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loppé ce denier, comme on voit arriver pareilles choses à certains arbres, de la végétation desquels on est persuadé. Il me paroît même que Pline ne savoit à quoi s’en tenir, puisqu’il rapporte ensuite, que l’on observoit que les truffes ne venoient auprès de Mételin dans l’île de Lesbos, que quand le débordement des rivieres en apportoit les semences d’un endroit nommé Tiares, dans la terre ferme d’Asie, où il y avoit des truffes en quantité.

Peut-être que l’on pourroit multiplier les truffes en tentant différens moyens, puisque nous les voyons multiplier dans la terre. Cette reproduction nous confirmeroit l’opinion que les graines sont renfermées dans l’intérieur de la truffe, & que ce sont ces graines & ces points ronds qui forment le parenchime de la truffe. Ce parenchime est soutenu par des fibres qui vont irrégulierement de la circonférence au centre, & tout traversé par des canaux blancs qui forment la marbrure de la truffe. Quelquefois ces canaux s’étendent en formant des plaques blanches, composées de vésicules transparentes plus déliées que les autres ; en sorte que vues de côté, elles forment une surface unie, blanche ; considérées perpendiculairement, elles laissent discerner à-travers elles, des points noirs ; si ces points sont les graines de la truffe, il est probable que les plaques blanches en sont comme les fleurs, y ayant toute apparence que les fleurs doivent être renfermées dans la truffe avec les graines.

Quoique les fibres de la truffe soient fort déliées, elles ne laissent pas toutes ensemble, d’avoir assez de force pour résister quelque tems à l’effort que l’on fait en les tirant en long. On les observe mieux dans une truffe passée que dans une autre, parce que le tissu charnu étant flétri, laisse appercevoir les locules qu’elles occupoient, & qui rend en les exprimant, le suc dont elles étoient chargées. Si au contraire on tire ces fibres de côté, elles se déchirent en se séparant en plusieurs lames dans le sens des fibres. Une preuve que ce sont des fibres, c’est que l’endroit qui a été gâté par le ver, étant vu au microscope, paroît être semblable à du bois pourri ; en sorte que ce ne sont plus que des fibres ou des lames sans suc, sans vésicules, & sans les points qui sont peut-être les graines. On les trouve comme criblées aux endroits où ces matieres auroient dû être ; d’où l’on peut conjecturer que les vers ou les insectes ont soustrait le suc nourricier, puisque les insectes de la truffe ont la même couleur que la truffe dans l’endroit qu’ils ont piqué.

Au reste, tout ceci n’est que pure conjecture ; car nos physiciens étant rarement à portée d’une truffiere, n’ont point encore cherché, comme il conviendroit, à approfondir tout ce qui concerne la végétation de la truffe. Ce ne sont pas les paysans qui découvriront ce mystere, moins encore ces personnes voluptueuses qui font leurs délices de ce mets, & qui, comme disoit Juvenal de leurs semblables,

Libidinis alimenta per omnia quoerunt.

(Le chevalier de Jaucourt.)

Truffe, (Diete.) quoique la truffe contienne une assez bonne quantité de matiere alimenteuse, cependant son goût très-relevé est cause qu’on l’emploie principalement à titre d’assaisonnement ou d’irritamentum gulæ.

La consistence naturelle de la truffe qui est d’un tissu dur & serré, n’empêche point qu’elle ne soit de facile digestion. On n’observe point dans les pays où elles croissent abondamment, & où on en mange beaucoup, qu’elle cause des indigestions, ni même qu’elle fatigue l’estomac. Le véritable inconvénient de leur usage est d’échauffer considérablement, mais cependant sans exciter la soif qui est le plus impor-

tun de tous les accidens de l’échauffement proprement

dit.

La vertu d’exciter l’appétit vénérien qu’on leur attribue est très-réelle ; elle s’y trouve même en un degré fort énergique. Ainsi elles ne conviennent certainement point aux tempéramens sanguins, vifs, bouillans, portés à l’amour, ni à ceux qui sont obligés par état à s’abstenir de l’acte vénérien.

Une observation rapportée à l’article Poule d’Inde (diete), voyez cet article, semble prouver que le principe aromatique de la truffe est anti-sceptique ou assaisonnant. (b)

Truffe de cerf, (Botan.) espece de champignon nommé tuber cervinum, ou cervi boletus, par J. B. 111. 851. Lycoperdastrum tuberosum, arrhizon, fulvum, cortice duriore, crasso, & granulato ; medullâ ex albo purpurascente ; semine nigro, crassiore, Mich. nov. gen. plant. 220. n°. 10. tab. 99. fig. 4. Cette espece de champignon ou de truffe, est de la grosseur d’une noix, quelquefois d’une noisette, & même plus petite, arrondie, raboteuse, inégale ; d’une substance qui n’est ni dure, ni molle, & d’un noir pourpre ; elle est couverte d’une écorce semblable à du cuir, grise, rousse, semée de petits grains par-dessus, renfermant en-dedans une substance fongueuse, d’un blanc tirant sur le pourpre, subdivisée & distribuée en des cellules cotonneuses & molles, remplies de très-petites graines, qui font une masse, & qui sont attachées par des filamens. Cette même substance ayant donné sa graine mûre, se resserre, & forme un petit globule.

Lorsque cette truffe est récente, elle a un goût & une odeur forte & muriatique ; mais lorsqu’elle est seche & gardée depuis quelque tems, elle n’en a presque point de sensible. Elle naît sous la terre comme les autres truffes, sans racines, au-moins visibles. On la trouve dans les forêts épaisses & les montagnes escarpées d’Allemagne & de Hongrie ; les cerfs en sont friands ; étant attirés par son odeur, ils grattent la terre où elle est cachée pour la découvrir & la manger. (D. J.)

Truffe vers des, (Hist. nat.) espece de vers qui se transforment en mouches, & qui avant leur métamorphose, vivent dans les truffes, & s’en nourrissent. Ces sortes de vers qui vivent dans les truffes, sont souvent cause qu’elles nous arrivent à Paris très-corrompues ; car ils logent dans la truffe comme d’autres vers dans la viande. S’ils ne donnent pas toujours à la truffe le premier degré de corruption, au-moins en accelerent-ils les progrès. Lorsqu’on en presse quelqu’une entre les doigts, qui est trop avancée, on y sent des endroits qui cedent, qui se sont ramollis ; qu’on ouvre ces endroits, ordinairement on y trouvera des vers. Ils sont assez petits, & de ceux dont le bout postérieur est plan comme celui d’un cylindre. Ce bout a deux tubercules bruns, placés sur la même ligne, plus près de la partie supérieure que de l’inférieure, qui sont les deux stigmates postérieurs. Ces vers sont blancs & transparens ; aussi lorsqu’on regarde le dessus de leur partie antérieure, on voit distinctement les deux tiges noires des deux crochets noirs dont ils sont armés.

Ils piochent la truffe avec ces crochets, comme d’autres vers piochent la viande avec les leurs ; leur anus qui est aisé à trouver, est en-dessous du ventre, près du bout postérieur ; il jette une matiere blanche & gluante, qui aide peut être à faire corrompre la truffe ; chaque ver est toujours entouré de cette liqueur épaisse. Quand ils ont pris tout leur accroissement, & ils l’ont pris en peu de jours, ils quittent la truffe comme les autres quittent la viande, & pour la même fin ; je veux dire pour chercher un lieu propre à leur transformation ; ils entrent en terre, & au bout de douze heures, ils sont transformés dans