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les ames du purgatoire. Amalarius Fortunatus dans son ouvrage des offices ecclésiastiques de Louis-le-Debonnaire, au commencement du ix. siecle, nous a laissé un office entier des morts, d’où quelques-uns ont voulu conclure que la mémoire annuelle des défunts, étoit établie dès ce tems-là ; mais cette preuve paroît foible. Il y a plus d’apparence que cet office ne se disoit encore alors que pour chaque particulier qui quittoit cette vie. C’est saint Odilon, abbé de Cluni, qui est le premier auteur de cette institution, laquelle a passé de son ordre dans toute l’Eglise. Ce saint abbé, au commencement du ix. siecle, ordonna à tous les religieux qui dépendoient de son abbaye, de faire tous les ans une commémoration solemnelle de tous les fideles défunts, le 2 Novembre, qui est le lendemain de la fête de tous les saints. Les souverains pontifes approuverent cette dévotion, & voulurent l’étendre dans toute l’Eglise : c’est delà qu’est venue la solemnité lugubre, que l’on appelle la fête des trépassés. Bollandus, vie de saint Odilon.

TRÉPIDATION, s. f. ou Titubation, en terme d’Astronomie, est une espece de balancement que les anciens astronomes attribuoient aux cieux de crystal qu’ils avoient imaginé pour expliquer le mouvement des planetes. Par cette titubation ils expliquoient quelques mouvemens observés dans l’axe du monde ; savoir celui qui produit la précession des équinoxes : cette précession, comme on le sait aujourd’hui, vient d’un mouvement conique de l’axe de la terre autour des poles de l’éclyptique contre l’ordre des signes, & la cause physique en a été découverte dans ces derniers tems. Voyez Précession. (O)

Trépidation, s. f. en Médecine, est un tremblement des nerfs & des membres du corps. Voyez Tremblement.

Le premier symptome de la rage dans les chiens, est une trépidation des membres, &c. Voyez Hydrophobie.

TRÉPIÉ, (Antiq. grec. & rom.) c’étoit un instrument à trois piés qui, dans le paganisme, entroit dans les actes de religion, & étoit lié avec elle.

Il seroit impossible de remonter à l’origine des trépiés, elle se perd dans les tems les plus reculés. Homere en parle comme d’un usage établi, lorsqu’il écrivoit. On connoît l’emploi qu’on faisoit des trépiés pour les oracles & pour les prédictions. Les trépiés étoient dans la Grece, ce que les couronnes & les boucliers votifs furent dans la suite des tems chez les Romains, c’est-à-dire des offrandes plus ou moins cheres, qu’on faisoit à tous les dieux. Les inscriptions dont il étoit facile de les orner, perpétuoient la memoire de celui qui les avoient offerts. La grandeur & la matiere en étoient indifférentes.

Presque tous les enfans qui avoient exercé le sacerdoce d’Apollon chez les Thébains, laissoient un trépié dans le temple. Les trépiés étoient aussi donnés par recompense aux talens. Hésiode en remporta un pour prix de poésie à Chalcys sur l’Euripe. Echembrote en offrit un de bronze à Hercule avec cette inscription : « Echembrote Arcadien a dédié ce trépié à Hercule, après avoir remporté le prix aux jeux des Amphictyons ». Horace dit, l. IV. ode 8.

Donarem tripodas præmia fortium
Graïorum.

Si j’étois riche, mon cher Censorinus, je donnerois volontiers à mes amis, de ces beaux trépiés dont la Grece recompensa autrefois la valeur de ces héros.

Pausanias cite le sujet d’un groupe de marbre assez indécent pour les dieux, mais qui fait honneur aux trépiés. Hercule & Apollon y étoient représentés se

disputant un trépié ; ils étoient prêts à se battre, mais Latone & Diane retenoient Apollon tandis que Minerve appaisoit Hercule. On en voit peu de bien conservés, & la plûpart sont romains.

On en a trouvé un dans la maison de campagne d’Hadrien, de la hauteur d’environ cinq piés ; ce qui prouve qu’il n’a été destiné que pour une offrande. Il est de pierre de touche, du plus beau travail grec.

Les trépiés sacrés, car c’est ainsi qu’on les nommoit, se trouvent souvent de différentes formes ; les uns ont des piés solides, les autres sont soutenus sur des verges de fer ; il y en avoit en maniere de sieges, de tables, de cuvettes ; il y en avoit qui servoient d’autels, & sur lesquels on immoloit les victimes.

Enfin quelle que fût leur figure, les trois piés des trépiés souffroient en particulier différentes formes, & pouvoient être décorés de différens ornemens. Le noyau ou le pilier montant qui portoit la cuvette, pouvoit être formé par un ou plusieurs figures. On varioit ces figures dans l’espece & dans les proportions. La cuvette, toujours soutenue par les trois piés, pouvoit être ornée par des têtes de caracteres, mais il étoit possible de la décorer à volonté, en-dedans comme en-dehors, par des bas-reliefs & des gravures. Aussi est-il constant que les Grecs allioient dans les trépiés la sculpture & la gravure. Pour les Romains, ils n’ont guere été dans le goût d’embellir leurs trépiés. Ils les ont conservés dans leur premiere forme, c’est-à-dire simple, car en fait d’ornemens, on augmente plutôt qu’on ne diminue, comme le remarque M. de Caylus. Antiq. Greq. Rom. Etrusq. t. 2. (D. J.)

Trépié, (Médailles.) les médailles prouvent que les trépiés avoient un grand usage dans les sacrifices ; car les trois piés étoient couverts d’un bassin, sous lequel on faisoit du feu pour brûler l’encens & les parfums que l’on offroit aux dieux ; on a une médaille de l’empereur Vérus, dont la tête est gravée d’un côté, & sur l’autre on voit un trépié entouré d’un serpent : ce trépié marque un sacrifice que faisoit l’empereur, & le serpent indique qu’il sacrifioit à Esculape, au sujet de sa santé. Pour rendre ce symbole intelligible, on dit que, comme le serpent quitte sa vieille peau, les malades, par le secours de la médecine, quittent la langueur qui suit les maladies.

On connoît encore une médaille de Vitellius, sur le revers de laquelle on voit un trépié, la figure d’un dauphin au-dessus, & un oiseau que l’on croit être un corbeau au dessous. La légende porte ces mots XV. VIR. SACR. FAC. qui nous apprennent que Vitellius étoit un des quindécemvirs préposés pour la solemnité des sacrifices : en effet, le dauphin étoit consacré à Apollon, selon la remarque de Servius sur le troisieme livre de l’Enéide : & à l’égard du corbeau, on prétend qu’il étoit sous la protection du même dieu. (D. J.)

Trépié de la Pythie, (Mytholog.) machine à trois piés sur laquelle la Pythie assise rendoit les oracles d’Apollon ; c’étoit là le sacré trépié, appellé en latin cortyna ; il étoit couvert de la peau du serpent Python ; la prétresse ou le prêtre d’Apollon ne rendoit les oracles du dieu, & n’annonçoit l’avenir, qu’après s’être assise sur le sacré trépié.

Dans les premiers siecles de la découverte de l’oracle de Delphes, devint prophete qui voulut, dit M. Hardion. Les habitans du Parnasse n’avoient besoin, pour acquérir le don de prophétie, que de respirer la vapeur qui sortoit de l’antre de Delphes. Le dieu de l’oracle pour se mettre en crédit, inspiroit alors toutes sortes de personnes indifféremment. Enfin plusieurs de ces phrénétiques dans l’accès de