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fleuve Chrysius séparoit de la Hongrie, & que l’on nommoit communément la Dace méditerranée. C’étoit un royaume avant que les Romains s’en fussent rendus les maîtres. Les lettres & les lois des Grecs s’y étoient introduites depuis long-tems. Elles s’y conserverent jusqu’à l’arrivée de Trajan qui pénétra dans ce pays, malgré la situation & les défilés des montagnes qui l’entourent. Lorsque les Romains l’eurent conquise, ils y fonderent plusieurs colonies, & en firent une province consulaire. On a une ancienne inscription conçue en ces termes : Colonia Ulpia Trajana Augusta Dacia Zarmis.

Quoique la Dace alpense & ripense eussent leurs chefs, elles dépendoient néanmoins de la consulaire, & toutes les trois ensemble étoient sous le préfet de Macédoine, qui résidoit à Thessalonique. C’est à lui qu’on envoyoit les deniers publics, ainsi que l’or & l’argent qui se tiroit des mines. La Dace appartenoit à l’Illyrie orientale. Elle commença sous Gallien à secouer le joug. L’empereur Aurelien désespérant de pouvoir la contenir dans l’obéissance, en retira les troupes romaines, & le pays redevint libre. Plusieurs inscriptions, les chemins publics, les restes du pont de Trajan, & d’autres anciens monumens sont des preuves des colonies que les anciens Romains avoient établies dans cette province.

Les empereurs de Constantinople, après le partage de l’empire, furent maîtres de la Dace ; mais les affaires de l’empire allant en décadence, les Huns y firent des irruptions de toutes parts. S. Etienne, premier roi de Hongrie, conquit le pays vers l’an 1001, & y répandit le christianisme. Alors la Transilvanie fut jointe au royaume de Hongrie, & à quelques soulevemens près, qui n’ont pas été de longue durée, elle a toujours été sous le commandement d’un vaivode ou vice roi ; mais la religion y a éprouvé des vicissitudes. Etienne & Sigismond Battori ont fait de grands efforts pour y établir la religion catholique ; cependant la plûpart des habitans sont demeurés dans la religion protestante, & ils font encore aujourd’hui le plus grand nombre. (D. J.)

TRANSIR, v. act. & n. (Gram.) c’est saisir d’un grand froid. Ce vent me transit. La vue de cet homme me transit, tant il est légerement vétu. On transit d’effroi, de douleur, de chagrin. Le recit de cette action m’a transi. C’est un amant transi.

TRANSIT, acquit de, (terme de douane.) acte que les commis des douanes délivrent aux marchands voituriers ou autres, pour certaines marchandises qui doivent passer par les bureaux des fermes du roi, sans être visitées, ou sans y payer les droits ; à la charge néanmoins par les propriétaires ou voituriers desdites marchandises, de donner caution de rapporter dans un tems marqué dans l’acquit, un certificat en bonne forme, qu’au dernier bureau elles auront été trouvées en nombre, poids, quantité & qualité, & les balles & les cordes avec les plombs sains & entiers, conformément à l’acquit. Diction. du Comm. (D. J.)

TRANSITIF, adj. (Gram.) terme de grammaire hébraïque. Il se dit des verbes qui marquent une action qui passe d’un sujet qu’il a fait, dans un autre qui la reçoit.

TRANSITION, s. f. (Art orat.) liaison d’un sujet à un autre dans le même discours. Tous les préceptes qu’on donne pour former les transitions, pour les placer à propos, pour les varier avec goût, sont autant de préceptes frivoles. Il faut que toutes les parties d’un discours soient unies comme le sont celles d’un tout naturel ; c’est la vraie liaison, & presque la seule qui doit y être. Tout ce qui n’y tient que par insertion artificielle, y est étranger. Ce qui rend si difficile la pratique des transitions à la plûpart des auteurs, c’est qu’ils n’ont pas assez

médité leurs sujets pour en connoître tout l’enchaînement ; & faute d’avoir saisi une partie médiante qui servoit de liaison, ils font aboutir les unes aux autres, des parties qui ne sont point taillées pour joindre. De-là les transitions artificielles & les tours gauches employés pour couvrir un vuide, & tromper ceux qui jugent de la solidité de l’édifice par le plâtre dont il est revêtu.

Qu’on parcoure les ouvrages des célebres écrivains, on n’y verra point de ces tours de souplesse, si j’ose m’exprimer ainsi ; le sujet se développe de lui-même, & s’explique franchement. Tout se suit ; & quand ils ont dit sur un chef tout ce qu’il y avoit à dire, ils passent à un autre simplement, & avec un air de bonne foi, beaucoup plus agréable pour le lecteur que ces subtilités qui marquent la petitesse de l’esprit, ou au-moins un auteur trop oisif. Voilà les réflexions sensées de l’auteur des principes de Littérature sur cet article. (D. J.)

Transition, (Musique.) se dit de la maniere d’adoucir le saut d’un intervalle disjoint, en insérant des sons diatoniques sur les degrés qui séparent ses deux termes. La transition est proprement une sorte de tirade non notée ; quelquefois elle n’est qu’un port de voix, quand il s’agit seulement de rendre plus doux le passage d’un degré diatonique à l’autre. C’est ainsi que, pour passer du si à l’ut avec plus de douceur, on commence l’ut sur le même ton du si.

Transition harmonique est une marche de basse fondamentale propre à changer de genre ou de ton ; ainsi dans le genre diatonique, quand la basse marche de maniere à exiger dans les parties quelque mouvement par semitons mineurs, c’est une transition chromatique ; que si l’on passe d’un ton dans un autre à la faveur d’un accord de septieme diminuée, c’est une transition enharmonique. Voyez Enharmonique. (S)

TRANSITOIRE, adj. en droit commun est une épithete opposée à local, voyez Local. Ainsi l’on peut appeller action transitoire celle qu’on peut intenter successivement en plusieurs tribunaux.

TRANSLATION, TRANSPORT, (Synon.) ces deux mots qui semblent dire la même chose au propre, ont cependant un usage différent ; on dit le transport des marchandises, de l’artillerie, &c. on dit la translation d’un concile, d’une fête, d’un parlement, d’un empire. Ce mot se dit aussi d’une personne qui change de lieu : l’une des religieuses voulut quitter l’Hôtel-Dieu pour aller à Port-Royal, on remua ciel & terre pour cette translation.

Translation ne se dit jamais en matiere de commerce, ou de morale, mais transport s’y dit élégamment ; je lui ai fait un transport de ma dette. Translation ne s’emploie point au figuré. Transport se dit figurément en prose & en vers, du trouble & de l’agitation de l’ame ; par exemple un transport de joie a causé quelquefois la mort ; on n’aime que foiblement, quand les précautions sont les maîtresses des transports ; votre haine a des transports qui tiennent plus de l’amour que de l’indifférence.

Puisqu’après tant d’efforts, ma résistance est vaine,
Je me livre en aveugle, au transport qui m’entraîne.

Racine.

J’abandonnai mon ame à des ravissemens
Qui passent les transports des plus heureux amans.

Corneille.

On dit aussi transports, de l’enthousiasme poétique.

Sentez-vous, dites-moi, ces violens transports,
Qui d’un esprit divin font mouvoir les ressorts ?

Despréaux.


(D. J.)

Translation, (Belles-lettres.) signifioit autre-