couroient toutes les côtes de l’Afrique & de l’Europe, celles de la mer Rouge & du golfe Persique. Par terre, ses négocians trafiquoient au-delà de l’Euphrate, qui fut longtems le terme des connoissances géographiques des anciens. Le nombre de ses colonies l’a mise au rang des métropoles les plus illustres. Plusieurs, comme Utique & Carthage, ont joué de grands rôles ; d’autres, comme Cadix, subsistent encore avec éclat.
Tyr n’étoit pas moins guerriere que commerçante ; cet immense négoce qui fit sa gloire, & dont l’ingénieux auteur de Télémaque nous offre un magnifique tableau, étoit soutenu par des troupes nombreuses de terre & de mer. De fréquentes révolutions firent succéder plus d’une fois à ses prospérités les plus affreux malheurs. Salmanasar l’humilia, Nabuchodonosor la détruisit presque. Rétablie sous Cyrus, & plus brillante que jamais sous les rois de Perse, elle paya chérement l’honneur d’arrêter Alexandre dans sa course ; un siege meurtrier en fit un monceau de ruines.
De la domination des rois de Syrie, successeurs de ce conquérant, elle passa sous celle des Romains. Leur empire doux & tranquille favorisoit le commerce ; Tyr en profita pour se relever ; on la vit reparoître avec honneur, & devenir la principale ville de Syrie. Dans les siecles suivans elle éprouva sous les Sarrasins & les princes chrétiens, la même alternative de revers & de succès.
Enfin aujourd’hui elle a le sort de toutes les villes anciennes tombées au pouvoir des Turcs. Teucer de Cyzique avoit poussé l’histoire de cette ville jusqu’à son tems ; nous avons perdu son ouvrage, & personne ne l’a ni recommencé ni continué. Le chevalier Newton, Marsham & Perizonius ont établi la fondation de Tyr sous le regne de David ou de Nabuchodonosor ; & il faut avouer qu’il est bien difficile de renverser leur système.
Porphyre, célebre philosophe platonicien, naquit à Tyr dans le troisieme siecle, & mourut sous le regne de Dioclétien. Disciple de Longin, il fut l’ornement de son école à Athènes ; de là il passa à Rome, & s’attacha au célebre Plotin, dont il écrivit la vie, & auprès duquel il demeura six ans. Après la mort de Plotin, il enseigna la philosophie à Rome avec une grande réputation ; il se montra très-habile dans les belles-lettres, dans la géographie, dans l’astronomie & dans la musique. Il nous reste de lui un livre en grec sur l’abstinence des viandes, & quelques autres écrits. Son traité contre la religion chrétienne fut refuté par Méthodius, évêque de Tyr, par Eusebe, par Apollinaire, par S. Augustin, par S. Jérôme, par S. Cyrille & par Théodoret. Voilà bien des réfutateurs ; mais l’ouvrage même n’est pas parvenu jusqu’à nous ; l’empereur Théodose le fit brûler en 388, avec quelques autres livres du même philosophe. (Le Chevalier de Jaucourt.)
Tyr, (Calend. éthyopien.) nom du cinquieme mois de l’année éthyopienne. Il commence le 25 Décembre de l’année julienne.
Tyr, (Mythol.) nom d’une divinité invoquée par les Celtes qui habitoient les royaumes du nord. C’étoit un dieu guerrier qui protégeoit les hommes vaillans & les athletes, & dispensoit les victoires. Le troisieme jour de la semaine lui étoit consacré, & il s’appelle encore aujourd’hui tyrs-dag, le jour de Tyr, ce qui répond au mardi, qui chez les Romains étoit consacré au dieu Mars. Il ne faut point confondre le dieu dont nous parlons avec celui que les peuples du nord appelloient Thor. Voyez son article.
Tyr marbre de, (Hist. nat.) tyrium marmor, marbre blanc, fort estimé des anciens, & qui n’étoit point inférieur au marbre de Paros lorsqu’il étoit parfaitement pur. Quelquefois il avoit des veines d’un gris noirâtre.
TYRAN, s. m. (Politique & Morale.) par le mot τύραννος, les Grecs désignoient un citoyen qui s’étoit emparé de l’autorité souveraine dans un état libre, lors même qu’il le gouvernoit suivant les lois de la justice & de l’équité ; aujourd’hui par tyran l’on entend, non-seulement un usurpateur du pouvoir souverain, mais même un souverain légitime, qui abuse de son pouvoir pour violer les lois, pour opprimer ses peuples, & pour faire de ses sujets les victimes de ses passions & de ses volontés injustes, qu’il substitue aux lois.
De tous les fléaux qui affligent l’humanité, il n’en est point de plus funeste qu’un tyran ; uniquement occupé du soin de satisfaire ses passions, & celles des indignes ministres de son pouvoir, il ne regarde ses sujets que comme de vils esclaves, comme des êtres d’une espece inférieure, uniquement destinés à assouvir ses caprices, & contre lesquels tout lui semble permis ; lorsque l’orgueil & la flatterie l’ont rempli de ces idées, il ne connoît de lois que celles qu’il impose ; ces lois bizarres dictées par son intérêt & ses fantaisies, sont injustes, & varient suivant les mouvemens de son cœur. Dans l’impossibilité d’exercer tout seul sa tyrannie, & de faire plier les peuples sous le joug de ses volontés déréglées, il est force de s’associer des ministres corrompus ; son choix ne tombe que sur des hommes pervers qui ne connoissent la justice que pour la violer, la vertu que pour l’outrager, les lois, que pour les éluder. Boni quam mali suspectiores sunt, semperque his aliena virtus formidolosa est. La guerre étant, pour ainsi dire, déclarée entre le tyran & ses sujets, il est obligé de veiller sans cesse à sa propre conservation, il ne la trouve que dans la violence, il la confie à des satellites, il leur abandonne ses sujets & leurs possessions pour assouvir leur avarice & leurs cruautés, & pour immoler à sa sûreté les vertus qui lui font ombrage. Cuncta ferit, dum cuncta timet. Les ministres de ses passions deviennent eux-mêmes les objets de ses craintes, il n’ignore pas que l’on ne peut se fier à des hommes corrompus. Les soupçons, les remords, les terreurs l’assiégent de toutes parts ; il ne connoît personne digne de sa confiance, il n’a que des complices, il n’a point d’amis. Les peuples épuisés, dégradés, avilis par le tyran, sont insensibles à ses revers, les lois qu’il a violées ne peuvent lui prêter leur secours ; en vain réclame-t-il la patrie, en est-il une où regne un tyran ?
Si l’univers a vu quelques tyrans heureux jouir paisiblement du fruit de leurs crimes, ces exemples sont rares, & rien n’est plus étonnant dans l’histoire qu’un tyran qui meurt dans son lit. Tibere après avoir inondé Rome du sang des citoyens vertueux, devient odieux à lui même ; il n’ose plus contempler les murs témoins de ses proscriptions, il se bannit de la société dont il a rompu les liens, il n’a pour compagnie que la terreur, la honte & les remors. Tel est le triomphe qu’il remporte sur les lois ! Tel est le bonheur que lui procure sa politique barbare ! Il mene une vie cent fois plus affreuse que la mort la plus cruelle. Caligula, Néron, Domitien ont fini par grossir eux-mêmes les flots de sang que leur cruauté avoit répandus ; la couronne du tyran est à celui qui veut la prendre. Pline disoit à Trajan, « que par le sort de ses prédécesseurs, les dieux avoient fait connoître qu’ils ne favorisoient que les princes aimés des hommes ».
Tyrans, les trente, (Hist. greq.) on appelloit ainsi les trente hommes que les Lacédémoniens établirent dans Athènes pour la tenir en servitude ; mais Thrasibule forma le généreux dessein de les chasser d’Athènes, & y réussit. C’est là-dessus que Cornelius Nepos a dit ce beau mot de ce grand homme : « Plusieurs ont desiré, peu ont eu le bonheur de déli-