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quinze jours par tous les autres émonctoires. Voyez Emonctoire.

Borelli dit que les avantages de l’insensible transpiration sont si considérables, que sans elle les animaux ne pourroient pas conserver leur vie.

La transpiration est absolument nécessaire dans l’économie animale, pour purifier la masse du sang, & le débarrasser de quantité de particules inutiles & hétérogenes, qui pourroient le corrompre. De-là vient que quand la transpiration ordinaire est arrêtée, il survient tant de maladies, particulierement de fievres, de gratelles, &c.

La transpiration est nécessaire à l’organe du toucher, parce qu’elle empêche les mamelons de la peau d’être desséchés, soit par l’air, soit par l’attouchement continuel des corps extérieurs.

Le froid empêche la transpiration en resserrant les pores de la peau, & épaississant les liqueurs qui circulent dans les glandes cutanées. La chaleur au-contraire augmente la transpiration, en ouvrant les conduits excrétoires des glandes, & en augmentant la fluidité & la vélocité des humeurs. Voyez Froid, &c.

Les grands symptômes d’un état parfait de santé & les principaux moyens de la conserver, sont d’entretenir beaucoup de subtilité, d’uniformité & d’abondance dans la matiere de l’insensible transpiration, & aussi, quand elle augmente après le sommeil, &c. au-contraire, le défaut de ces qualités est le premier symptôme assuré, & peut-être la cause des maladies. Voyez Santé & Maladie.

La transpiration se fait, s’entretient, s’accroît par les visceres, les vaisseaux, les fibres ; par le mouvement ou un exercice qui aille jusqu’aux premieres apparences de la sueur, par un usage modéré des plaisirs, en dormant sept ou huit heures, se couvrant bien le corps, & néanmoins ne le chargeant pas de couverture : la gaieté, une nourriture légere fermentée & néanmoins solide, & qui n’est pas grasse, un air pur, froid, pesant, &c. contribuent beaucoup a la transpiration. Le contraire de toutes ces choses, de même que l’augmentation des autres excrétions, la diminuent, l’empêchent, l’alterent.

On voit donc la cause, les effets, &c de cette matiere de la transpiration, de son usage pour conserver la souplesse & la flexibilité des parties, en leur rendant ce qu’elles ont perdu ; mais principalement en conservant l’humidité des mamelons nerveux, en les entretenant frais, vigoureux, propres à être affectés par les objets, & à transmettre à l’ame leurs impressions. Voyez Nerf, Sensation, &c.

Une trop grande transpiration occasionne des foiblesses, des défaillances, des morts subites ; une trop petite, ou même une suppression totale de cette action fait que les vaisseaux capillaires se dessechent, se flétrissent & périssent : il arrive aussi que les plus grands émonctoires en sont obstrus, ce qui trouble la circulation, & rend les humeurs caustiques : de-là viennent la putridité, la crudité, les fievres, les inflammations, les aposthemes ou les abscès. Voyez Maladie.

Pour déterminer l’état & les qualités de la transpiration nécessaires à juger de la disposition du corps, Sanctorius inventa une chaise à peser, avec laquelle il examinoit la quantité, les degrés de transpiration, dans différentes circonstances du corps, sous différentes températures de l’air, dans différens intervalles qu’il mettoit à boire, à manger, à dormir, &c. Voyez Chaise de Sanctorius.

Quelques-uns des phénomenes les plus extraordinaires, qu’il a observés par ce moyen, sont que quelques tems après avoir mangé, la transpiration est moindre qu’en tout autre tems : que la transpiration est la plus grande entre la cinquieme & la douzieme

heure après les repas ; que l’exercice soit en allant à cheval, en carrosse, en bateau, &c. soit en jouant à la paume, en patinant, & surtout les frictions vives sur la peau, sont des moyens merveilleux pour provoquer la transpiration ; que lorsqu’on sue elle est moindre qu’en tout autre tems ; & que les femmes transpirent toujours beaucoup moins que les hommes.

TRANSPLANTATION, (Médecine.) méthode de guerir les maladies imaginée & soigneusement recommandée par Paracelie : elle consiste à faire passer une maladie d’un homme dans un autre, ou dans un animal, ou même dans une plante, de façon que le sujet qui l’a communiquée en est totalement délivré. On a tâché de constater par des faits cette prétention chimérique de Paracelse, indigne de ce grand homme ; les Allemands sur-tout extrémement attachés aux remedes singuliers, se sont appliqués à faire valoir cette méthode ; & pendant que les médecins des autres pays la laissoient ensevelie dans un oubli bien légitime, ils faisoient des expériences & des longs raisonnemens, les uns pour la détruire, & les autres pour la confirmer. Georgius Francus rapporte plusieurs exemples de maladies qu’il assure gueries par la transplantation (ephemer. nat. curios. ann. iv. & v. observ. 102.) Maxuel, médecin écossois, a fait un traité particulier où il s’en déclare le partisan ; Thomas Bartholin en parle dans une dissertation épistolaire, & prétend avoir une mumie essentielle tirée des astres dans qui les maladies se transplantent promptement. Hermann Grube n’a rien oublié pour faire proscrire la transplantation comme inutile ou superstitieuse ; Reiselius assure que cette méthode est principalement appropriée dans les hydropisies, & raconte avoir gueri par son moyen deux enfans d’hydrocele, qui avoient résisté à toutes sortes de remedes, il se servit dans le premier cas d’un limaçon rouge, qu’on frotta à diverses reprises sur la partie affectée ; on l’attacha ensuite au haut de la tumeur pendant 24 heures, après quoi on le suspendit exposé à la fumée. Cette opération réitérée trois fois de même façon, l’hydrocele disparut ; dans le second cas, il fit avec le même succès la transplantation dans l’urine même du malade, qu’il mit ensuite, chargée de la maladie, dans une coquille d’œuf, aussi exposée à la fumée. Credat judæus apella, non ego.

Le même auteur assure avoir vu guerir une hernie inguinale par le téléphium récemment arraché, appliqué sur la tumeur, & ensuite planté & cultivé avec beaucoup de soin ; les transplantateurs recommendent de veiller avec une extrème attention aux plantes & aux animaux dans qui on a fait passer les maladies, parce que lorsqu’ils souffrent, sont incommodés, ou meurent, la personne de qui ils ont reçu la maladie se sente aussi-tôt de leur altération : on raconte qu’un homme ayant transplanté sa maladie dans un chêne, fut considerablement incommodé d’une blessure qu’on fit à cet arbre ; les Allemands regardent le téléphium, comme la plante la plus favorable à la transplantation, ils la reservent principalement à cet usage, & l’appellent en conséquence raben-trauf.

Parmi les secrets de bonnes femmes, on trouve quelque idée de la transplantation ; ces especes de médicastres subalternes conseillent beaucoup dans les fievres malignes, pestilentielles, de mettre dans le lit du malade, d’attacher même à leur pié un crapaud, un serpent, un chien ou tout autre animal ; elles prétendent qu’ils attirent le venin qui est la cause de la maladie, & elles assurent avoir vu ces animaux devenir après cela prodigieusement enflés, & mourir promptement en exhalant une puanteur insoutenable ; on peut voir un effet analogue à la transplantation dans ce qui arrive aux vieillards, suivant quelques