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que la transfusion fût pratiquée, avoient imaginé dans leur cabinet qu’elle devoit être un remede assuré contre toutes les maladies, quelque différentes qu’en fussent la nature & les causes, qu’elle avoit la vertu de rallumer les flammes languissantes qui sont prêtes à s’éteindre dans une vieillesse caduque, & qui voyoient dans cette opération une assurance infaillible de l’immortalité. Quelques médecins partisans de la transfusion, mais plus circonspects, avoient restreint son usage dans des maladies particulieres, comme dans les intempéries froides, dans les rhumatismes, la goutte, le cancer, les épuisemens à la suite des hémorrhagies, la mélancholie, & dans tous les cas où quelqu’un des organes qui servent à la digestion étoit dérangé ; ils veulent aussi qu’on change le sang qui doit être transfusé, suivant la nature de la maladie qu’on se propose de guérir ; & ainsi lorsque la maladie dépend d’un sang grossier, épais, ils conseillent le sang d’un veau, ou d’un agneau qui est fluide & subtil ; ils croyent que le sang froid & engourdi des apoplectiques doit être rechauffé & mis en mouvement par le sang bouillant & actif d’un jeune homme vigoureux, &c. Tous ces dogmes produits des théories formées des débris du galénisme & des fables du cartésianisme qui infestoient alors les écoles, sont aujourd’hui si généralement proscrites de la médecine, qu’il est inutile de s’arrêter à les refuter, d’autant mieux qu’il ne nous seroit pas possible de le faire sans tomber dans des répétitions superflues.

La maniere de faire la transfusion a varié dans les différens tems & les différens pays : dans les commencemens, les chirurgiens inhabiles à cette opération, la rirent avec moins de précaution & d’adresse, & par conséquent avec plus de douleur & de danger que dans la suite, où l’habitude de la pratiquer fit imaginer successivement des nouveaux moyens de la faciliter & de la rendre moins douloureuse. Les étrangers rendent aux françois le témoignage non équivoque que c’est par eux qu’elle a été perfectionnée. La méthode des Italiens étoit extrèmement cruelle. M. Manfredi rapporte que pour faire la transfusion sur les hommes, les chirurgiens de Rome marquent sur la peau avec de l’encre le chemin de la veine par laquelle ils veulent faire entrer le sang ; ensuite ils enlevent cette peau, & font avec le rasoir une incision suivant la marque, d’environ deux pouces de long, afin de découvrir la veine & la séparer des chairs environnantes ; ils passent après une aiguille enfilée par-dessous la veine pour la lier par le moyen d’un fil ciré avec la canulle que l’on doit introduire dedans pour y communiquer le sang. En suivant cette méthode, outre les douleurs longues & vives qu’on cause au malade, on est sûr d’exciter une inflammation qui peut être funeste, & on risque d’offenser l’artere, on tendon, ou d’exciter quelqu’autre accident.

La méthode suivie à Paris par M. Emmerets est beaucoup plus simple, & est à l’abri de tous ces inconveniens. Les instrumens nécessaires sont deux petits tuyaux d’argent, d’ivoire, ou de toute autre chose, recourbés par l’extrémité qui doit être dans les veines ou arteres des animaux qui servent à la transfusion, & sur qui on la fait ; par l’autre bout ces tuyaux sont faits de façon à pouvoir s’adapter avec justesse & facilité ; peu en peine de faire souffrir les animaux qui doivent fournir le sang qu’on veut transfuser aux hommes, le chirurgien prépare commodément leur artere, il la découvre par une incision longitudinale de deux ou trois pouces, la sépare des tégumens, & la lie en deux endroits distans d’un pouce, ayant attention que la ligature qui est du côté du cœur puisse facilement se défaire ; ensuite il ouvre l’artere entre les deux ligatures, y introduit un des

tuyaux, & l’y tient fermement attaché : l’animal ainsi préparé, le chirurgien ouvre la veine du malade (il choisit ordinairement une de celles du bras), laisse couler son sang autant que le médecin le juge à propos, ensuite ôte la ligature qu’on met ordinairement pour saigner, au-dessus de l’ouverture, & la met au-dessous ; il fait entrer son second tuyau dans cette veine, l’adapte ensuite à celui qui est placé dans l’artere de l’animal, & emporte la ligature qui arrêtoit le mouvement du sang ; aussi-tôt il coule, trouvant dans l’artere un obstacle par la seconde ligature, il enfile le tuyau, & pénetre ainsi dans les veines du malade. On jugeoit par son état, par celui de l’animal qui fournissoit le sang, & par la quantité qu’on croyoit transfusée du tems où il falloit cesser l’opération : on ferme la plaie du malade avec la compresse & le bandage, comme dans la saignée du bras. On peut savoir à-peu-près quelle est la quantité du sang qu’on lui a communiqué, 1o. en pesant l’animal dont on a employé le sang avant & après l’opération, 2o. en lui tirant le reste de son sang, parce qu’on sait la quantité totale que contient un animal de telle espece & de telle grosseur, 3o. en connoissant combien les tuyaux dont on se sert peuvent fournir de sang dans un tems déterminé, & comptant les minutes & les secondes qui s’écoulent pendant l’opération. M. Tardy proposa une transfusion réciproque dans les hommes qui fut faite de façon que le même homme donnât du sang à un autre homme, & en reçût du sien en même tems ; mais cette opération très-cruelle & très-compliquée, n’a jamais eu lieu que dans son imagination, & il est à souhaiter que les médecins plus avares du sang humain, dont la perte est souvent irréparable, s’abstiennent avec soin de toutes ces especes d’opérations, souvent dangereuses, & jamais utiles. (m)

TRANSGRESSER, v. act. (Gram.) enfreindre, outrepasser. Il se dit des commandemens de Dieu & de l’Eglise. Si vous enlevez à un homme son bœuf, sa servante, ou sa femme, vous transgressez les commandemens de la loi. On dit aussi, transgresser les ordres d’un souverain. On appelle transgresseur celui qui commet la faute, & transgression la faute commise.

TRANSIGER, v. n. (Gramm.) c’est souscrire à une transaction. Voyez Transaction.

TRANSILVANIE, (Géog. mod.) principauté d’Europe, & l’une des annexes de la Hongrie. Elle est bornée au nord, partie par la Pologne, partie par la Moldavie, au midi par la Valachie, au levant par la Moldavie, & au couchant par la haute & la basse Hongrie. L’air de ce pays est très-chaud en été, & le froid très-violent pendant l’hiver. Le terroir produit le meilleur froment de l’Europe, & les vins que l’on y recueille ne cedent guere en bonté à ceux de Hongrie. Les montagnes renferment des mines de fer & de sel. Les bois sont remplis de cerfs, de daims, d’ours, &c. Les principales rivieres sont la Chrisio, l’Alt ou l’Olt, le grand & le petit Samos ; mais leurs eaux sont mauvaises à boire, parce qu’elles passent par des mines d’alun & de mercure qui leur communiquent une qualité pernicieuse.

Quelques-uns divisent ce pays par ses comtés au nombre de vingt-huit, & les autres par les trois sortes de peuples qui l’habitent ; savoir les Hongrois, les Valaques & les Saxons. Les Hongrois sont particulierement fixés sur les bords de la Marisch ; les Valaques habitent la partie qui est contiguë à la Moldavie & à la Russie, & les Saxons occupent le reste ; mais la Transilvanie dépend toute entiere de la maison d’Autriche depuis 1699, & a pour capitale Hermanstat.

Ce pays est la portion de l’ancienne Dace, que le