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est que le sillage en est plus grand, parce que l’eau passe au-dessous des façons, & ne les choque pas. Outre cela, le plat & la rondeur des étains empêche un grand tangage ou roulis ; ce qui est une qualité essentielle à la bonté d’un bâtiment. Ceux qui font les façons de derriere en poire, n’ont point, dit encore ce constructeur, ces précieux avantages.

D’après ces principes, M. Hendrick a établi ces proportions pour trouver la hauteur de l’étrave ; partagez la quille en cinq parties égales ; prenez-en une ; joignez-là a la hauteur de la quille ; ce sera la hauteur de l’étrave.

Pour déterminer sa quête, il faut partager la quille en douze parties égales, & en prendre une pour la quête.

Pour déterminer la hauteur de l’étambord, partagez la quille en neuf parties égales ; deux de ces parties donneront cette hauteur sur la quille, en y comprenant celle de la mortaise faite sur cette quille, pour ce même étambord. La quête de cette partie du vaisseau doit être la huitiéme partie de sa propre hauteur.

On trouve la largeur du maître couple de dehors en-dehors, en partageant la longeur du vaisseau de dedans en-dedans, par le haut en sept parties égales, dont deux donneront la largeur du maître couple, de dehors en-dehors.

Pour avoir la hauteur du fond de cale, partagez le maître couple, de dehors en-dehors, en cinq parties égales.

Deux de ces parties donneront cette hauteur depuis la quille jusqu’au-dessus des baux, en ligne droite.

La hauteur du fond de cale, à prendre dessous la quille, donne la hauteur des façons.

Enfin, pour avoir la longueur de la lisse de hourdi, partagez le maître couple, de dehors en-dehors en trois parties égales, & prenez deux de ces parties.

L’auteur de ces regles a aussi prescrit les dimensions des principales pieces d’un vaisseau ; savoir la quille, l’étambord, l’étrave, les varangues de fond, & les baux du premier pont.

La quille aura autant de pouces en largeur, qu’elle aura de fois sept piés & demi dans sa longueur ; & sa hauteur en avant sera égale à une fois & demie sa largeur. A l’égard de sa hauteur en-arriere, on la détermine en partageant sa hauteur en-avant en quatre parties égales, & on en prend trois.

L’épaisseur de l’étrave est égale à la largeur de la quille ; sa largeur a deux fois son épaisseur, & on augmente le haut d’un de sa largeur d’en-bas.

On donnera à l’épaisseur de l’étambord la largeur de la quille à son ordinaire ; sa largeur d’en-bas aura trois fois son épaisseur, & sa largeur d’en-haut sera la moitié de celle d’en-bas.

La varangue de fond aura autant de largeur & d’épaisseur que la quille.

Et les baux du premier pont auront autant de quarré, que la varangue du fond a d’épaisseur.

Voici un exemple pour rendre sensible l’application de ces regles ; je suppose qu’on veut bâtir un vaisseau de soixante pieces de canon.

La quille sera de 125 piés portant sur terre ; sa largeur sera de 16 pouces , & sa hauteur de 24 pouces en-avant, & de 18 en-arriere.

L’étrave aura 25 piés 3 pouces de hauteur, & 18 piés de quête.

L’étambord aura 27 piés trois pouces de hauteur, & 3 piés 3 pouces de quête.

La longueur de l’étrave à l’étambord par haut de-dedans en-dedans sera de 133 piés.

La largeur du maître couple de-dehors en-dehors, sera de 38 piés 4 pouces.

La longueur de la lisse de hourdi sera de 25 piés & quelques lignes.

Quinze piés quatre pouces sont la hauteur du fond de cale.

La varangue de fond aura de hauteur 16 pouces 2 piés 8 pouces d’acculement, jusqu’à la premiere lisse, & 12 pouces & quelques lignes d’épaisseur.

Et le ban du premier pont sera de 16 pouces en quarré.

Comme tout l’art de la construction proprement dite consiste à bien placer la premiere lisse, M. Hendrick donne une regle particuliere à cet égard ; c’est de partager la longueur de l’étrave en-dedans en trois parties égales, dont il prend la premiere, où il cloue la lisse qu’il conduit jusqu’au bout de la maîtresse varangue, & qu’il fait suivre jusqu’au bas de l’estive.

Ce constructeur ne manque pas de raisons pour appuyer ces regles ; il prétend que les vaisseaux ainsi proportionnés, portent bien la voile ; qu’ils sillent bien ; qu’ils ont un grand fond de cale, capable de contenir beaucoup de vivres, & par-là propres aux voyages de long cours ; que les batteries étant fort élevées au-dessus de l’eau, rendent le tangage plus doux, enfin qu’ils ne craignent point tant l’échouement que les autres vaisseaux.

Ces qualités sont sans doute excellentes ; mais pour savoir si elles sont réunies par les regles ci-dessus prescrites, il faut lire les articles Construction & Tangage.

Mais quelle est la grandeur que doit avoir un vaisseau ? C’est sur quoi M. Hendrick n’a pas jugé à-propos de s’expliquer.

La proportion que j’ai suivie dans cet ouvrage, est celle que les constructeurs ont adoptée d’après l’expérience qui est la moins susceptible des fautes qu’on peut faire dans la construction. Un grand bâtiment a pourtant des avantages dont ne jouit pas un vaisseau médiocre. Premierement, il porte une grande charge, & ce qu’on y met est plus assûré que ce qu’on embarque dans un vaisseau médiocre. En second lieu, il résiste mieux à la tempête ; & par ces deux raisons, il est très-utile pour les voyages de long cours. Enfin, dans un combat il peut, & par son équipage, & par son artillerie, qui sont nombreux, écarter aisément l’ennemi. Ainsi il est en état de se défendre quand un gros tems l’a séparé des autres vaisseaux, avec lesquels il formoit une flotte.

Voilà son beau côté : ses inconvéniens sont, 1°. d’être difficile à loger, parce qu’il y a peu de havre où il puisse entrer & y demeurer à l’abri des vents, & hors de l’insulte & des ennemis ; 2°. d’être plus sensible à une mauvaise construction, les fautes augmentant à proportion de la grandeur du bâtiment ; 3°. de tirer une grande quantité d’eau ; de sorte qu’il est dangereux de siller la nuit près des côtes ou dans des lieux inconnus. Aussi les Anglois, les Hollandois, &c. qui estiment les grands vaisseaux, ne les ramenent jamais chez eux qu’en été, tems où les nuits sont courtes, & où l’on peut par conséquent reconnoître de loin les terres. A tout prendre, je ne serois pas partisan des grands vaisseaux : quelques avantages qu’ils ayent, l’architecture navale est encore trop imparfaite, pour s’exposer aux périls d’une mauvaise construction, qui est inévitable, comme on l’a éprouvé dans l’usage qu’on a fait de ces vaisseaux.

Des rangs des vaisseaux. On distingue les vaisseaux suivant leur grandeur, le nombre de leurs ponts, leur port, & la quantité de canons dont ils sont montés, & on les divise par rangs. Il y en a cinq en France : par deux ordonnances du roi de 1670 & de 1688, ces vaisseaux sont caractérisés de la maniere suivante.

Vaisseaux du premier rang. Ils ont depuis 130 jusqu’à 163 piés de long, 44 piés de large, & 20 piés