniment plus parfaites qu’elles ne l’avoient été jusqu’à ce grand homme. Ce fut au siege de Maëstricht, en 1673, qu’il inventa les fameuses paralleles ou places d’armes, qui donnent tant de supériorité à l’attaque sur la défense. Il imagina ensuite les cavaliers de tranchée, un nouvel usage des sapes & des demi-sapes, les batteries à ricochet. &c. & par-là, comme ledit l’historien de l’académie, « il avoit porté les arts à une telle perfection, que le plus souvent, ce qu’on n’auroit jamais osé esperer devant les places les mieux défendues, il ne perdoit pas plus de monde que les assiégés ».

Nous devons remarquer ici que M. le chevalier de Folard ne pensoit pas que les tranchées aient été inconnues aux anciens ; il prétend même démontrer

dans son traîté de l’attaque & de la défense des places, qu’ils employoient des paralleles, ou places d’armes, dans leurs approches, & qu’ils avoient pratiqué tout ce qu’on a inventé dans les sieges, depuis la découverte de la poudre à canon. Mais suivant M. Guischardt, le sentiment de M. de Folard, sur ce sujet, ne se trouve fondé que sur l’infidélité des traductions, & sur l’envie de cet habile officier, de faire de nouvelles découvertes. « J’ai examiné, dit-il, dans la langue originale, les passages dont il appuie son système, & je me sens aisément convaincu que les auteurs n’y représentent rien de tout ce qu’il a vu, & qu’ils s’expriment en termes très-clairs sur tout ce qu’ils veulent faire entendre. Il est certain qu’on n’y trouve rien de ressemblant aux tranchées & aux paralleles ». Dissertation sur l’attaque & la défense des places des anciens. Voyez cette dissertation dans le second volume des mémoires militaires de M. Guischardt, & le traité sur le même sujet, de M. le chevalier de Folard, l. II. & III. de son commentaire sur Polybe. (Q)

Tranchée, queue de la, (Génie.) c’est le premier travail que l’assiégeant a fait en ouvrant la tranchée, & qui demeure derriere à mesure qu’on pousse la tête de l’attaque vers la place. Il y a toujours du danger à la queue de la tranchée, parce qu’elle est exposée aux batteries de la place, & que le canon logé sur des cavaliers, donne facilement sur les troupes qui montent la garde, ou qui la relevent. On laisse toujours une garde de cavalerie à la queue de la tranchée, pour être en état de courir au secours des travailleurs de la tête, en cas d’une sortie de la garnison, & cette garde se releve autant de fois qu’on releve la garde de la tranchée. (D. J.)

Tranchée, relever la, (Art milit.) c’est monter la garde à la tranchée, & prendre le poste d’un autre corps de troupes qui descend la garde. (D. J.)

Tranchée, retour de la, (Génie.) ce sont les coudes & les obliquités qui forment les lignes de la tranchée, qui sont en quelque façon paralleles aux côtés de la place qu’on attaque, pour en éviter l’enfilade. Ces différens retours mettent un grand intervalle entre la tête & la queue de la tranchée, qui par le chemin le plus court, ne sont séparées que par une petite distance. Aussi quand la tête est attaquée par quelque sortie de la garnison, les plus hardis des assiégeans, pour abréger le chemin des retours, sortent de la ligne, & vont à découvert repousser la sortie, & couper l’ennemi en le prenant à dos. Dict. milit. (D. J.)

Tranchée, (Jardinage.) se dit d’une longue ouverture de terre, pour planter des arbres, de la charmille, ou pour faire un fossé, une rigole : on fait encore des tranchées de recherches, pour amasser des sources.

Tranchée, s. f. (Hydr.) on appelle tranchée de recherche, celle qui reçoit l’eau de plusieurs prairies de communication, ainsi que des rameaux d’eau que des écharpes ramassent de tous côtés, en forme de pattes d’oie. (K)

Tranchées, (Médec.) nom vulgaire employé par les femmes, les accoucheurs, les sages-femmes & les nouvelles accouchées, pour désigner les douleurs qu’elles éprouvent souvent après leur accouchement, à l’uterus, au ventre, au nombril, aux reins, aux lombes, aux aînes, soit continuellement, soit par intervalles, tant d’un côté, tantôt de l’autre. On a indiqué les causes & les remedes des tranchées au mot Douleurs & Femme en couche, Médec.

Tranchées, s. f. pl. terme de Maréchal, c’est une maladie des chevaux qui consiste en douleur dans les boyaux excitée par l’acrimonie des humeurs, ou par des vents, & qu’on doit traiter par les remedes opposés aux causes du mal. Soleysel. (D. J.)